Fondé il y a 30 ans, le Moto Club de Hô Chi Minh-Ville compte 80 membres, du «jeunot» jusqu’au sexagénaire. Tous ont un point commun : une passion dévorante pour les motos et plus largement pour les sports mécaniques. Ngô Quang Vinh, le chef du club, confie : «Beaucoup de gens ne voient que l’aspect financier, le prix de la moto, les dépenses d’entretien… mais oublient que derrière tout cela il y a une passion très forte».
Cortège de motards du Moto Club de Hô Chi Minh-Ville. |
Courses en toute sécurité
Lors de la dernière étape du Tour du Vietnam cycliste 2012, tenue mi-décembre entre Cân Tho et Hô Chi Minh-Ville, il y avait foule sur le bord de la route. Parmi ces passionnés de la petite reine, beaucoup s’extasiaient autant devant les coureurs que devant les motos suiveuses. Des engins hors de prix, encore rares sur les routes vietnamiennes, pilotés par des membres du Moto Club de Hô Chi Minh-Ville. Pour assurer la sécurité, ils avaient été divisés en plusieurs groupes : tête de course (ouvreurs), transport des commissaires de course ou des journalistes, «voiture» balais… Ceux à l’avant sont les plus sollicités, car ils doivent «nettoyer la route» avant l’arrivée du peloton. Armés d’un «bâton de gendarme» et de haut-parleurs, ils doivent avertir le public que les coureurs arrivent. «Parfois, je devient aphone à force de crier. Notre job est le plus stressant car nous devons sécuriser la tête de course, avertir les véhicules, faire face parfois à des conducteurs récalcitrants qui ne veulent pas laisser le passage, sans parler des troupeau de vaches qui traversent sans meugler gare», explique M. Phuong.
Lorsqu’il est confronté à un troupeau de bovins paissant tranquillement sur le bas-côté de la route ou le terre-plein central, spectacle des plus fréquents au Vietnam, M. Phuong klaxonne un bon coup et demande au pâtre, s’il y en a un, d’éloigner ses bêtes. Buffles et vaches errant sur les routes sont la première cause d’accident pour ces ouvreurs, sans parler des chiens.
Les motos en arrière, par exemple celles transportant les commissaires de course ou des reporters, sont aussi pilotées par des gars expérimentés. Car, ils doivent se faufiler entre les coureurs, ne pas les gêner et ne pas les aider non plus en leur créant une protection contre le vent dont ils pourraient profiter – ce qu’en jargon cycliste on appelle «sucer la roue»…
Un sport de nantis ?
Trân Tiên Quang, propriétaire d’une moto de 400 cm3, confie : «Ma moto vaut 6.000 dollars, c’est la moins chère de l’équipe. Les engins les moins chers valent 200 millions ; et les plus chers, de 1.000-2.000 cm3, jusqu’à 2 milliards».
Il n’y a pas que l’achat de l’engin qui fasse «mal au portefeuille», l’entretien et la maintenance aussi. Ngô Quang Vinh relativise : «La condition numéro un pour faire de la moto, ce n’est pas la richesse, mais la passion. La vérité, c’est que 50% des membres du club ont des revenus moyens, et que donc ils rencontrent pas mal de difficultés pour à la fois assouvir leur passion et nourrir leur famille. Heureusement, leurs femmes les comprennent et sont indulgentes, dans une certaine limite tout de même !»
Mai Hông Phuong ajoute : «Il y a plus d’une dizaines d’années, d’un point de vue professionnel, j’ai connu pas mal de hauts et de bas, passant successivement comme dit le dicton +de l’éléphant au chien comme monture+. Je me suis endetté, j’ai même été obligé de vendre ma moto. En plus de mon travail de réparateur de klaxons, j’ai fait pas mal d’autres boulots à côté pour pouvoir assouvir ma passion. Le Tour du Vietnam cycliste est pour nous, les membres du club, le grand événement de l’année. Mais quand je laisse à ma femme la charge de la maison et des enfants, j’éprouve une certaine culpabilité quand même».
Quelques modèles de supermotos. |
«Ma femme est jalouse de ma moto»
Le Tour du Vietnam cycliste dure plusieurs semaines, et pour la plupart des motards participants, qui ne roulent pas sur l’or, le sacrifice financier est réel. Lê Van Duong, réparateur de motos, est obligé de fermer sa boutique. «Trois semaines sans revenu, c’est un gros problème pour ma famille. Je dois donc préparer un petit pécule que je laisse à ma femme et à mes enfants».
Truong Cao Phi raconte une anecdote : «Lors du Tour 2012, ma femme a accouché. J’étais décidé à rester à côté d’elle, mais je ne pouvais m’empêcher de penser à mes collègues qui prenaient du bon temps. Ma femme a eu pitié et m’a encouragé à aller les rejoindre. J’ai finalement rejoint Cân Tho dans la nuit, et puis fait l’étape Cân Tho – Hô Chi Minh-Ville le lendemain. J’ai cette passion dans le sang. Quand je suis à la maison et que j’entends dans la rue rugir un gros cube, j’ai des fourmis dans les jambes !»
Cependant, toutes les femmes de motards ne sont pas aussi compréhensives. Certaines, se sentant délaissées, jalousent la monture préférée de leur mari. D’autres, ne sachant comment empêcher leur moitié de partir plusieurs semaines, en viennent à cacher les clés de l’engin ou la carte grise !
Phong Delong/CVN