Faites connaissance avec les Katu

Il y a quelques années, j’ai fait une brève visite à A Luoi, point névralgique de la fameuse ancienne piste Hô Chi Minh, site des combats atroces en 1969 de la colline 937 surnommée Hamburger Hill par la presse américaine.

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Dans ce district montagneux sur la frontière lao, à 70 km au Sud- Est de la cité impériale de Huê, j’ai fait la connaissance des Tà Ôi, groupe ethnique le plus nombreux de la localité. Le temps m’a manqué pour contacter les Katu qui y sont bien moins nombreux. L’habitat Katu s’étend plus au Sud, dans les districts montagneux Hiên et Giàng (province de Quang Nam, Centre). La population Katu compte plus de 60.000 personnes. Elle appartient au groupe ethno-lingustique môn-khmer.
Une culture singulière
La majorité des villages Katu continuent à vivre de la culture du riz de montagne (lua nuong) selon le procédé du rây (culture sur brûlis), lequel consiste à constituer un espace cultivable en brûlant la végétation avant de la défricher et de fertiliser. Au bout de quelques décennies, le sol étant devenu stérile, il faut chercher un autre coin dans la brousse et déménager tout le village. C’est au chef du village de choisir l’emplacement pour le nouveau village. Une fois le choix fait, on défriche un espace de 5-6 m2 au milieu duquel on plante une branche ou un tronçon de bambou pour marquer le droit de propriété du village. Mais si sur le chemin de retour à sa maison, le chef du village rencontre un mauvais augure (un serpent traversant le sentier, un moineau volant au-dessus de sa tête, le cri d’un cerf ou d’un singe, la vision en rêve d’une inondation), il faut chercher un autre endroit. Il faut éviter de défricher un terrain où poussent des banians ou d’autres vieux arbres car on y déloge les fantômes qui se vengeront du village par des calamités.

Les Katu interprètent une danse traditionnelle lors d’une fête du village.
Photo : Phuong Hoa/VNA/CVN


Le village Katu, de forme elliptique ou ronde, est entouré d’une solide haie défensive faite de troncs d’arbres disposés les uns sur les autres et solidement ligotés par des lianes de rotin. Cette haie a une porte d’entrée et une porte de sortie. Au milieu se dresse la maison commune qui domine les habitations. Là se déroulent les cérémonies et fêtes, la réception des hôtels, on y expose des trophées de chasse. Là les anciens du village passent leur temps à tresser des paniers de bambou en racontant leurs souvenirs. Les maisons sur pilotis sont en général petites et basses. Leur profil évoque la carapace d’une tortue.
En dehors du riz, les Katu plantent aussi du maïs, des patates, du manioc, des arbres fruitiers (bananier, papayers, jacquiers, ananas, citronniers...). Pour écarter la menace constante de disette et de famine, le gouvernement a encouragé les Katu à adopter le mode de vie sédentaire avec la création d’un espace agricole fixe et d’un village permanent, et à opter pour une technique rizicole plus rentable (culture du riz en terrain inondé, labour avec des buffles, engrais...). C’est ainsi que 10.000 Katu du district de Hiên et 20.000 du district Giang ont suivi le modèle sédentaire, doublant leur rendement annuel de riz. L’élevage de buffle joue un rôle très important. Traditionnellement, cet animal est élevé non pour le labour ou le transport mais pour le rite du sacrifie au Giàng (Ciel).
Les rites du mariage
Le mariage doit obéir à des règles très compliquées. Quand un garçon et une fille sont déterminés à se marier, le garçon informe ses parents de leur décision. Si ces derniers sont d’accord, ils demandent le service d’un intermédiaire qui pourrait être un ancien du village ou un sorcier. L’intermédiaire discute avec la famille de la fille sur les conditions du mariage. Après la cérémonie, la fille continue à vivre avec ses parents pendant un an avant de venir vivre chez son mari. Si la fille est enceinte avant le mariage, le couple excommunié doit quitter le village. La famille du garçon doit payer une forte amende à la famille de la fille et au village. Le couple peut ensuite regagner le village et vivre ensemble sans être mariés mais dans l’opprobre.

Une fête traditionnelle des Katu.


Dans des circonstances particulières, le garçon aidé de ses amis organise un simili-rapt. La fille kidnappée est emmenée à la maison de la famille du garçon. Elle doit attendre dans la cour pour qu’on demande l’avis des génies ; on sacrifie un coq, le sorcier lit l’oracle en regardant les pattes de l’oiseau. Si l’augure est défavorable, il faut reconduire la demoiselle chez elle, et payer à ses parents un dédommagement, en général un buffle. Si l’augure est favorable, on invite la fille à monter l’escalier pour entrer dans la maison sur pilotis. On prie les membres de la grande famille, les voisins et connaissances venir féliciter le nouveau couple.
Trois jours après, les parents du garçon invitent ceux de la fille à venir chez eux pour discuter de l’organisation du mariage. Dans tous les cas, la femme mariée va mener une vie de misère physique et morale. Prenons à ce sujet quelques exemples dans quatre villages très pauvres (Tr’Hy, Ch’Om, Gaki et Axang) à l’ouest du district de Tây Giang. Selon une tradition très ancienne, le mari considère sa femme à l’égal d’un animal domestique, une esclave qui doit trimer dur pour lui payer sa dette matrimoniale.
Il n’est pas rare de rencontrer sur la route ce spectacle : sous le soleil de plomb, le mari marche d’un pas allègre sous son parapluie, la femme le suit en titubant, râlant sous le poids d’un énorme fagot de bois. Si on s’indigne contre cette injustice flagrante, l’homme réplique : «Ce n’est que juste. Pour l’épouser, j’ai dû donner à sa famille une offrande matrimoniale énorme : deux boeufs, trois cochons, dix paniers de paddy. Maintenant, c’est à elle de payer cette dette».
L’homme passe son temps à s’amuser, distiller de l’alcool pour se soûler et il n’hésite pas à battre sa femme. La femme travaille sans relâche pour son mari et sa belle famille. Elle n’ose pas demander le divorce parce que pour rompre le mariage, ses parents doivent rendre à ses beaux parents en nature les offrandes matrimoniales (bœuf, cochon et riz).
Depuis la Révolution d’Août 1945, le gouvernement a déployé de grands efforts pour mettre fin aux superstitions et aux coutumes arriérées chez les Katu des régions frontières. Les campagnes d’alphabétisation, d’hygiène, d’amélioration de la vie sociale et familiale n’ont réalisé que des progrès limités à cause de l’ignorance des difficultés économiques, du manque de communication, d’une guerre de trente ans. Beaucoup reste à faire dans les coins perdus de la jungle.

Huu Ngoc/CVN

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