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La musique traditionnelle du Vietnam est très riche et variée. Pour en témoigner, quatre concerts du programme sont centrés sur la culture de l’ethnie majoritaire Viêt (ou Kinh), et le cinquième sur un panorama des pratiques musicales des minorités les plus importantes du pays.
Par ailleurs un sixième «concert – démonstration» assuré par Trân Quang Hai et Bach Yên, deux artistes connus internationalement, consiste à faire découvrir les divers aspects de la culture musicale du peuple Viêt : musique de chambre don ca tài tu illustrée par des soli instrumentaux – cithare à 16 cordes (dàn tranh), vièle à 2 cordes (dàn cò), cliquettes à sapèques (sinh tiên) ; musique de tradition populaire représentée par des berceuses des trois régions (Nord, Centre et Sud), des chants alternés, des jeux de cuillers muong et musique des minorités par des guimbardes en bambou (gôc) et en métal (rab ncas) des HMông.
Sélectionnés par Jean-Luc Larguier (Interarts) et Laurent Aubert (Ateliers d’ethnomusicologie) avec les conseils des meilleurs spécialistes locaux, les ensembles invités ont été choisis en fonction de leur représentativité et de la qualité reconnue de leur interprétation. On y découvre les principaux styles du Nord, du Centre et du Sud du Vietnam, présentés dans toute la splendeur et la délicatesse qui caractérisent cette civilisation largement méconnue, mais d’un grand raffinement.
Poésie chantée du Nord - ca trù
«Chaque année depuis près de 20 ans, l’organisateur de ce festival, les Ateliers d’Ethnomusicologie de Genève, organise en novembre un festival consacré à une région ou un pays du monde. Cette année 2013, c’est le Vietnam qui a été choisi et le directeur des Ateliers d’Ethnomusicologie m’a confié la mise en œuvre de la programmation des cinq concerts qui composent cette manifestation. Il y aura 34 artistes vietnamiens invité du 7 au 16 novembre», a confié Jean-Luc Larguier.
Les Ateliers d’Ethnomusicologie sont dirigés par Laurent Aubert et sont financés par la ville de Genève. C’est la principale institution en Europe est reconnue comme telle dans le domaine des musiques traditionnelles.
Une représentation de ca trù. |
Né dans le Nord du Vietnam au XIe siècle sous la dynastie Lý, le ca trù est un genre de poésie chantée d’origine rituelle. Il s’est ensuite répandu dans la société, pratiqué notamment lors des banquets et des cérémonies de mariage. Il est aujourd’hui en déclin et, malgré les efforts de réhabilitation menés notamment par l’UNESCO et le gouvernement vietnamien, il n’est plus que rarement pratiqué, surtout par des chanteuses relativement âgées.
Un ensemble de ca trù est constitué d’une chanteuse, qui s’accompagne d’un petite cliquette en bambou percuté (phách), et de deux instrumentiste : un joueur de luth à long manche (đàn đáy) et un joueur de petit tambour «d’éloge» (trống chầu). Les techniques vocales sont saisissantes, faisant appel à un contrôle du souffle et du vibrato et à une ornementation vocale saisissante. Les textes chantés puisent dans les œuvres des grands poètes classiques vietnamiens.
Musique et danse de la cour impériale de Huế - ca Huế
Une représentation de nha nhac Huế. Photo : Interarts/CVN |
Huê est l'ancienne capitale impériale du Vietnam (1802-1945). Elle est située au Centre du pays, juste au sud du fameux 17e parallèle, non loin de la mer. La rivière des Parfums la traverse et sépare la vieille ville au nord de la cité moderne au sud.
Le ca nhạc Huế ou ca Huế est une ancienne forme de musique de chambre aristocratique liée au divertissement au Centre du pays. Datant du XVIIe siècle, elle est interprétée par une chanteuse accompagnée d'un ensemble de trois ou cinq instruments à cordes jouant sur les modes traditionnels bac et nam. On distingue deux genres principaux : le ca Huế, «chant de Huế», musique aristocratique de divertissement, et le nhạc cung đình, «musique de palais», exécutée par de grands ensembles.
