La musique traditionnell vietnamienne réunit tous les goûts

Pourquoi un étranger apprend-il la musique traditionnelle du Vietnam ? L'explication n'est pas aussi simple qu'"ils aiment le Vietnam, alors ils apprennent un de ses arts", ou encore que cela prouve l'attrait de la musique vietnamienne dans le monde. Mais la vérité est peut-être ailleurs.

Les 3 histoires qui suivent jettent un autre éclairage sur ce point : pour étudier la musique de leur propre pays, les chercheurs doivent en comprendre d'autres, dont celle du Vietnam.

La conférence du Conseil mondial de la musique organisée fin juillet au Vietnam a réuni plusieurs chercheurs du monde entier. Aux côtés des anciens de la musicologie se trouve un jeune Britannique, Lona'n O'Briain. C'est la première fois qu'il participe à cette conférence du Conseil mondial de la musique où il fait une intervention sur la musique vietnamienne. Et ce jeune chercheur présente un sujet estimé difficile, Musique et stabilité dans la communauté des Mông des montagnes du Nord du Vietnam, qui reçoit cependant l'estime de son auditoire.

L'intervention de Lona'n O'Briain relève de ses recherches doctorales pour une thèse qu'il prépare en Grande-Bretagne. Il n'est pas le seul étranger à préparer puis soutenir une thèse de doctorat ou un mémoire de master sur la musique traditionnelle du Vietnam. Avant lui, il y a eu Gisa Jahnichen, une Allemande suivant un master pour lequel elle a étudié le ca trù (chant des chanteuses) avant de faire une thèse sur le don ca tài tu (chants des amateurs). Baley Norton, de Grande-Bretagne aussi, a soutenu sa thèse de doctorat sur le hat van (chants du culte).

Si pour un Vietnamien, des recherches sur la musique traditionnelle de son pays sont difficiles, ça l'est encore plus pour un étranger car il faut tout d'abord apprendre le vietnamien, puis les connaissances musicales, en l'occurrence pour Lona'n O'Briain, celles de l'ethnie des Mông...

O'Briain parle un peu le vietnamien, mais il ne parle pas du tout la langue Mông. Quand il veut rencontrer des facteurs de flûtes ou de khèn (orgue à bouche), ou encore des instrumentalistes, il doit trouver un guide touristique Mông, à Sapa.

Après 2 années de recherches, au-jourd'hui O'Briain peut jouer de la flûte Mông et du kèn la (instrument à vent fait d'une feuille simple que l'on fait vibrer en soufflant les lèvres pincées), mais il ne sait pas encore jouer de la guimbarde et du khèn , 2 instruments difficiles à maîtriser. Ce qui n'empêche pas cependant au jeune chercheur d'en étudier en détail la structure, leurs harmoniques, etc. Faire des recherches sur la musique traditionnelle implique de parfaitement comprendre et jouer d'un instrument, ainsi que savoir chanter, souligne O'Briain, c'est une condition sine qua non pour un musicologue.

Comme O'Briain, le Docteur Gisa Jahnichen joue bien de la flûte. Baley Norton chante lui le hat van... Ces chercheurs ne font pas leur recherche pour le plaisir ou pour la diffusion de la musique vietnamienne ; il s'agit de travaux scientifiques au service de leurs études musicologiques et du progrès des sciences - éminemment sociales.

L'irrésistible envie d'apprendre

Sun Sian, une étudiante chinoise du Conservatoire national de musique de Hanoi, poursuit ses études sur le monocorde du Vietnam. Entre 2007 et 2009, en dehors des cours du conservatoire, Sun Sian a suivi toutes les semaines 3 cours supplémentaires sur cet instrument. Pendant son temps libre, elle va rencontrer des joueurs renommés afin de mieux étudier les raisons de leur succès. Pour ceux qui sont trop loin de la capitale, elle écoute leurs enregistrements... En Chine, il y a aussi un monocorde, l'Erhu, que les Chinois ont beaucoup cherché à l'embellir, d'après Sun Sian. Mais sur le plan de la technique de jeu, les Vietnamiens sont meilleurs que les Chinois, raison pour laquelle elle vient à Hanoi pour apprendre les techniques des joueurs vietnamiens. À chaque cours de monocorde, Sun Sian note rigoureusement les termes comme les méthodes d'interprétation.

