Le candidat présidentiel Ahmad Chafiq à une conférence de presse tenue le 26 mai au Caire. |
Les deux hommes, qui se sont posés en défenseurs de la "révolution" face à une opinion très divisée, sont donnés en tête du premier tour qui s'est tenu les 23 et 24 mai, sur la base de résultats quasi-complets.Les Frères musulmans avaient convié les candidats éliminés à une réunion le 26 mai dans l’après-midi afin de "sauver la révolution", mais les équipes de campagne de l'ancien chef de la Ligue arabe Amr Moussa, de l'islamiste modéré Abdel Moneim Aboul Foutouh et du candidat de gauche Hamdeen Sabbahi ont fait savoir que les trois hommes n'y participeraient pas. Lors d'une conférence de presse tenue le 26 mai, Mohammed Morsi a appelé les Égyptiens à poursuivre les objectifs de la révolution. Il a aussi promis "d'être le président de tous les Égyptiens", alors qu'une partie des électeurs crait qu'il ne serve davantage les intérêts de la confrérie islamiste que ceux du pays. "Pas de retour en arrière" Les Frères musulmans, qui ne s'étaient pourtant ralliés qu'avec hésitation à la contestation l'an dernier, ont lancé une virulente campagne contre Ahmad Chafiq, l'accusant de mettre la révolution "en danger". Mais M. Chafiq s'est lui aussi placé le 26 mai du côté de la "révolution". "Il n'y a pas de place pour un retour à l'ancien régime. L'Égypte a changé et on ne peut pas revenir en arrière", a-t-il affirmé lors d'une conférence de presse. L'ancien Premier ministre, qui avait dû partir sous la pression de la rue en mars 2011, peu après la démission du président Moubarak, s'est directement adressé aux jeunes: "La révolution que vous avez provoquée vous a été confisquée, je me suis engagé et je m'engage à vous en rendre les fruits".L'ancien chef d'état-major de l'armée de l'air a également tendu la main aux candidats éliminés. M. Chafiq est soutenu par une grande partie de la communauté chrétienne copte (près de 10% de la population), anxieuse face à la montée de l'islamisme, et a fait campagne sur les thèmes de la sécurité et de la stabilité pour convaincre les nombreux Égyptiens inquiets de la crise économique et de la montée de la criminalité. Il est en revanche très impopulaire chez les jeunes ayant initié la révolte qui l'accusent d'être le candidat des militaires, au pouvoir depuis la chute de M. Moubarak. Selon les résultats provisoires communiqués par la confrérie et la presse, M. Morsi aurait recueilli environ 25% des voix, suivi de très près par M. Chafiq, crédité de quelque 24% des suffrages. Plainte pour "irrégularités" L'ancien président américain Jimmy Carter, à la tête du Centre qui porte son nom et qui se donne pour mission d'observer le déroulement d'élections dans le monde, a affirmé que le scrutin avait été "encourageant" en dépit de "contraintes" sans précédent imposées aux observateurs. Il a précisé que la délégation du Centre n'avait pas été autorisée à observer le dépouillement dans les centres régionaux et n'avait donc "pas de moyen de certifier que l'ensemble du processus était convenable". Mais en général "il n'y a pas eu de signe (...) montrant que la procédure ait favorisé un candidat en particulier", a-t-il ajouté. Néanmoins, Hamdeen Sabbahi, arrivé troisième selon les résultats préliminaires, a annoncé samedi qu'il allait porter plainte auprès de la commission électorale pour des "irrégularités" qui pourraient selon lui affecter le résultat du premier tour. "Il est de notre droit d'avoir des réponses à notre plainte. Nous serons au second tour si Dieu le veut", a-t-il déclaré à l'AFP. Le duel Chafiq-Morsi, s'il était confirmé, placerait l'Égypte un an après la révolte face à deux candidats aux options radicalement différentes. "L'Égypte entre un cheikh et un général", résumait en Une le quotidien indépendant Al-Watan. L'analyste indépendant Hicham Kassem a souligné qu'il s'agissait de "l'une des situations politiques les plus difficiles que l'Égypte ait jamais connue". "Nous faisons face au risque de maintenir le régime de Moubarak ou d'islamiser le pays", a-t-il déclaré à l'AFP.Un militant en vue, Omar Kamel, exprimait le désarroi des "révolutionnaires" sur son blog: "Allons-nous livrer l'Égypte à un représentant de l'ancien régime (...) comme si la révolution n'avait pas eu lieu? Ou allons-nous satisfaire la soif de pouvoir des Frères musulmans?", qui contrôlent déjà le Parlement. Les attributions du futur président, élu pour quatre ans, sont encore imprécises, l'ancienne Constitution ayant été suspendue et la rédaction de la nouvelle n'ayant même pas commencé en raison de blocages politiques.
AFP/VNA/CVN