Grand nom ou découverte ? Un Nobel imprévisible sacre la littérature

Un grand nom délaissé jusqu'ici, ou une nouvelle découverte après deux auteurs sortis de l'ombre par la magie du plus célèbre des prix ? Le Nobel de littérature a été décerné jeudi 6 octobre par une Académie suédoise plus imprévisible que jamais.

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Statue d'Alfred Nobel avant une conférence de presse annonçant le prix Nobel de médecine, à Stockholm, le 3 octobre 2022.
Photo : AFP/VNA/CVN

Réponse vers 13h00 (11h00 GMT) à Stockholm, pour la succession du romancier britannique d'origine tanzanienne Abdulrazak Gurnah (2021) et de la poétesse américaine Louise Glück (2020).

Critiques et pronostiqueurs sont partagés entre deux écoles cette année : ceux qui voient dans les derniers prix la confirmation que l'Académie n'aime pas les écrivains déjà reconnus, a fortiori quand ils écoulent beaucoup de livres; ou ceux qui pensent qu'elle pourrait varier en sacrant un auteur de renommée mondiale, ou du moins dans la liste des suspects habituels.

L'Académie suédoise se remet d'une longue crise, après un scandale #Metoo en 2018 et l'attribution l'année suivante d'un Nobel controversé à l'écrivain autrichien Peter Handke aux sulfureuses positions pro-Milosevic.

Réputée - et critiquée - pour ses choix masculins et eurocentrés, elle a depuis successivement sacré une Américaine et un auteur né à Zanzibar dont l'œuvre est centrée sur les tourments de l'exil et des réfugiés, l'anticolonialisme et l'anti-racialisme.

Le jury Nobel insiste régulièrement sur le fait que son prix n'est ni politique, ni soumis aux règles de parité ou de diversité ethnique, et que le seul gage est la qualité des lettres et de l'œuvre.

Mais "l'Académie est maintenant évidemment soucieuse de son image en ce qui concerne la diversité et la représentation des genres d'une toute autre façon qu'avant le scandale de 2017-2018", explique à l'AFP Björn Wiman, chef du service culturel du quotidien suédois Dagens Nyheter.

"Je pense que l'on veut un nom plus connu cette année du fait de la surprise de l'année dernière", pronostique-t-il.

De bon augure pour le Japonais Haruki Murakami, l'Américaine Joyce Carol Oates ou son compatriote Cormac McCarthy, ou encore la Canadienne Margaret Atwood, snobés jusqu'ici ?

Paris sur Houellebecq et Carson

L'autrice française Annie Ernaux, le 13 mai 2022, en marge du 75e du festival de Cannes.
Photo : AFP/VNA/CVN

Après deux prix consensuels, le Nobel pourrait aussi s'offrir un peu de soufre avec le Français Michel Houellebecq, habitué des déclarations controversées sur l'islam et autres. Longtemps favori des parieurs, il est passé deuxième jeudi matin derrière la Canadienne Anne Carson chez le bookmaker en ligne Betsson.

À moins que l'Académie ne récompense l'auteur britannique des Versets sataniques, Salman Rushdie, victime d'une tentative de meurtre en août.

Un autre choix très politique dans le contexte de la crise en Ukraine serait de sacrer la Russe Ludmila Oulitskaïa, adversaire déclarée du président russe Vladimir Poutine. La Finlandaise Sofi Oksanen ou l'Ukrainien Andreï Kourkov pourraient aussi porter ce signal.

Le nom de l'autrice russe, exilée à Berlin a été régulièrement cité ces dernières années, tout comme les Hongrois Peter Navas et Laszlo Krasznahorkai, les Françaises Annie Ernaux et Maryse Condé, les Norvégiens Jon Fosse et Karl Ove Knausgård, le Kenyan Ngugi wa Thiong'o, la Croate Dubravka Ugresic, le Syrien Adonis, les Américains Thomas Pynchon et Don DeLillo, l'Israélien David Grossman, l'Argentin Cesar Aira...

À moins que l'Asie, sans prix depuis le Chinois Mo Yan il y a dix ans, ne soit la terre d'élection du millésime 2022.

Observateur acerbe de la société chinoise ayant eu des démêlés avec la censure, le choix de Yan Lianke pourrait agacer le régime de Pékin, tout comme celui de Lao Yiwu (nom de plume Lao Wei), surnommé le "Soljenitsyne chinois". Leur compatriote Can Xue est également jugée digne d'un Nobel.

Alors que les principaux pays occidentaux ont tous plusieurs prix - France en tête (15) - des géants comme la Chine (hors Gao Xingjian, naturalisé français) et l'Inde (Rabindranath Tagore en 1913) n'ont qu'un seul prix.

Poète et écrivain voyageur, l'Indien Vikram Seth est cité comme à même de réduire cet écart.

Un temps minée par des suspicions de fuites, l'institution suédoise veille à garder le secret jusqu'au bout, utilisant toute sorte de stratagèmes pour ne pas se faire démasquer et allant jusqu'à garder confidentielles ses délibérations pendant 50 ans.

Seule certitude, elle tient des listes, raccourcies au fur et à mesure que la date fatidique de la remise du plus célèbre des prix littéraires approche.

L'ultime "liste courte" comporte les cinq derniers noms encore en lice.

Le bal des Nobel se poursuit vendredi 7 octobre avec le très attendu Prix de la paix, seule récompense remise à Oslo. Un prix lié à la Russie ou à l'Ukraine, ou encore pour l'action pour le climat, a les faveurs des pronostics.

Il se terminera lundi prochain avec le Prix d'économie, ajouté en 1969 aux cinq traditionnels prix prévus dans le testament d'Alfred Nobel.

AFP/VNA/CVN

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