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Les bureaux de Google à Dublin, le 7 octobre. |
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Après "des discussions détaillées, le gouvernement a approuvé ma recommandation que l'Irlande rejoigne le consensus international" sur la fiscalité, a déclaré le ministre des Finances Paschal Donohoe lors d'une conférence de presse.
"C'est une étape très importante" dans la réforme mondiale, a-t-il déclaré, précisant que pour parvenir à un compromis, l'accord parlait désormais d'un impôt sur les sociétés au taux effectif minimum de 15%, et non plus d'"au moins 15%", une formulation à laquelle Dublin était opposé car elle laissait la porte ouverte à de futures hausses.
Dans la foulée, la Première ministre estonienne a annoncé que Tallinn rejoignait à son tour l'accord. Ce qui ne "changera rien pour la plupart des opérateurs économiques estoniens et concernera uniquement les filiales de grandes multinationales", a souligné la Première ministre Kaja Kallas.
Les regards se tournent à présent vers la Hongrie, qui reste parmi les pays qui n'ont pour le moment pas signé l'accord.
Le ministre des Finances Paschal Donohoe donne une conférence de presse à Dublin, le 7 octobre. |
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Le ministre des Affaires étrangères hongrois, Peter Szijjarto, avait écrit sur Facebook mercredi 6 octobre après une rencontre avec le secrétaire d'État américain Antony Blinken à Paris que "la Hongrie était prête à faire des compromis si nous pouvions nous mettre d'accord sur un accord qui ne nuit pas à l'économie hongroise (...). Sur la base des discussions à Paris, j'ai l'impression qu'il y a des chances que cela se produise".
La vaste réforme mondiale de la fiscalité négociée sous l'égide de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), qui a repris de l'élan avec l'arrivée au pouvoir du président américain Joe Biden, atteint ainsi une étape clé.
Après des mois de blocage, Dublin, qui affiche un taux d'imposition sur les sociétés de 12,5%, l'un des plus faibles au monde, avait multiplié mercredi 6 octobre les déclarations laissant entrevoir un compromis.
L'accord historique annoncé en juillet, concernant alors 134 pays, s'imposerait aux multinationales réalisant au moins 750 millions d'euros de chiffre d'affaires, dont beaucoup de grands groupes technologiques.
La Première ministre d'Estonie Kaja Kallas, quittant un sommet entre l'UE et les Balkans occidentaux, le 6 octobre au château de Brdo (Slovénie). |
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Le ministre des Finances Irlandais a salué jeudi 7 octobre un accord qui apporte ainsi de la "certitude" et permet selon lui à Dublin de rester "une destination attractive" pour les entreprises.
"C'est une décision importante pour notre politique industrielle, notre avenir, c'est complexe. Il y aura des conséquences mais il y a beaucoup d'opportunités", a assuré M. Donohoe.
Après les décision irlandaise et estonienne, la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen a estimé que l'on était "en passe d'aboutir à un changement comme il n'en arrive qu'un par génération, créer un taux d'imposition minimum dans le monde entier, ce qui équilibrera la compétition et favorisera l'emploi et les investissements aux États-Unis".
"Rafistolage de pays riches"
À l'heure où les États cherchent des fonds pour redresser leurs finances publiques mises à mal par la pandémie, cette réforme entend lutter contre l'évitement fiscal de multinationales qui s'enregistrent dans les pays aux plus faibles taux de taxation.
En signant ce compromis, Dublin secoue son modèle économique de faible niveau d'imposition qui lui a permis d'attirer de nombreuses multinationales, notamment des géants technologiques ou pharmaceutiques, qui y ont enregistré leur siège européen.
Selon un sondage commandé par The Irish Times, une large partie des Irlandais était favorable à un maintien du taux à 12,5%, qui a permis au pays de connaître une croissance économique rapide sur les vingt dernières années.
L'accord a suscité les critiques de l'ONG Oxfam, qui a déploré jeudi que "ce qui aurait pu être un accord historique pour mettre fin à l'ère des paradis fiscaux devient un rafistolage de pays riches à la place".
"La proposition d'un taux d'imposition (minimum) mondial fixé à 15% va largement servir les pays riches et augmenter les inégalités. Le G7 et l'Union européenne vont récupérer les deux tiers des nouvelles recettes fiscales mais les pays les plus pauvres seulement 3% alors qu'ils représentent plus d'un tiers de la population mondiale", a déploré Susana Ruiz, responsable des politiques fiscales chez Oxfam.
Le "cadre inclusif" de l'OCDE, un format élargi qui regroupe environ 140 pays, se réunit vendredi 8 octobre afin de tenter d'entériner les derniers paramètres de la réforme, avant une réunion ministérielle des pays du G20 la semaine prochaine. L'objectif est une mise en application de la réforme d'ici 2023.
AFP/VNA/CVN