Les Nations unies ont averti que l'Irak était à un "tournant", appelant à la retenue après quatre jours de violences. |
La plupart des victimes ont péri lors de heurts entre forces de l'ordre et manifestants sunnites appuyés par des hommes armés et des membres de tribus hostiles au Premier ministre chiite Nouri al-Maliki qui a mis en garde contre une nouvelle "guerre civile confessionnelle".
L'Irak, où les chiites sont majoritaires (environ 60%), est formé de multiples ethnies et religions et a déjà payé un lourd tribut lors d'affrontements confessionnels en 2006 et 2007, après l'invasion en 2003 du pays par les troupes américaines qui s'en sont retirées fin 2011.
Pour tenter de contenir la situation, les dignitaires religieux sunnite Abdelghafour al-Samarraï et chiite Saleh al-Haidari avaient appelé les leaders politiques à se réunir. Mais cette réunion n'a finalement pas eu lieu en raison du refus de chefs tribaux et religieux sunnites d'y participer dans l'immédiat, selon des responsables.
Craignant davantage d'escalade, l'émissaire de l'ONU Martin Kobler a averti que l'Irak était à un "tournant". "J'en appelle à la conscience des dirigeants religieux et politiques qui ne doivent pas laisser la colère l'emporter sur la paix et doivent faire preuve de sagesse", a-t-il dit dans un communiqué.
La vague de violences a été déclenchée par un assaut le 23 avril des forces de sécurité, près de Houweijah (nord), contre un camp de manifestants sunnites qui protestent depuis décembre contre M. Maliki, provoquant des heurts ayant fait 53 morts, en grande majorité des protestataires.
L'assaut a été décidé après la mort à proximité du camp d'un soldat et le refus des auteurs du meurtre de se rendre. Les forces de sécurité ont affirmé qu'elles visaient "l'Armée des Naqchabandis", un mouvement sunnite armé.
En représailles à l'assaut, des attaques ont été lancées contre les forces de sécurité et des affrontements ont opposé les deux parties faisant au total en quatre jours 202 morts et 300 blessés, selon des responsables de sécurité.
"Prêt à me battre n'importe où"
Le 26 avril, ce sont quatre mosquées sunnites de Bagdad et sa banlieue qui ont été la cible d'attaques qui ont fait quatre morts, selon des sources de sécurité. En outre, une mobylette piégée a explosé dans le quartier chiite de Sadr City à Bagdad, tuant au moins cinq personnes.
Dans le nord du pays, les chefs de tribus ont cependant obtenu le retrait d'hommes armés de la localité turkmène sunnite de Souleimane Bek (nord), où la troupe est entrée.
Néanmoins, les hostilités ne semblent pas en passe de cesser.
Un porte-parole du mouvement de contestation de Houweijah, a prêté "allégeance" à "l'Armée des Naqchabandis" pour "nettoyer ensemble l'Irak des milices safavides", un terme péjoratif désignant les chiites.
Et lors du prêche de la prière à Ramadi, à l'ouest de Bagdad, l'imam sunnite Hamed al-Koubeissi a appelé chaque tribu à fournir 100 hommes pour former une "armée" de défense des sunnites, devant des manifestants antiMaliki.
Une soixantaine d'hommes, armés de kalachnikovs et de lance-roquettes, ont répondu à l'appel, a constaté un journaliste de l'AFP. "Je le fais pour défendre les sunnites", a déclaré l'un d'eux, Omar al-Hadithi, 24 ans. "Je suis prêt à me battre n'importe où".
Les manifestants réclament la démission de M. Maliki, accusé de marginaliser leur communauté. Ce dernier est en outre accusé depuis plus d'un an par des membres de sa coalition gouvernementale et ses détracteurs d'accaparer le pouvoir.
Et le pays est déjà en proie à des attentats sanglants menés en grande partie par les extrémistes sunnites, dont la branche irakienne d'Al-Qaïda, contre les forces de sécurité et la communauté chiite.
"Il s'agit de la crise la plus profonde et la plus dangereuse (...) depuis 1921", date de création de l'État irakien, a jugé Mouaffaq al-Roubaie, ex-conseiller pour la sécurité nationale. Pour lui, la situation actuelle "pourrait mener à un conflit confessionnel, puis à la division".
AFP/VNA/CVN