Hô Chi Minh : A journey, un film documentaire et un mini-musée !

L’autre jour, mon ami, historien méticuleux et lecteur exigeant, a trouvé par hasard une brochure mi-texte, mi-illustrations sur ma table de travail. Curieux, il en a feuilleté quelques pages, puis s’est plongé dans la lecture pendant plus d’une heure.

Fermant le livre, il s’est exclamé : «Mais c’est un film documentaire de classe et un vrai mini-musée!» L’ouvrage signé Lady Borton porte comme titre Hô Chi Minh: A journey (Hô Chi Minh, le parcours d’une vie - Éditions Thê Gioi).

L’écrivaine américaine Lady Borton....

Lady Borton, écrivaine et photographe américaine, est connue du public vietnamien pour ses activités littéraires et surtout humanitaires, en particulier comme responsable de l’organisation Quaker à Hanoi. Elle a écrit sur le Vietnam plusieurs livres dont Sensing the enemy : An American among the boat people of Vietnam, After sorrow, An American among the vietnamese, une anthologie de la poésie féminine du Vietnam.

Elle a été la seule Américaine à avoir vécu dans les deux Vietnam Nord et Sud au cours de la guerre américaine. Elle parle vietnamien avec l’accent de Quang Ngai, et depuis trois décennies, fait régulièrement la navette entre Hanoi et New York. Épousant la cause du peuple vietnamien, elle nourrit une grande admiration pour Hô Chi Minh. Elle m’a confié : «En 1969, quand j’étais à Quang Ngai (Centre), on apprit la nouvelle du décès de Hô Chi Minh. Mes amies vietnamiennes de toutes tendances politiques le pleurèrent. Je ne comprenais pas leurs larmes. Au printemps de 1975, on m’a invité à aller à Hanoi. J’y ai rencontré des Vietnamiens qui avaient connu Hô Chi Minh personnellement. Depuis trente ans, je n’ai cessé de poser à mes amis vietnamiens des questions sur Hô Chi Minh. Aux personnes qui avaient travaillé avec lui, aussi bien qu’aux historiens, aux chercheurs de tous pays, aux hommes de la rue ou dans la rizière. Des archivistes, bibliothécaires du Vietnam, des États-Unis, de Hongkong, d’Angleterre, et de France m’ont aidée à trouver des documents inédits. Des amis et collègues vietnamiens et ceux de tous pays m’ont aidée à vérifier et revérifier de nombreux détails».

La vie d’un leader en photos et écrits

Le fruit de tant de labeur est une brochure d’une cent cinquantaine de pages. Mais quelle brochure, un chef d’œuvre du genre Hô Chi Minh, le parcours d’une vie est à la fois un film et un musée. Un documentaire formé de séquences qui racontent les épisodes de la vie de Hô Chi Minh en photos, dessins, écrits, chiffes, diagrammes, gros plan et long shot. Le texte est vivant grâce aux images. Le livre constitue en outre un mini-musée Hô Chi Minh grâce à un choix judicieux de documents uniques concernant sa vie. Donnons quelques exemples typiques de la «manière Lady Borton».

Une carte du monde retrace l’itinéraire de Hô Chi Minh depuis qu’il quitte Sàigon à l’âge de 21 ans (1911) jusqu’à son retour au pays à 51 ans (1941). Trente ans d’exil et de lutte révolutionnaire à l’étranger dans plus de 50 pays.

...et son ouvrage sur Hô Chi Minh (versions originale et vietnamienne).

À 23 ans (1913), Hô Chi Minh séjourne aux États-Unis. Quelque trente ans après, il fera part de ses premières impressions de New York à C. Penn, officier de l’OSS américaine, basée au Yunnan. La statue de la Liberté avait fortement impressionné le jeune Hô ainsi que la vie bouillonnante de la mégalopole dont le dynamisme des masses militantes pourrait faire avancer la liberté et l’égalité des races. Il avait travaillé quelque temps à l’hôtel Parker de Boston. Lady Borton a rassemblé des documents photographiques pour nous faire revivre l’atmosphère de lutte politique et sociale de cette époque aux États-Unis : manifestations pour l’indépendance des Philippines, contre la ségrégation raciale.

À 24 ans (1914), M. Hô vient à Londres. Pour gagner sa vie, en maniant la pelle à charbon à l’hôtel Dreyton Court (à West Ealing), ensuite en faisant la pâtisserie à l’hôtel Carlton à Haymarket. En ce temps, Hô est témoin du mouvement socialiste grandissant, des grèves ouvrières et des manifestations de suffragettes au building New Zealand House, construit sur le site de l’hôtel Carlton détruit par un bombardement au cours de la Seconde Guerre mondiale. Il y a d’ailleurs là une plaque commémorant le séjour de Hô Chi Minh à Londres.

