La vocation religieuse d’un roi

La secte Thiên (Zen) est une branche bouddhique dont la pratique principale est la méditation pour provoquer l’Éveil de la Connaissance et par là l’accession au Nirvana. Ci-dessus un extrait de la préface du livre Thiên Tông chi nam tu (Guide de la secte Zen) du roi Trân Thai Tông.

Le roi Trân Thai Tông adopte la secte Zen comme philosophie d’éducation nationale vietnamienne dès le XIIe siècle.

Le roi Trân Thai Tông (1218-1277) était un des fils de Trân Thua, d’une famille de pêcheurs du district de Thiên Truong, actuellement dans la province de Nam Dinh (Nord), fort appréciée pour avoir réprimé la rébellion de Quach Bôc (1209).

Trân Thu Dô, un des membres de cette famille, devait profiter de ce prestige pour renverser la dynastie des Ly (1009-1225) et fonder celle des Trân (1226-1400) avec Trân Canh (Trân Thái Tông) comme premier souverain. Selon les Annales, Trân Thai Tông fut un homme généreux et amoureux des lettres. Dès son enfance, il se lia d’amitié avec plusieurs bonzes célèbres et étudia la doctrine de Bouddha. Il a laissé des ouvrages sur le bouddhisme et un certain nombre de poèmes.

Ci-dessus un extrait de la préface du livre Thiên Tông chí nam tu (Guide de la secte Zen) du roi Trân Thai Tông.

… Depuis que mon père (1) m’a confié le royaume, alors que j’étais enfant, le souci ne m’a jamais quitté jour et nuit. Je me suis dit : «Je n’ai plus mes parents pour me conseiller, il me serait bien difficile de répondre aux désirs du peuple. Que faire ?»

Réflexion faite, j’ai pensé que me retirer dans les montagnes, aller à la recherche de l’enseignement de Bouddha, pour bien connaître nos raisons de vivre et de mourir et pour payer ma dette de reconnaissance à mes parents (2), serait la meilleure des voies. Je résolus de partir. Le 3e jour du 4e mois de la 5e année du règne de Thiên Ung Chinh Binh (1236), je m’habillai comme un homme du peuple et je quittai le palais, disant aux gardes : «je voudrais me mêler au peuple, connaître ses difficultés».

Sept à huit personnes m’accompagnent. Passé l’heure hoi (3), je traversai le fleuve, me dirigeai vers l’Est. Je révélai alors le but réel du voyage à mes gardes consternés qui se mirent à pleurer.

Le lendemain, à l’heure mao (4), passant le bac de Pha Lai, je me voilai le visage pour ne pas être reconnu. Au soir, nous nous reposâmes à la pagode Giác Hanh pour repartir le lendemain. Le chemin était ardu : des montagnes escarpées succédaient à de profonds ravins ; les chevaux harassés refusaient d’avancer. Je dus descendre de cheval, escaladai les pentes, et, à l’heure mùi (5), j’arrivai au mont Yên Tu. Le jour suivant, nous arrivâmes au sommet de la montagne où résidait le Grand Maître du royaume Trúc Lâm (6).

Guide de la secte Thiên

«Se retirer dans les montagnes, aller à la recherche de l’enseignement de Bouddha, pour bien connaître nos raisons de vivre», peut on lire dans le livre Thiên Tông chi nam tu.

Le Grand maître, tout joyeux, m’accueillit avec ces paroles : «Le vieux bonze que je suis est habitué à vivre au milieu des forêts, la peau collée aux os, se nourrissant d’herbes et de baies sauvages, buvant l’eau des ruisseaux, flânant au milieu des arbres, le cœur léger comme les nuages. Je suis venu ici au gré du vent. Votre Majesté quitte son somptueux palais pour venir en ces lieux reculés. Puis-je lui demander quelle nécessité impérieuse l’a poussée à faire ce voyage ?»

Les larmes aux yeux, je lui répondis : «Je suis tout jeune, mes parents ne sont plus et me voici seul, régnant sur le peuple, sans un appui. J’ai pensé que de tout temps, les trônes sont fragiles, et je suis venu dans ces montagnes, avec le seul désir de devenir Bouddha».

Le Grand Maître répliqua : «Il n’y a point de Bouddha dans la montagne, il est dans nos cœurs. Quand celui-ci est lucide et en paix, il est habité paix Bouddha. Si votre Majesté a le cœur illuminé, elle devient immédiatement Bouddha, pourquoi aller chercher ailleurs ?»

(Entre temps, la cour était venue supplier le roi de rentrer ; le premier ministre Trân Thu Dô, oncle du roi, menaçait même de se suicider si le roi ne rentrait pas).

Le Grand Maître me prit la main, disant : «La volonté du pays doit être votre volonté, le cœur du pays doit être le vôtre. Puisque tout le pays vous sollicite, comment refuser ? Une seule chose importe, quand vous serez de retour au palais, n’oubliez jamais d’étudier les livres sacrés».

Je rentrai au palais avec la suite de la Cour et contre mon gré, je conservai le trône. Pendant quelques dizaines d’années, à mes moments de loisir, je rassemblais des vieillards éminents, pour pratiquer les rites du Thiên et étudier la Voie. Quant aux livres sacrés de la grande Doctrine, je n’en laissais, passer aucun sans l’approfondir. Il m’arrivait souvent de m’arrêter, dans le sutra du Diamant, à la phrase : «Ne point laisser son cœur s’accrocher à quelque chose de fixe». J’abandonnais le livre, me plongeais dans la méditation. L’illumination alors me vint et je composai ce Guide de la secte Thiên.

Huu Ngoc/CVN

(À suivre)

(1). Trân Thua, père de Trân Thái Tông, n’avait jamais régné en fait.

(2). Suivant la croyance populaire, l’enfant une fois parvenu à l’Illumination bouddhique peut assurer le bonheur à l’âme des parents dans l’autre monde.

(3). 23h00

(4). De 07h00 à 09h00

(5). De 13h00 à 15h00.

(6). Quôc su : Grand Maître du royaume, titre accordé par le roi à un bonze possédant une grande autorité temporelle et spirituelle.

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