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Le très bas niveau en eau du lac d'Annecy après la canicule de l'été, le 28 septembre. |
C'est l'année des paradoxes: en janvier, des précipitations abondantes avaient au contraire gonflé le volume de l'étendue naturelle haut-savoyarde, propriété de l'État.
La cote de 80 centimètres qui sert de référence à la stabilité des eaux depuis la fin du XIXe siècle, sous un pont de la rivière Thiou, déversoir naturel du lac qui traverse la ville, a grimpé cet hiver à 115 cm, premier stade de vigilance pour les crues; elle est aujourd'hui retombée autour de 20, soit plus bas que lors de la canicule de 2003.
Pour assurer un niveau stable, le débit du déversoir est régulé manuellement, "d'une part pour éviter les inondations et d'autre part pour éviter le phénomène que nous avons aujourd'hui", explique Pierre Bruyère, président du Syndicat mixte du lac d'Annecy (Sila). Mais à l'heure du réchauffement climatique, "il est temps de réfléchir à une autre manière de fonctionner", admet-il.
"Cette année, nous avons eu deux phénomènes. Le lac a débordé cet hiver, les services de la ville ont donc ouvert les vannes en grand. Fin juin, la situation s'est brutalement inversée, jusqu'à la sécheresse. N'ont-ils pas vidé trop vite le lac?", interroge Thomas Terrier, président de l'Association des propriétaires riverains (April), pour qui la situation va "sensibiliser à la ressource en eau".
En attendant, le niveau de l'eau découvre les berges et le fond des bateaux, et rend accessible à pied une grande zone au large du Pâquier, la promenade qui longe le lac au centre-ville.
Des affluents à sec
Tout n'est pas négatif, notamment pour les roselières, "qui vont être exondées et dont les sédiments vont être régénérés, reminéralisés: les plantes vont être stimulées", souligne Damien Zanella, directeur Environnement au Sila.
"Sur le lac, pour les oiseaux, il n'y a pas de gros impact, au contraire", abonde Baptiste Doutau, chargé de mission à la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) en Haute-Savoie. Cette baisse du niveau d'eau "rend le site favorable à une halte migratoire" des oiseaux, qui ne pourraient s'arrêter dans le cas contraire.
Mais la sécheresse provoque des "assecs assez prononcés" dans le lit des cours d'eau de la région et "pour la faune aquatique, c'est la catastrophe", souligne M. Zanella, l'accès à l'eau devenant plus compliqué.
Pour la Frapna, qui fédère les associations de protection de la nature en Rhône-Alpes, l'état des affluents du lac d'Annecy constitue "une alerte de grande gravité". "Moins d'eau dans les rivières et ruisseaux, voire pas du tout de débit, entraîne moins de dilution de la pollution qui s'y trouve, donc une concentration plus forte, ainsi que la mort des poissons et autres organismes vivants".
La fédération appelle à "réagir en adaptant nos usages à la ressource disponible et en faisant une utilisation plus rationnelle" de l'eau, à l'approche de la saison hivernale et de l'utilisation des canons à neige: "l'eau en Haute-Savoie, va-t-on choisir de la boire ou de la skier?", demande-t-elle en indiquant que sur l'arc alpin, "95 millions de mètres cubes par an" sont utilisés pour l'enneigement artificiel, "soit la consommation annuelle d'une ville de 1,5 million d'habitants".
L'usage de l'eau a été restreint dans la région d'Annecy, placée en situation d'alerte "renforcée" par les autorités, de même que la zone du lac du Bourget en Savoie. De nombreux autres cours d'eau et départements sont touchés par la sécheresse dans le pays.