Représentation de ca Huê sur la rivière des Parfums. |
Traditionnellement, l’ensemble musical du ca Huế est constitué d’une ou de plusieurs chanteuses, accompagnées par un ensemble instrumental appelé ngũ tuyệt, les «cinq parfaits», qui comporte les cithares (đàn tranh et đàn bầu), les luths (đàn nguyệt et tì bà), et la vièle đàn nhị. Quant à celui du Nhạc cung đình, il est essentiellement constitué de hautbois (kèn) et de percussions. Ces deux genres musicaux peuvent être liés à des danses, féminines pour le Ca Huế et masculines pour le Nhạc cung đình.
Musique et théâtre du Sud – Đờn ca tài tử /Cải lương
Une représentation de Đờn ca tài tử. Photo : Interarts/CVN |
Le Đờn ca tài tử est un genre musical relativement récent, puisqu’il s’est développé au XIXe siècle dans le Sud du Vietnam. Marqué par l’influence de la musique des anciennes cours royales, il en présente en quelque sorte la quintessence. Đờn ca tài tử signifie «chant des amateurs talentueux» car cet art a été cultivé par des personnes qui n’en faisaient pas leur métier, ce qui lui a permis de conserver une pureté expressive et un raffinement d’une extrême délicatesse.
Le Đờn ca tài tử est souvent lié au théâtre chanté Cải lương, qui utilise les mêmes musiciens. Né au début du XXe siècle, le Cải lương est une sorte d’opéra populaire, qui mêle l’influence de l’opéra chinois aux traditions populaires du Sud du Vietnam. Son répertoire est centré sur des intrigues amoureuses, qui se développent en différents contextes sociaux, et il demeure très apprécié du public vietnamien.
L’ensemble musical accompagnant les chanteurs est centré sur les instruments à cordes : la vièle à deux cordes (đàn cò), le luth (đàn kiḿ) et les deux cithares caractéristiques de la musique vietnamienne, qu’on rencontre dans tout le pays : le đàn tranh à 16 cordes, parent notamment du koto japponais, et le monocorde (đàn bầu), instrument unique dont les mélodies sont produites en modifiant la tension de la corde vibrante. Basée sur un large corpus de compositions vocales et instrumentales, l’interprétation fait une large place à l’improvisation.
Opéra populaire du fleuve Rouge - Hát chèo
Une représentation de Hát chèo, «chant comique». |
Le Hát chèo, «chant comique», est un théâtre populaire apparut au Xe siècle dans le delta du fleuve Rouge, au Nord du pays. Il est considéré comme la plus ancienne forme d’opéra vietnamien existante. Son répertoire est essentiellement comique et satirique, et les histoires sont souvent des légendes populaires. L’accompagnement musical est produit par des flûtes (sáo), des cordes (luth đàn nguyệt, cithare đàn tranh, vièle đàn nhị…) et des percussions virtuoses.
Le Hát chèo peut se jouer dans la cour d`une maison communale par des chanteurs amateurs, sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à une véritable scène de théâtre. C’est un théâtre populaire non seulement par ce qu`il est destiné principalement aux classes populaires, mais également par ce qu’il est souvent interprété par celles-ci. De nombreux villages avaient leur propre troupe.
Musique des minorités du Vietnam
Les chanteuses de l’ethnie Tày s’accompagnent gracieusement au luth đān tính. Photo : Interarts/CVN |
Officiellement, le Vietnam comporte 54 groupes ethniques, dont le peuple Viêt ou Kinh, largement majoritaire (86%). Les autres communautés vivent essentiellement dans les montagnes des provinces du Nord, mais aussi dans le Centre et le Sud du pays. Les quatre numériquement les plus importantes sont les Tày, les Thaï, les Muong et les Khmer. Ces minorités appartiennent à différents groupes linguistiques : môn-khmer, tày-thaï, tibéto-birman, malayo-polynésien, kaday, hmong-mién et han (chinois).
Le programme combinera un ensemble de chanteuses appartenant à l’ethnie Tày, qui s’accompagnent gracieusement au luth đān tính, avec plusieurs solistes remarquables, qui présenteront un aperçu de la fascinante diversité des instruments, des timbres et des techniques de jeu coexistant sur le territoire vietnamien.
Nguyên Tùng/CVN