Le chant +châu van+, une forme de musique pour invoquer les esprits durant le rituel +hâu dông+ (médiumnité). |
Le chant châu van, également connu sous le nom de hat van ou hat bong, est originaire du delta du fleuve Rouge, plus précisément de la province de Nam Dinh (Nord). C’est une forme d’art religieux qui combine chant et danse pour invoquer les esprits durant les cérémonies de possession du culte hâu dông (médiumnité), censé aider les gens à communiquer avec les divinités par l’intermédiaire des chamans.
Le rite hâu dông et le chant châu van sont souvent réalisés dans les temples où les saints sont vénérés. Les paroles, souvent recherchées, vantent les mérites de divinités bienfaisantes et sont accompagnées de musique (tambourin, castagnettes et cymbales, viole à deux cordes). Le point culminant est la transe du médium, considéré comme un lien entre le monde visible et invisible. Au cours du rite, les esprits des saints sont censés s’incarner dans le médium, qui ensuite danse au rythme d’airs interprétés par les chanteurs et instrumentistes.
Depuis de longues années, le châu van est souvent pratiqué dans le cadre de pratiques superstitieuses qui n’ont rien à voir avec l’essence de cet art, et qui par la même le menacent.
À la recherche des airs authentiques
Dans le but de retrouver l’authenticité de cet art traditionnel, un festival du chant châu van a été organisé du 25 septembre au 5 octobre 2013, à Hanoi. Le premier du genre. Une vue générale et précise sur ce genre artistique unique (son histoire, son développement, sa valeur, son rôle dans la vie spirituelle des habitants) a été présentée au public. Les séances d’interprétation ont été largement applaudies par l’audience, montrant que cette forme d’art a toujours sa place dans la société moderne.
Pour la première fois, un festival dédié au chant châu van a été organize du 25 septembre au 5 octobre 2013, à Hanoi. |
Réunis dans un colloque sur la préservation et la valorisation du chant châu van dans la société moderne, organisé dans le cadre de ce festival, des experts ont souligné la nécessité d’agir pour préserver les airs authentiques. La question fondamentale a été : comment faire pour que ce chant soit préservé, sans les dérives malencontreuses que l’on constate ici et là ?
D’après le Docteur Ngô Duc Thinh, chef du Club de préservation du châu van du Vietnam, il s’agit d’une forme précieuse d’art religieux qui doit être préservée, valorisée et présentée au public tant vietnamien qu’étranger. «Le problème, c’est que dans de nombreuses localités, ce chant est interprété dans le cadre de pratiques de superstition. Ce qu’il faut, c’est à la fois mieux gérer les pratiquants et sensibiliser le public sur l’essence de cet art», fait-il remarquer.
Le Docteur Thinh a estimé que la situation actuelle résultait de l’absence d’organisme chargé de la gestion de cet art.
En faire un art scénique ?
Conscient de l’intérêt du public envers cette forme de musique, plusieurs théâtres ont essayé de le présenter sur scène. Les pièces Ba gia dông (Trois séances de médiumnité) du Théâtre chèo (théâtre traditionnel populaire) de Hanoi et Tâm linh Viêt (Prémonition vietnamienne) du Théâtre de la jeunesse en sont deux exemples. Le Docteur Ngô Duc Thinh se félicité de l’entrée sur scène du chant châu van.
Bien que partisan de la préservation du chant châu van, le prof. Tô Ngoc Thanh, président de l’Association des lettres et des arts du Vietnam, se déclare opposé à son arrivée sur scène. «Je pense qu’on ne peut pas faire entrer ce chant sur la scène d’un théâtre tout simplement parce qu’il s’agit d’un art qui a trait au spirituel, et que donc il doit être interprété dans des lieux sacrés !», argumente-t-il.
S’il y a consensus dans la préservation du chant châu van, les avis divergent quant aux approches ainsi qu’aux méthodes de préservation. Quoi qu’il en soit, le chant châu van fera bien partie des 12 nouveaux patrimoines culturels immatériels du Vietnam dont les dossiers de candidature seront préparés d’ici à 2016 en vue d’une inscription au patrimoine culturel immatériel et oral de l’humanité.
Linh Thao/CVN