Hô Chi Minh fréquente les bibliothèques et améliore son anglais. De 27 à 33 ans (1917-1923), il passe sept ans en France. C’est l’époque de sa maturité politique. Plusieurs documents montrent qu’il est un révolutionnaire patriote fortement motivé, courageux et plein de bon sens : Revendications du peuple annamite adressées au Président américain Wilson, articles de polémique du Paria, intervention enflammée au Congrès du Parti socialiste (1920) exigeant le soutien immédiat dudit parti au mouvement de libération des peuples colonisés.

Parcours révolutionnaire victorieux d’un leader

M. Hô se rend à Moscou en 1923. De 1924 à 1927 (34 à 37 ans), il mène ses activités à Guangdong (Chine). Parmi les documents figure une photo recueillie dans un amas de papiers brûlés à Saigon en 1975, à la fin des combats : la photo datant de 1926 fixe un groupe de jeunes étudiants vietnamiens formés politiquement par M. Hô à l’Institut militaire Houangpu, lesquels deviendront des révolutionnaires éminents : Ly Tu Trong (guillotiné à 17 ans par les Français), Nguyên Son (futur général), Lê Hông Phong (futur dirigeant du Parti communiste vietnamien - PCV, mort à l’île pénitentiaire de Poulo-Condor), Lê Thiêt Hùng (futur général)…

À 38 ans (1928), M. Hô séjourne au Siam (Thaïlande) pour organiser le mouvement révolutionnaire dans la vaste région asiatique (y compris la fondation du PCV à Hongkong). En 1931-1932, il est arrêté par la police anglaise à Hongkong sur la demande de l’administration coloniale française du Vietnam. Mentionnons quelques documents intéressants de cette période : une carte retraçant les activités révolutionnaires de M. Hô au Siam, son poème sur le héros national Trân Hung Dao, vainqueur des envahisseurs mongols au XIIIe siècle, une photo de M. Hô faite par la police anglaise, la carte des noyaux révolutionnaires en Malaisie quand il y était l’organisateur du réseau (trouvée dans les archives du ministère britannique des Affaires étrangères).

Des justes prévisions de Hô Chi Minh

À 44 ans (1934) il s’enfuit de la Chine pour rejoindre l’Union soviétique où il reste cinq ans. Suspecté de connivence avec l’ennemi à cause de sa fuite miraculeuse en Chine, il ne reçoit que des tâches insignifiantes. Citons parmi les documents de cette époque sa lette justifiant son innocence, une carte faisant le bilan des ses activités de 1911-1941.

Finalement, à 50 ans (1940), M. Hô peut retourner au Vietnam pour servir directement son pays. Il s’arrête à Kunming pour prendre en main le réseau révolutionnaire vietnamien en Chine. En 1941, il rentre clandestinement au Vietnam. Les épisodes qui suivent sont bien connues (Fondation du Viêt-minh pour la lutte contre l’occupation franco-japonaise, Révolution de 1945, Proclamation de l’indépendance du Vietnam, les deux guerres de résistance, sa mort en 1969), mais Lady Borton les a racontés de manière captivante, avec l’appui de documents exceptionnels : carte retraçant les 13 mois de captivité de M. Hô dans la prison de Tchang Kai Chek, lettre ironique répondant à l’appel de De Gaulle aux peuples colonisés, photo du général Chennault - commandant de l’escadre aérienne américaine des Tigres-Volants, donnée à Hô Chi Minh, lettre de M. Hô à C. Fenn, agent de l’OSS, photo de M. Hô en short (1945)…

Deux prévisions de Hô Chi Minh se sont avérées justes :

1. En 1941, il a prédit que le Vietnam recouvre son indépendance en 1945 (imprimé dans Histoire de notre pays, 1941)

2. En 1968, à une réunion de l’état-major des forces aériennes, il a dit que les Américains mobiliseraient les B52 et qu’il n’accepterait la fin de leur guerre qu’après l’échec de cette dernière tentative.

Hô Chi Minh, le parcours d’une vie dépasse le cadre d’une œuvre de vulgarisation. Par son esprit analytique, sa clarté et sa précision, la richesse et l’exactitude de ses informations, il mérite d’être un livre de référence pour tous ceux qui veulent acquérir des connaissances essentielles sur le Vietnam contemporain.

Huu Ngoc/CVN

 

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