>> Une sonde extraterrestre a frôlé la Terre, selon un astrophysicien
Graphique sur Oumuamua, premier objet interstellaire découvert dans notre système solaire. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Repéré par un télescope à Hawaï, "Oumuamua" - qui signifie "éclaireur" en hawaïen - filait à une vitesse si élevée qu'il ne pouvait provenir, et c'était une première, que d'un autre système stellaire.
La découverte a mis la communauté des astronomes en ébullition, eux qui cherchaient depuis longtemps des objets semblables à des comètes pénétrant notre système solaire depuis l'immensité de l'espace. Sauf qu'Oumuamua ne ressemblait pas aux comètes habituelles : il n'avait pas cette chevelure caractéristique que forme leur immense halo de gaz et de poussières à l'approche du Soleil.
Le visiteur interstellaire, qui mesurait environ 100 mètres de large, se démarquait aussi par sa brillance et une grande variation de luminosité, donnant l'impression d'un objet métallique se retournant sur lui-même.
Mais plus étrange encore, après avoir tourné autour du Soleil, Oumuamua a accéléré et s'est écarté de la trajectoire prévue, propulsé par une force mystérieuse qui l'a éjecté du système solaire.
Les scientifiques en sont restés pantois, se retrouvant avec quatre mois de données incomplètes et apparemment contradictoires qu'ils ont tenté de comprendre. Ce qui a donné lieu à toute une série de théories. Certaines "dépassaient l'imagination", souligne Jennifer Bergner, astrochimiste à l'Université de Californie à Berkeley, co-autrice de l'étude publiée dans Nature.
De l'hydrogène piégé
Selon son explication, quelle que soit l'origine d'Oumuamua, il s'agit d'un objet riche en eau, semblable à une comète. Au cours de son voyage dans l'espace interstellaire, il a été soumis à des rayons cosmiques qui ont bombardé l'eau en libérant l'hydrogène, lequel s'est retrouvé piégé dans le corps de l'objet.
Lorsque le bolide s'est approché du Soleil, la chaleur a libéré à son tour l'hydrogène piégé, agissant comme un "propulseur" qui l'a envoyé sur une trajectoire inattendue. "L'hydrogène piégé, c'est simplement l'explication la plus générique", développe dans un communiqué Darryl Seligman, de l'Université Cornell et co-auteur de l'étude.
Ces travaux "apportent sans doute la première explication, simple et réaliste, des particularités de cet objet", a commenté de son côté Marco Micheli, astronome à l'Agence spatiale européenne (ESA).
Mais ces conclusions ne mettent pas tout le monde d'accord. A commencer par Avi Loeb, ancien directeur du département d'astronomie de l'Université de Harvard : l'éminent scientifique avait soutenu que le scénario le plus crédible était qu'Oumuamua était un vaisseau extra-terrestre. Une thèse controversée, qu'il avait défendue en 2021 dans un livre intitulé Le premier signe d'une vie intelligente extraterrestre.
Interrogé par l'AFP sur l'étude de Nature, l'astrophysicien affirme que dire qu'une comète n'a pas de queue, "c'est comme dire qu'un éléphant est un zèbre sans rayures". Il rappelle que la comète 2I/Borisov, le deuxième visiteur extérieur au système solaire repéré en 2019, avait une longue chevelure de poussière. Réponse de Jennifer Berger : si Oumuamua est dépourvue de queue, c'est probablement parce qu'elle est beaucoup plus petite que toutes les comètes observées jusqu'ici - y compris 2I/Borisov.
La donne pourrait bientôt changer. Les observations du télescope Vera-C.-Rubin au Chili, qui débuteront en 2025, devraient permettre de détecter de nombreuses nouvelles comètes, à l'intérieur comme à l'extérieur du système solaire. Si les plus petites montrent des signes de libération de l'hydrogène emprisonné, et n'ont pas de queue, comme Oumuamua, cela confirmerait la théorie, a ajouté l'astrochimiste.
Quant à la possibilité d'une vie intelligente extraterrestre, "tout dépend du niveau de preuve exigé" pour l'invoquer, commente la scientifique. "Nous ne saurons jamais avec certitude ce qu'était Oumuamua - nous avons perdu notre chance. Mais pour l'instant, je pense que nous apportons une explication non-extraterrestre convaincante", conclut-elle.
AFP/VNA/CVN