>>Mali : fin de l'enquête sur le site du crash de l'avion d'Air Algérie
"Quand on voit la trajectoire, cela conduit à penser que l'avion ne s'est pas désintégré en plusieurs morceaux en vol", a déclaré Rémi Jouty, directeur du Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA), lors d'une conférence de presse, justifiant cette hypothèse par la concentration des débris au sol.
Rémi Jouty (gauche), directeur du Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA), et son homologue malien, N'Faly Cisse, le 7 août 2014 lors d'une conférence de presse à Paris |
"Je ne pense pas que l'on puisse à ce stade exclure la thèse d'une action délibérée, mais on ne peut pas en dire plus pour l'instant", a-t-il ajouté tout en indiquant qu'aucun autre élément que ceux de l'avion et des victimes n'avaient été trouvé parmi les débris.
Selon les faits d'ores et déjà établis, l'avion, un McDonnell Douglas MD-83 immatriculé EC-LTV, a traversé une zone orageuse.
L'appareil, loué auprès de la société espagnole SwiftAir, devait relier Ouagadougou à Alger. Il s'est écrasé dans le Nord du Mali environ 32 minutes après son décollage avec 116 passagers et membres d'équipage, qui ont tous péri.
"La trajectoire de l'avion (...) fait apparaître une montée et un début de croisière normal, avec des changements de route modérés, typiques d'une stratégie d'évitement des développements orageux", a expliqué Rémi Jouty.
L'avion avait décollé de Ouagadougou à 01h15, heure locale. "Environ deux minutes après le début de la croisière (...) la vitesse a diminué progressivement", a détaillé le BEA.
Puis, l'avion est parti en virage à gauche avant de perdre rapidement de l'altitude, "avec des changements d'inclinaison et d'assiette très importants".
"La rotation vers la gauche continue jusqu'à la fin de l'enregistrement. Et le dernier point enregistré, à 1h47mn15s, correspond à une altitude de 1.600 pieds (490 mètres), une vitesse de 380 noeuds environ (740 km/h) et une vitesse de descente extrêmement importante", a ajouté le BEA.
Interrogés par l'AFP, des spécialistes aéronautiques ont souligné des éléments concordants avec l'accident du MD-82 de la West Carribean survenu en 2005 au Venezuela. "Le MD-82 est semblable au MD-83. Il y avait eu une diminution de la vitesse progressive causé par l'utilisation du système antigivrage", rappelle un ancien enquêteur du BEA, qui a requis l'anonymat.
L'enquête avait conclu à l'absence d'actions pertinentes des pilotes pour prévenir l'entrée de l'appareil en situation de décrochage.
D'autres experts aéronautiques ont souligné la possibilité que l'avion ait perdu de son aérodynamisme en raison du givrage causé par la présence de nuages.
"Le givrage déforme le profil et augmente énormément la traînée. L'efficacité aérodynamique est amoindrie. Parallèlement, le poids de l'avion augmente, ce qui au bout d'un certain temps peut expliquer une régression de vitesse", a expliqué l'un d'entre eux.
Conversations de l'équipage "inexploitables"
Les enquêteurs le 29 juillet sur le site de l'accident de l'avion d'Air Algérie qui s'est écrasé le 24 juillet au Mali, faisant 116 morts |
Parallèlement, Rémi Jouty a révélé que le BEA n'était pas en mesure dans l'immédiat d'exploiter les données d'une des deux boîtes noires, celle contenant les enregistrements des conversations de l'équipage.
"La bande magnétique de l'enregistreur phonique, Cockpit Voice Recorder, qui était endommagée, a pu être remise en état et lue. Malheureusement, les enregistrements qu'elle contenait se révèlent inexploitables, en raison vraisemblablement d'un défaut de fonctionnement sans lien avec les dommages résultant de l'accident", a-t-il dit.
Il a précisé qu'il y avait bien du "signal sonore enregistré sur la bande mais ce signal est inintelligible à ce stade". Le BEA a souligné s'être tourné "vers les meilleurs experts" pour tenter de lire le signal.
Ces enregistrements sonores permettraient de savoir quelles alarmes ont retenti dans le cockpit et quelles ont pu être les réactions des pilotes.
La lecture des deux boîtes noires est cruciale dans un accident d'avion. Grâce à ces enregistrements, près de 90% des accidents peuvent être expliqués.
N'Faly Cissé, président de la Commission sur les accidents et incidents de l'aviation civile au Mali, a souligné que les échanges des équipages enregistrés par d'autres avions pourraient donner des indications sur ces conversations.
Un rapport d'étape sera publié mi-septembre, a-t-il précisé.
Parmi les 116 victimes figuraient 54 Français (pour certains binationaux), 23 Burkinabè, huit Libanais et six Algériens ainsi que les six membres de l'équipage, tous Espagnols.
Ce point presse se tenait au lendemain du retour, en France, des gendarmes français, envoyés sur la zone d'accident dans le Nord-Est du Mali, pour collecter notamment les restes humains à des fins d'identification des victimes.
Sur le volet judiciaire, trois enquêtes ont été ouvertes : au Mali, en France et au Burkina Faso.
AFP/VNA/CVN