Sun Sian a soutenu sa thèse de master et est retournée en Chine pour obtenir une bourse de doctorat qu'elle souhaite faire au Vietnam. D'après elle, la musique vietnamienne et celle de son pays sont en apparence similaires, mais plus elle avance dans ses recherches, et plus elle pense le contraire, la musique traditionnelle du Vietnam celant nombre de choses à découvrir.

Esbjörn Wettermark étudie depuis 2003 la musique traditionnelle du Vietnam au Conservatoire de musi-que de Malmö (Suède). Ce chercheur, qui peut jouer des instruments traditionnels de son pays, a décidé d'apprendre le monocorde, le dàn tranh (cithare à 16 cordes) et le dàn nguyêt (luth à caisse ronde et à 2 cordes), sans d'abord étudier le vietnamien. En 2009, il a rencontré l'artiste Nguyên Ngoc Khanh, instrumentiste de théâtre classique (tuông), et il est tombé amoureux de cet art. Avec Nguyên Ngoc Khanh désormais devenu son maître, il a suivi des cours sur le sona, un instrument à vent, en apprenant parallèlement le théâtre populaire (chèo) dans le cadre d'un cours de flûte de bambou dispensé par l'artiste PhamVan Doanh. Plus il étudie ces instruments, plus il trouve qu'il s'agit de missions impossibles. Peut-être peut-on parvenir à jouer d'une dizaine d'instruments, mais on ne peut en maîtriser qu'un seul, déclare le chercheur.

Après avoir achevé son master de pédagogie en musique, Esbjörn suit un 2e master en musique traditionnelle à l'école Goldsmiths, à Londres (Grande-Bretagne), et pour lequel il a choisi le ca trù. Mais il a changé sa méthodologie d'étude : au lieu d'étudier le ca trù à travers le dàn day (le luth des chanteuses), il s'intéresse au processus de réapparition du ca trù dans la vie culturelle con-temporaine. Avec son modeste bagage en vietnamien, Esbjörn ne comprend pas les paroles de ces chants, mais il se passionne toutefois pour les voix des chanteuses renommées telle la vénérable Quach Thi Hô. Et il profite de chacune de ses visites à Hanoi pour aller écouter du ca trù. Si on ne parle pas couramment le vietnamien, il vous faudra des années entières pour saisir - et encore approximativement - les structures, les nuances, et l'inspiration de chaque chanteuse dans leurs variations et improvisations, souligne le chercheur. Cela dit, il utilise la même méthode d'études que pour le chèo et le tuông, c'est à dire percevoir le ca trù avec les oreilles plutôt que de le transcrire en notes. À côté de ses recher-ches, Esbjörn et ses amis organisent une scène baptisée "Ojzaioj" pour donner des spectacles au Vietnam, en Suède et au Danemark.

Chaque chercheur a son objectif personnel lorsqu'il étudie la musique traditionnelle du Vietnam : pour son travail, pour ses étudiants à qui il donnera des cours sur la base de ses recherches. D'après le Docteur Gisa Jahnichen, les chercheurs vietnamiens n'étudient que la musique traditionnelle de leur pays, sans chercher à faire de même avec la musique traditionnelle d'autres pays. Et d'ailleurs, en raison de la barrière linguistique, rares sont les musicologues vietnamiens qui lisent les travaux de chercheurs de l'étran-ger. De fait, si le Vietnam ne prévoit pas de programmes de préser- vation, d'études approfondies, ni même un soutien des maîtres de musique traditionnelle, les futures générations du pays devront aller à l'étranger pour étudier leur propre musique à travers les travaux d'étrangers.

Thuân Thiên/CVN

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