Drôles de dames à bicyclette

Chaque jour à l’aube, c’est le même rituel. Un groupe de cyclistes en cuissard et maillot arpente l’avenue Vo Van Kiêt à Hô Chi Minh-Ville, sous les yeux des badauds, l’air amusé. Il faut bien reconnaître que des femmes sur un vélo de course n’est pas chose commune au Vietnam.

Elles sont neuf à être membres du club de coureurs amateurs Saigon-Dông Tây, et sont en quelque sorte les pionnières du cyclisme sur route. Ce mouvement, apparu il y a deux ans, doit être perçu comme un exemple, notamment du côté de ces messieurs, armés parfois de préjugés à la vie dure. «Chaque jour, l’avenue Vo Van Kiêt voit le défilé de coureuses cyclistes», observe Nguyên Van Cuong, propriétaire d’une buvette de trottoir.

Des membres du club de coureurs amateurs Saigon-Dông Tây.

Qu’il pleuve ou qu’il vente

Sous le pont Chà Và, bercé par une douce brise salvatrice, nous avons rencontré la coureuse Lê Thi Sen, 47 ans, présidente du club des cyclistes Saigon-Dông Tây - qui regroupe une quarantaine de membres dont d’anciens coureurs professionnels - et par ailleurs cadre du Comité populaire du 7e quartier du 5e arrondissement. «J’aime les sports d’aventure depuis que je suis toute petite. J’ai fait du trekking et conquis le toit de l’Indochine, le Fansipan, qui culmine à 3.143 m, ainsi que le plus haut sommet de l’Asie du Sud-Est, le Kinabalu en Malaisie (4.095 m). Si j’ai décidé de me mettre au cyclisme sur route, c’est surtout parce que cela me permet de garder la forme», raconte-t-elle.

Au début, elle empruntait le vélo de son ami pour s’entraîner seule sur l’avenue Dông Tây. Au fil de ces ballades effectuées à un rythme soutenu, elle est devenue une curiosité. C’est comme cela qu’elle a tissé des liens avec des passionnées, comme elle. Puis, de fil en aiguille, ce petit monde a décidé de rejoindre le club des coureurs cyclistes Saigon-Dông Tây. «Pour l’heure, il y a neuf femmes inscrites au club, d’âge et de milieux différents, mais semblables pour cette passion de la petite reine qui nous anime. Qu’il fasse beau, qu’il pleuve ou qu’il vente, nous parcourons chaque jour 27 km sur l’avenue Dông Tây», dit Mme Sen.

L’esprit d’organisation

La doyenne du club est Trân Ngoc Quyên, la cinquantaine et commerçante. Et au vu de son visage, faire du vélo, cela conserve ! «C’est une amie qui m’a fait connaître ce club. Le vélo m’aide à garder la ligne, la santé et l’esprit d’observation. En plus, chaque week-end, je découvre plein de choses», s’amuse la coureuse.

La pratique de la bicyclette se répand à Hô Chi Minh-Ville et dans la plupart des grandes villes vietnamiennes.

Huynh Minh Thuy, 35 ans, une employée de l’hôpital Hùng Vuong, raconte qu’elle s’est mise au cyclisme comme ça, par simple curiosité. «C’est après quelques sorties que j’ai commencé à prendre du plaisir à pédaler. Partir en voyage à vélo m’a aussi apporté de belles expériences lors de longues excursions, notamment dans les endroits que je connaissais déjà, car on peut profiter pleinement des paysages. Et ça, cela n’a pas de prix !», exprime-t-elle.

Mais qui dit entraînement dit organisation du quotidien, que ce soit pour le travail ou à la maison. Mme Sen est mère de deux enfants, dont un fils de 21 ans, coursier lui aussi et qui n’hésite pas à mettre la main à la pâte dès que le besoin s’en fait sentir, afin que sa mère puisse effectuer ses sorties sans se soucier du reste.

Minh Thuy doit, pour sa part, se lever très tôt pour préparer le petit-déjeuner à sa fille de six ans, avant d’enfourcher son vélo. Il faut dire que le timing est serré, puisqu’elle doit ensuite emmener sa fille à l’école.

Vuong Khanh Giang, présidente du Comité populaire du 7e quartier du 5e arrondissement, se lève chaque jour entre 04h30 et 05h00 du matin, avant de poser les mains sur les cocottes de frein. Après avoir parcouru ses 27 km, le contre-la-montre est lancé pour rentrer à la maison et se préparer à une nouvelle journée de travail.

À leurs débuts, la plupart de nos coureuses se faisaient prêter des vélos bon marché. Puis, les progrès aidant, elles ont opté pour des vélos de milieu de gamme, avant d’acquérir des vélos professionnels, bien aidés par Internet et les avis des coureurs du club. En femmes à tout faire, elles savent aussi se muer en mécanos en cas de pépin.

être cycliste ne signifie pas pour ces femmes négliger son physique. Bien au contraire : «Pratiquer au petit matin, appliquer de la crème solaire et se montrer très prudente pour éviter toute mauvaise chute sont nos mots d’ordre», souligne Mme Thuy.

Pour elles, même si cela comporte des risques, le jeu en vaut la chandelle. Et puis Mme Khanh Giang est fière de nous annoncer qu’au-delà de l’aspect sportif, le cyclisme lui donne davantage d’occasions de prendre part aux activités caritatives organisées par les membres du club dans les lieux qu’elles ont traversés. «Des souvenirs qui resteront gravés à jamais !»

Diêu An/CVN

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