Le durian, un fruit qui cache si bien l’amour ! |
C’était à l’époque des Tây Son (1778-1802) et de la guerre qui ravageait le pays pour la conquête du trône impérial. En ce temps-là, dans la région de Dông Nai (Sud), un redoutable guerrier combattait avec les troupes des Tây Son. Gare à celui qui se frottait à son épée !
Plusieurs fois, lors de batailles, il avait fait détaler l’ennemi et gagné une réputation d’invincibilité. Mais finalement, ce fut l’ennemi qui remporta la guerre et ce vaillant soldat dut déposer les armes et se retirer dans son village natal pour rejoindre sa famille. Mais dans sa colère, le nouvel empereur voulait éliminer tous ceux qui s’étaient opposés à lui. Il ordonna de capturer et de mettre à mort tous les anciens soldats qui avaient servi les Tây Son.
À l’annonce de cette nouvelle, les villageois, qui aimaient profondément le jeune homme, se cotisèrent en regroupant tout l’argent des récoltes du riz de cette année-là et lui fournirent un bateau pour s’enfuir le plus loin possible et échapper au triste sort qui lui était réservé. En suivant les méandres des fleuves et le bord de mer, il parvint au Mékong qu’il remonta au fil des jours.
Un amour si pur
Un jour, pour acheter de la nourriture, il s’arrêta dans une petite boutique, en bord de fleuve. En y entrant, il découvrit une femme affligée qui pleurait à chaudes larmes. Pris de pitié, il lui demanda la cause de ce chagrin. Elle lui répondit, en désignant une forme allongée sur un banc, qu’elle était partie faire un pèlerinage avec sa fille et qu’au retour, sa fille était tombée gravement malade, au point qu’elle risquait d’en mourir.
Comme l’ancien soldat, au cours de sa vie tumultueuse, avait acquis de sérieuses connaissances en médecine, il proposa de la soigner. Avec quelques potions et des herbes médicinales, il réussit à guérir la malade en quelques jours et offrit de ramener mère et fille chez elle, dans son bateau. La jeune fille était belle et encore célibataire. Le soldat était beau et fort. Il était aussi célibataire. La mère n’eût qu’à pousser un peu leurs deux cœurs en disant qu’elle avait vu Bouddha en songe qui lui avait dit que ces deux jeunes gens devaient se marier, pour que l’amour entre dans leur âme.
Marié et heureux, l’ancien soldat s’installa dans la maison de sa femme et fondit une ferme d’élevage de vers à soie. Dans le jardin, il y avait un arbre fruitier appelé tu rên (arbre des plaintes) qui ne poussait pas dans sa région d’origine. Il n’en connaissait pas les fruits, et lorsque ceux-ci sont devenus mûrs, sa femme a grimpé dans l’arbre pour en cueillir un et lui offrir. Le fruit "gémissant" a une odeur si particulière que le mari a une mimique de dégoût. Voyant le mari grimacer, sa femme lui dit : "Si vous en mangez, vous saurez qu’il est autant empli de tendresse que mon cœur".
Un fruit si doux
De façon inattendue, l’année suivante, la femme tomba de nouveau gravement malade. Son mari de nouveau tenta de la guérir, mais cette fois-ci, il ne put la sauver. La mort sépara soudainement le couple. La souffrance du mari était indescriptible, mais dans ses rêves, il était toujours près de sa femme. Il lui jura de ne jamais épouser une autre femme toute sa vie durant et elle lui promit d’être dans son cœur à tout jamais.
Le fruit "gémissant" a une odeur si particulière. |
Les mois s’écoulèrent, et un jour, il reçut un messager de son village natal qui lui apprit que l’empereur avait cessé de poursuivre ses anciens ennemis. Ses voisins lui dirent qu’ils avaient gardé et entretenu sa maison natale et qu’il pouvait revenir dans son village. Il quitta le Sud où il avait été si heureux avec son épouse. Mais avant son départ, il voulut aller cueillir le fruit tu rên qui lui rappelait tant le cœur de sa femme.
Cette année-là, l’arbre semblait n’avoir qu’un seul fruit qui se détacha miraculeusement le jour où il voulut le cueillir. C’était le jour anniversaire de sa femme ! Il emporta soigneusement le fruit et planta ses graines dans le jardin de sa maison natale. Il passa beaucoup de temps à entretenir soigneusement les jeunes pousses et, années après années, elles grandirent jusqu’à devenir de magnifiques arbres.
Après dix années, l’homme aux cheveux devenus gris se sentit soudain rajeunir en voyant que les arbres dont il avait pris tant de soins commençaient à fleurir et que de nombreux fruits se formaient. Le jour anniversaire de sa femme, il invita les voisins pour leur faire savourer ce fruit qu’aucun d’entre eux ne connaissait. Lorsque les fruits sont apparus sur la table, tout le monde pouvait sentir une odeur désagréable. Mais le vieil homme leur dit : "Ce fruit est laid et sent mauvais, mais l’intérieur est aussi beau et parfumé que belle histoire d’amour d’un jeune couple passionné...".
L’homme invita chacun à déguster les gousses parfumées. Les invités leur trouvèrent un goût agréable et sucré à s’en lécher les babines. Ensuite, leur hôte raconta la belle histoire d’amour qu’il avait vécu dans le Sud et dont il n’avait jamais parlé jusqu’alors. Il dit combien cet amour était éternel. Et quand l’histoire fut finie, au coin de ses yeux, scintillèrent deux petites larmes qui tombèrent dans le cœur du fruit pour l’imbiber d’un amour toujours si présent. Trois jours après, l’homme mourut subitement. Depuis lors, chaque villageois mange ce fruit en sa mémoire. Ils ont appelé le fruit "durian" (chagrin) pour se souvenir de l’amour éternel entre un homme et une femme.
Ông Ngoai/CVN