Vache grasse, vache maigre

Parfois, les anciennes histoires sont plus cruelles que romantiques. En voici une que l’on se raconte en cachette les soirs d’orage...

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"Vache grasse ou maigre ?", un code secret à quatre pattes !
Photo : CTV/CVN

À l’époque du roi Lê Hy Tông (1676-1705), il y avait un couple qui était parti travailler loin de son village natal. Après quelques années de travail, comme ils avaient économisé de l’argent, ils décidèrent de retourner vivre dans leur région d’origine. Sur leur chemin, ils passèrent par le village de Đa Giá. C’était la fin de l’après-midi et il pleuvait à grosses gouttes. Voyant cela, le mari décida de faire halte dans un magasin en bordure de route.

Vols et rapines

À cette époque, le village de Đa Giá était un ignoble repaire spécialisé dans le vol et le meurtre. Les voyageurs qui passaient par ici s’y arrêtaient facilement car les habitants leur faisaient bon accueil et les maisons hospitalières. Mais la nuit, quand les invités dormaient, ils étaient enlevés et conduits au sommet de la montagne d’où ils étaient jetés dans une caverne sombre et profonde.

Depuis longtemps, cette grotte de montagne naturelle était comme un puits sans fin, la tombe de nombreuses vies innocentes. Ensuite, les habitants du village se partageaient selon des règles bien précises, les biens de leurs victimes. Cependant, extérieurement, vis-à-vis du roi comme des gens des autres villages, ils montraient toujours le visage d’honorables personnes.

Lorsque le couple entra dans le restaurant, la tenancière courut pour les aider à porter leur bagage : "Vous êtes arrivés juste à temps ! Aujourd’hui, c’est du bon vin et bonne chère". Après le repas, bien repu, le couple avait du mal à garder les yeux ouverts. Alors, la restauratrice prépara un lit pour les laisser se reposer. Mais alors que le couple se mettait au lit, il y eut des voix dans la rue.  "Pouvons-nous emprunter du bœuf demain ?" "Oui !" "Vache grasse ou maigre ?" "Vache grasse !".

Dans le courant de la nuit, de solides gaillards se faufilèrent dans la chambre du couple. Le mari était toujours profondément endormi. Quelques tasses d’alcool mélangées à de l’anesthésique avaient été un puissant somnifère. Mais la femme, qui n’avait rien bu, était toujours éveillée. Les bandits se précipitèrent pour enfoncer un chiffon dans la bouche du mari et le traînèrent dehors. La femme essaya de crier et un des voleurs pointa un couteau vers elle.

Le voyant sur le point de la toucher avec la lame aiguisée, la femme s’agenouilla et murmura : "Je vous en conjure, épargnez-moi et je vous remercierai pour la vie". Une torche effleura son visage. Elle était jeune et très belle. Le voleur en fût profondément troublé.

Il lui dit alors : "Alors, allez-y ! Mais restez silencieuse. Si vous pleurez, vous mourrez !" Puis, alors qu’il allait partir, le voyou se ravisa, et se dit qu’il aimerait bien partager la couche d’une femme aux si beaux yeux. Il revint vers elle et la confia à un de ses parents, digne de confiance. Elle allait vivre cachée, pour rester sa compagne, et personne n’en saurait rien. D’ailleurs il lui prit ses boucles d’oreille, pour les remettre dans le butin commun, afin que nul ne sut qu’une personne avait échappée aux sinistres habitants de ce village.

Justice est faite


À partir de ce jour, le bandit retournait souvent au domicile de sa nouvelle amante. Parfois, il lui offrait un souvenir ou un carré de soie. Elle n’avait à se soucier de rien, et avait des domestiques pour pourvoir à ses besoins. Mais en revanche, elle devait ne jamais quitter la pièce, et la porte devait toujours être close. La femme obéissait comme une personne sans volonté. Peu à peu, elle comprit le gagne-pain de ces violents villageois.
"Vache grasse ou maigre" est une grande affaire à l'époque du roi Lê Hy Tông (1676-1705). Photo : SH/CVN

Après cinq mois, on apprit que le voleur cachait cette femme. Alors, le chef de la commune lui dit que tout le monde doit suivre les règles du village, et qu’il ne pouvait pas les enfreindre. Ainsi, cette nuit-là, après le repas, il l’emmena sur la montagne. Plus que la dernière fois, cette fois, elle le supplia profondément. Mais cette fois-ci, son cœur resta ferme et il ne céda pas.

Au moment où ils allaient atteindre l’entrée de la grotte, la femme lui échappa. Il la poursuivit et la rattrapa immédiatement. Cependant, au moment où il la poussa dans la grotte, il ne s’attendait pas à ce qu’elle se cramponne à sa chemise. Tous deux tombèrent dans l’abîme. Par miracle, elle put s’accrocher à une branche, tandis que le malandrin sombra au fond du gouffre. Avec de grands efforts, elle put sortir de la grotte, et elle s’éloigna le plus vite possible, en direction du Nord.

Abritée pour la nuit sous un pont, la femme entendit au matin une forte troupe qui approchait. Aussitôt elle bondit sur le pont et s’agenouilla au milieu de la chaussée, avec un carré de soie blanche sur la tête. Les soldates qui constituaient l’escorte d’un mandarin voulurent la chasser, mais elle refusa de reculer et cria : "Je vous en supplie, je suis victime d’une injustice, je voudrais parler à votre seigneur !".

Devant cette agitation, le mandarin ordonna au palanquin de s’arrêter, demandant ce qui se passait. Après avoir écouté l’histoire de la femme, le seigneur sortit immédiatement l’épée, et ordonna à son capitaine de conduire immédiatement 2.000 soldats à Đa Giá, avec l’ordre de faire payer lourdement les malfaiteurs pour les actes odieux qu’ils avaient commis.

Durant ce temps, de nombreux clients étaient réunis au restaurant du village. Rapidement ivres, ils n’avaient pas entendu l’échange de "vache grasse ou maigre" entre le propriétaire et la personne à l’extérieur de la porte. Au moment de se coucher, les invités furent promptement ligotés et conduits à la grotte. Mais cette fois, alors qu’il était sur le point d’y arriver, un cri fit sursauter les voleurs. De la brousse, sortit un groupe de soldats avec des torches pour éclairer les lieux. Ils détachèrent les invités et ligotèrent les meurtriers. Puis des quatre côtés de la montagne, des quatre côtés du village : les cris, les tambours, le bruit de tremblements de terre de deux mille soldats.

Le lendemain, le village de Đa Giá fut totalement rasé. Les terres et rizières furent distribuées dans toute la province : chaque village avait un petit champ. Les voleurs furent tous exécutés. Combien de vaches grasses, combien de vaches maigres, pour combien d’or et d’argent ?

                                     Ông Ngoai/CVN

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