Jouer du BeatBox, cela n'a pas l'air bien sorcier au premier abord. Il suffit d'un micro puis de créer par la bouche des airs ressemblant tantôt à un tambour ou à un cithare à seize cordes, tantôt à une guitare électrique ou à une flûte. C'est peut-être en raison du caractère envoûtant de cette musique que les artistes sont surnommés "sorciers".
Chaque jour, à la tombée de la nuit, le hall situé au 9e étage du bâtiment C de l'internat de l'Université de Hanoi se remplit d'une ribambelle d'étudiants enthousiastes, regroupés en différents clubs. Dans un coin du hall s'élèvent des sons rythmés qui font penser à un guitariste jouant en solo. Mais non, ces airs sont émis par Lê Minh Thang, un membre du Club L8Z spécialisé dans le BeatBox, entouré de nombreux amateurs.
Les trois mousquetaires du BeatBox
"Ce morceau de musique, je l'ai appris dans un vidéo-clip étranger", lance Minh Thang. "Le Beatbox est l'art de créer par la bouche différents airs de musique. En modulant ses lèvres, sa langue, sa gorge, sa voix..., on peut imiter n'importe quel son", ajoute Vinh Hiên, chef du Club L8Z.
Duc Anh, un autre passionné de BeatBox, avoue que la "musique buccale" lui "donne plus d'inspiration dans la vie, plus de légèreté". Pour lui, "jouer du BeatBox, c'est entraîner autant ses poumons que sa sensibilité musicale".
Ce sont ces trois pionniers du BeatBox au Vietnam qui ont créé début 2010 le Club L8Z. Minh Hiên, Minh Thang et Duc Anh ont d'abord fait connaissance sur le Net lorsqu'ils étaient lycéens, à travers des clips de BeatBox qu'ils présentaient sur le site www.beatboxingclub.com. À cette époque-là, Duc Hiên s'était déjà taillé une belle réputation chez les amateurs de "musique buccale" grâce à ses cours de BeatBox sur la Toile, les premiers du genre en vietnamien. Durant l'été 2009, les trois compères se sont rencontrés et ont décidé de mettre sur pied un club de beatboxers. Et L8Z a fait son apparition début 2010, rassemblant une vingtaine de membres dont le benjamin a 13 ans. Deux fois par semaine, les mardi et dimanche, ces passionnés se réunissent au hall du bâtiment C, à l'internat de l'Université de Hanoi, autour de trois micros, d'un ampli et d'une batterie de moto. On se filme et ensuite on met les vidéos sur Internet, où des concours de BeatBox sont organisés régulièrement. "Notre club L8Z a pour but de créer une base de ralliement pour les amateurs de BeatBox, dans l'espoir que ce genre de musique attire de plus en plus de jeunes Vietnamiens", confie le chef du club. Et d'espérer qu'il y aura dans l'avenir des beatboxers représentant le Vietnam aux concours internationaux.
Le pionnier du Beatbox au Vietnam
Au Vietnam, tout le monde connaît la chanson Beo dat mây trôi (que l'on pourrait traduire par "À la dérive") souvent interprétée par une voix de velours féminine. Peu de gens savent que cet air folklorique, tiré du répertoire du quan ho (chant alterné de la province de Bac Ninh, Nord), ne perd rien de son charme lorsqu'il est joué par un beatboxer. C'est ce qu'a démontré Minh Kiên, lors de la soirée de Remise des prix pour les meilleurs programmes télévisés de Hô Chi Minh-Ville, en avril 2010. Une prestation qui a surpris bien des spectateurs.
Le microcosme des beatboxers vietnamiens compte actuellement une centaine de personnes, domiciliées pour la plupart à Hanoi et Hô Chi Minh-Ville. Parmi eux, Minh Kiên a été le premier à se produire sur scène. Âgé de 22 ans, ce jeune a déjà dix ans de BeatBox derrière lui.
L'artiste amateur raconte que sa passion de l'imitation des sons des instruments de musique remonte à l'enfance. "Je le faisais avec passion et à tout moment, à tel point que des gens du coin me prenaient pour un toqué. Mais mes potes, eux, me félicitaient, m'encourageaient. Et puis, j'ai été choisi pour jouer des numéros spéciaux lors de spectacles à l'école", se souvient-il. Kiên a commencé à être connu en dehors du cercle restreint de ses amis qu'après son passage à l'émission télévisée "J'ai 20 ans", sur la chaîne VTC. Désormais, ce jeune beatboxer est devenu un spécialiste du multivocalisme. Il chante tout en s'accompagnant, par la bouche bien sûr, d'un instrument qui est tantôt une guitare basse, tantôt un violon ou un saxophone. "J'ai envie de faire un album où je chanterais tout en jouant du BeatBox", révèle-t-il.
Pour lui, jouer du BeatBox, ce n'est pas simplement imiter des sons. C'est être capable de chanter ou de raconter un récit tout en s'accompagnant de bruits ou de sons rythmés. Dans l'ambition d'initier les jeunes Hanoiens à ce genre de musique actuellement en vogue dans le monde, Minh Kiên propose depuis quelques temps des cours. "Ce n'est pas difficile d'apprendre le BeatBox. Comme tous les autres arts, l'essentiel c'est la passion et l'entraînement", dit-il.
Populaire dans le milieu estudiantin, cet art l'est aussi parmi les chanteurs professionnels vietnamiens qui ne font pas de hip-hop, qui sont nombreux à s'être initié au BeatBox. Histoire d'apporter une touche de nouveauté à leurs créations.
"Le BeatBox a au Vietnam de très jolis jours devant lui et compte de plus en plus de pratiquants et de +sympathisants+", conclut le jeune beatboxer hanoien.
Le BeatBox est né à New York
À l'échelle mondiale, le BeatBox est connu depuis une trentaine d'années. Il est né dans un ghetto noir de New York, au sein de la communauté afro-américaine, dans le sillage du mouvement artistique, culturel et social du hip-hop. Il a d'abord été joué lors des fêtes de rue, d'où son autre nom de " musique de rue ". Applaudi par les jeunes, il s'est développé rapidement dans le monde et certains beatboxers sont devenus des stars internationales telles que Rahzel, Kenny Muhammad, Matisyahu... Dans les années 2000 sont apparus les premiers championnats officiels, dont le 1er championnat du monde en 2005.
Nghia Dàn/CVN