Les immenses reptiles ont été victimes d'une infection qui a durci la graisse de leur corps comme du caoutchouc, les rendant incapables de se mouvoir et les laissant sans défense face aux éléments, la faim, la noyade ou l'attaque d'autres prédateurs.
Les premières estimations font état de 170 crocodiles tués, mais le bilan définitif pourrait être le double. Et rien ne permet d'expliquer le déclenchement de l'épidémie. "C'est assez incroyable que nous ayons autant de difficultés. Rien ne se présente à nous de façon claire" pour comprendre le phénomène, explique Danie Pienaar, le chef du service scientifique du Kruger.
Les experts estiment cependant que l'épidémie est révélatrice de l'insuffisance des ressources en eau dans le parc, où cohabitent les 5 espèces les plus prisées des touristes en safari, les fameux "Big Five" : le lion, le léopard, l'éléphant, le buffle et le rhinocéros. "Nous n'avons pas d'idée claire mais tous les chercheurs s'accordent à dire que c'est probablement tout le système (fluvial) qui s'est détérioré au fil du temps", ajoute Danie Pienaar. "Le problème n'est pas que les crocodiles disparaissent", a-t-il ajouté. "Mais il y a un sérieux problème dans notre système fluvial et nous ne pouvons plus vraiment nous permettre de l'ignorer".
Le parc Kruger attire 1,3 million de touristes par an et couvre une surface équivalant à la moitié de celle des Pays-Bas. Vieux de 110 ans, il abrite 850 espèces et les scientifiques redoutent la propagation de l'infection.
La panstéatite, ou "maladie de la graisse jaune", est liée à l'ingestion de poisson rance et a été observée dans des fermes de crocodiles, chez des chats domestiques, des oiseaux et des tortues d'eau. Elle n'affecte en revanche pas les êtres humains.
Elle attaque les réserves de graisse, réduit les anti-oxydants et enflamme la graisse au cours d'une évolution probablement très douloureuse.
Aujourd'hui, la principale inquiétude concerne les lions, dont certains ont été observés en train de se nourrir de crocodiles morts, ainsi que d'autres espèces de félins. Mais aucun félin mort ou malade n'a encore été découvert, a indiqué Jan Myburgh, vétérinaire spécialisé en toxicologie. Mais l'enjeu sera aussi de limiter la contagion chez les crocodiles du Nil, qui mesurent en moyenne 5 m de long et pèsent 225 kg, une espèce connue pour son cannibalisme. Pour éviter la contamination, les responsables du parc ont brûlé les carcasses et abattu 2 hippopotames pour que les reptiles bien portant puissent s'en nourrir et délaissent les cadavres de leurs congénères.
Les animaux morts ont été découverts dans une gorge reculée, envahie par la vase provenant d'un barrage du Mozambique voisin et alimentée par l'un des fleuves les plus pollués en Afrique du Sud par diverses industries lourdes.
Un programme de recherche a été lancé sur le fonctionnement de l'ensemble du réseau fluvial pour tenter de comprendre la cause de l'épidémie et son fonctionnement. Les scientifiques vont également tenter de reproduire la maladie en laboratoire afin de comprendre comment elle se propage chez les crocodiles. En attendant, même si aucune carcasse n'a été découverte récemment, le parc est en état d'alerte permanente. "Tout le monde est aux aguets. Si un crocodile meurt, nous le saurons immédiatement", affirme Jan Myburgh.
AFP/VNA/CVN