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L’artiste britannique Graham Short dans son atelier de gravure à Birmingham, le 14 août 2018. |
Photo: AFP/VNA/CVN |
Le "graveur le plus petit du monde" s’injecte du Botox, ingère des bêta-bloquants et met à profit la tranquillité de la nuit pour réaliser ses œuvres, au prix inversement proportionnel à leur taille: les bêta-bloquants, qui régulent le rythme cardiaque, visent à lui assurer la main la plus ferme possible.
Il injecte du Botox tous les trois mois dans ses paupières pour en relaxer les muscles, et travaille de minuit à l’aube pour minimiser les vibrations du monde extérieur. "Je sais que c’est un peu extrême (...) Cela m’obsède vraiment, a-t-il confié dans sa maison-atelier de la banlieue de Birmingham (Centre de l’Angleterre). Je suis la seule personne à faire de la gravure miniature et c’est ce qui me motive".
Une fois finies, souvent après plusieurs mois de travail, ses œuvres sont exposées sous un microscope, dans une boîte éclairée pour en révéler les complexités invisibles à l’œil nu. Elles sont généralement achetées par des investisseurs en art. La plus chère, une série mêlant anglais, arabe et calligraphie, a atteint 200.000 livres (223.000 euros).
Une autre, représentant le profil de la reine Elizabeth II sur une goutte d’or coulée dans le chas d’une aiguille, a été achetée par un producteur laitier écossais pour 100.000 livres. Graham Short a aussi gravé "rien n’est impossible" sur le bord coupant d’une lame de rasoir, vendue 50.000 livres à une galerie du Nord de l’Angleterre.
Grain de sel
L’artiste a quitté l’école à 15 ans et effectué un apprentissage de six ans au sein d’une société de gravure, puis lancé sa propre entreprise avant ses 30 ans. Il a rapidement bâti une clientèle prestigieuse, incluant la famille royale. Dans son temps libre, il s’essayait à la gravure miniature, travaillant d’abord avec deux loupes, puis un microscope. Contraint de jongler entre sa vie professionnelle et familiale, il a mis des dizaines d’années à achever son premier projet: graver le Notre Père sur une tête d’épingle en or de deux millimètres.
"Une fois fini, je ne pouvais m’empêcher de le regarder, explique ce père de deux enfants. Ça a changé ma vie". À mesure que la gravure traditionnelle déclinait, en ces temps numériques, l’artiste s’est progressivement consacré à ses œuvres miniatures, en réalisant une cinquantaine au cours des 15 dernières années, certaines sur commande.
Une des créations de Graham Short: le profil de la reine Elizabeth II sur une goutte d’or coulée dans le chas d’une aiguille. |
Photo: AFP/VNA/CVN |
Il a ainsi écrit le mot "amour" sur un grain de sel posé sur un cil de la femme d’un client, un oligarque russe vivant à Londres qui a fait fortune dans les mines de sel de Sibérie et voulait un cadeau de Saint-Valentin original.
Vingt battements par minute
Short s’est surtout fait connaître au Royaume-Uni en gravant en 2016 des portraits miniatures de la romancière Jane Austen sur quatre billets de 5 livres. Il les a ensuite remis en circulation. Trois seulement ont été retrouvés, dont l’un adjugé pour 6.000 livres. Il a récidivé cet été, gravant pour la Coupe du monde de football 2018, le portrait du capitaine anglais Harry Kane sur six billets de 5 livres. Quatre sont en circulation, les autres seront offerts à la Fédération anglaise de football et au joueur.
Pour arriver à graver sur des surfaces toujours plus petites, l’artiste a atteint les limites du corps humain. "Plus c’est petit, plus je dois être calme, absolument immobile", explique-t-il. Il a essayé la méditation et des techniques de respiration: insuffisant. Il s’est alors tourné vers l’exercice physique - il nage 10 km quotidiennement - et les bêta-bloquants.
Quand il travaille, il les mange comme des bonbons et il peut réduire son rythme cardiaque à 20 battements par minute, contre une fréquence de 60 à 100 battements par minute pour un adulte au repos. "Ensuite, j’essaie de graver quand je suis comme mort entre les battements", dit-il.
Short n’aime pas le processus de création, il en savoure seulement le résultat. "Le meilleur, pour moi, c’est quand (les œuvres) sont finies, dans une galerie sous un microscope et que quelqu’un entre (...) et qu’ils n’en croient pas leurs yeux!"
AFP/VNA/CVN