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Louis Raphaël Sako, le patriarche chaldéen lors d'une messe à Arbil, le 25 octobre 2016. |
"Il y avait une grande joie au début de la libération de Ninive parmi les chrétiens. Mais comme la bataille se prolonge, il y a une attente avec de la peur mais aussi de l'espoir", explique à la veille de Noël Mgr Sako, le chef de l'Église chaldéenne d'Orient, l'une des Églises catholiques orientales.
Lancée le 17 octobre pour reprendre au groupe jihadiste État islamique (EI) la plaine de Ninive et sa capitale Mossoul (nord), l'offensive de l'armée irakienne, soutenue par une coalition internationale, a permis la prise de nombreux quartiers de l'Est de Mossoul mais butte sur la résistance de l'EI qui contrôle toujours les quartiers Ouest de la deuxième ville d'Irak.
Et, même si la plupart des villes à majorité chrétienne de la plaine de Ninive ont été reprises, d'autres, comme Tal Kayf à 15 km au nord de Mossoul, restent aux mains des jihadistes depuis plus de deux ans.
"Dégâts immenses"
Or, souligne le patriarche, "dans les villages libérés, les dégâts sont immenses. J'ai visité ces villages, ils sont détruits entre 30 et 40%. Les églises ont été endommagées, les routes et les infrastructures aussi".
Mais avant d'envisager une quelconque reconstruction, avant même d'appeler les habitants à rentrer chez eux, Mgr Sako souhaite une reprise de Mossoul, car "si Mossoul n'est pas libéré, alors Daech (acronyme arabe de l'EI, ndlr) peut s'infiltrer dans les village et semer la panique", prévient-il.
Il implore par ailleurs ses coreligionnaires de ne pas rejoindre les milices chrétiennes des "Brigades de Babylone". Ces forces supplétives font partie du Hachd al-Chaabi, dont le noyau dur est constitué de milices chiites soutenues par l'Iran mais qui comprend aussi des groupes sunnites et chrétiens.
"Si les chrétiens veulent protéger leurs villes, ils doivent s'engager dans l'armée ou avec les peshmergas (combattants kurdes, ndlr). Les milices, c'est l'anarchie", assène Mgr Sako.
Forte de plus d'un million de personnes avant la chute de Saddam Hussein en 2003, la communauté chrétienne d'Irak s'est réduite comme peau de chagrin à moins de 350.000 âmes, la faute aux violences récurrentes qui ensanglantent le pays depuis. Les Chaldéens représentent la majorité des chrétiens d'Irak.
Réconciliation
La prise de la plaine de Ninive et d'une bonne partie de l'Ouest de l'Irak par l'EI en 2014 a encore aggravé l'hémorragie. À leur arrivée, les jihadistes ont laissé trois options aux chrétiens: se convertir, payer une forte taxe ou mourir. Environ 120.000 d'entre eux ont pris la fuite.
Et Mgr Sako ne conçoit pas de laisser les chrétiens livrés à eux-mêmes une fois revenus chez eux. "Nous avons demandé des garanties de la communauté internationale", explique-t-il.
"Il faudrait une sorte de bureau de contrôle de l'ONU ou de l'Union européenne pour surveiller les choses et ne pas renvoyer les gens sans protection dans leurs villages", assène-t-il.
Et de proposer un système de parrainage des villages chrétiens par les pays de l'UE. "Chaque pays prendrait en charge la reconstruction d'un village. Cela encouragerait les habitants qui se sont réfugiés en Europe à rentrer chez eux", avance le patriarche.
Mais la reconstruction puis la réconciliation passent aussi, selon lui, par un dialogue au niveau national dans ce pays mosaïque où cohabitent les religions musulmane et chrétienne et les populations arabe, kurde, yézidie ou turkmène.
Au sein du gouvernement national, dirigé par le chiite Haider al-Abadi, et des autorités religieuses musulmanes, "le discours commence à changer", assure Mgr Sako. "Les autorités religieuses (musulmanes, ndlr) ont dit que c'était bien de fêter Noël avec les chrétiens".
À cette occasion, M. Abadi a d'ailleurs envoyé un message à ses concitoyens chrétiens, mettant en avant la "fierté que nous fait ressentir la diversité religieuse" de l'Irak.