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Les géants américains pestent contre la taxe Gafa française. |
Photo: AFP/VNA/CVN |
"Précédent troublant", "impôt discriminatoire", "rupture brutale de règles longuement établies": des responsables des grands groupes dits "Gafa" ont donné de la voix dans le cadre d'une enquête ouverte par les services du représentant américain au Commerce (USTR). Cette investigation a été lancée après la décision française d'imposer ces géants du numérique, en vue de possibles représailles. Le président Donald Trump a notamment menacé de taxer les importations de vin français.
La loi française, promulguée le 11 juillet, crée un impôt sur le chiffre d'affaires réalisé par ces grandes entreprises de l'internet dans l'Hexagone, alors qu'elles sont pour la plupart basées aux États-Unis, où elles sont imposées sur leur bénéfice. "C'est une solution imparfaite pour remédier à un système de taxation caduque", a reconnu Jennifer McCloskey, du groupement professionnel Information Technology Industry Council.
Un consensus existe du côté des autorités et des industriels pour reconnaître le besoin d'une réforme du système d'imposition de ces transactions numériques, mais plutôt sous l'égide de l'OCDE, qui regroupe les pays industrialisés. "C'est une fracture radicale par rapport à la pratique habituelle", a protesté Rufus Yerxa, président du Conseil national du commerce extérieur. Pour Gary Sprague, de la firme d'avocats Baker and McKenzie représentant divers groupes allant d'Airbnb à Expedia, en passant par Microsoft et Twitter, l'impôt décidé par Paris est "discriminatoire".
Une trentaine de groupes réalisant au moins 25 millions d'euros de chiffre d'affaires en France et 750 millions d'euros dans le monde devront s'acquitter de cet impôt. Ce sont en premier lieu les leaders américains et mondiaux du secteur. La taxation française considère trois niveaux d'activité, ont relevé ces responsables: la publicité, les échanges ou impressions sur la plateforme et les données transactionnelles.
Double taxation
Selon Gary Sprague, d'autres groupes de média traditionnels, qui touchent le public français via la publicité, devraient être aussi assujettis à cet impôt, "comme les journaux, les chaînes de télévision". De même, le représentant de Google, Nicholas Bramble, estime que "taxer une poignée de grands groupes de l'internet n'a pas de sens quand tous les secteurs deviennent numériques". Chez Amazon, dont la France représente le deuxième marché européen pour le commerce électronique, on dénonce la "double taxation".
Peter Hiltz, directeur de la planification fiscale auprès du géant de la distribution en ligne, cite le cas typique, selon lui, du voyageur américain en France qui surfe et achète sur le site d'Amazon US. "Sa transaction sera taxée en France, mais aussi aux États-Unis au niveau du bénéfice", argumente-t-il. Le groupe dit s'interroger aussi sur la manière de distinguer les visiteurs suisses ou belges francophones sur le site Amazon en Français. Il assure en tout cas que la nouvelle taxation va "avoir un impact négatif sur Amazon et des milliers de petites et moyennes entreprises" qui travaillent avec le distributeur.
Quelque 58% des ventes d'Amazon passent par des partenaires, sur lesquels le groupe a déjà prévenu qu'il ferait supporter le coût des nouveaux impôts. "On les a déjà informés que leurs droits d'inscription vont augmenter d'ici le 1er octobre", a affirmé M. Hiltz. La rétroactivité de la loi adoptée par Paris, qui va appliquer ce nouvel impôt depuis le début de l'exercice 2019, soulève aussi des protestations. "On n'a jamais vu d'impôt rétroactif", s'insurge Alan Lee, de Facebook, qui se plaint comme les autres représentants d'un manque de "directives" pour appliquer la loi.
Aucun des responsables de ces grands groupes ne pouvait dire à ce stade quel volume de leur chiffre d'affaires serait donc imposé. Tous ont expliqué qu'ils devaient modifier leur façon de collecter les données, le trafic et les impressions laissées par les visiteurs sur leurs sites. Une démarche et une nouvelle comptabilité qui vont "coûter des millions de dollars", a affirmé Jennifer McCloskey, du Conseil des technologies de l'information, sans pouvoir donner d'évaluation plus précise.
AFP/VNA/CVN