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Le problème de la relève est depuis longtemps un souci permanent chez les pratiquants de divers types d’arts traditionnels. Si, dans la plupart des cas, l’inquiétude est justifiée - la jeunesse ne résistant pas aux sirènes de la modernité -, le ca trù fait mieux que tirer son épingle du jeu, au vu des nombreux jeunes artistes qui le pratiquent. Qui aurait pu y croire, ne serait-ce qu’il y a quelques années ?
Deux chanteuses prometteuses, l’une de 20 ans et l’autre de 8 ans.
La moitié des artistes ont moins de 30 ans
Le Festival national du ca trù 2014, qui s’est clôturé fin août à Hanoi, a permis de présenter au public bon nombre de jeunes artistes. Parmi les 300 professionnels inscrits pour cet événement, «il y avait 58% des chanteuses et instrumentistes de moins de 30 ans. Le plus jeune n’avait que quatre ans. Cela veut dire que les jeunes ne tournent pas le dos à cet art. Les jeunes qui ont choisi de suivre cet art rigoureux le pratiquent avec amour, passion et dévouement», note le Docteur Nguyên Binh Dinh, directeur de l’Institut de la musique relevant de l’Académie de la musique du Vietnam.
Pour précision, seuls 30% des artistes avaient moins de 40 ans lors de l’édition 2011, selon les statistiques du comité d’organisation des éditions de ce festival. «C’est un bon signe pour nous de voir des artistes très jeunes s’affirmer dans ce métier. Ce sont eux qui vont assurer l’avenir de cet art», commente une vieille chanteuse du club de ca trù Thai Hà de la ville de Hanoi.
Une représentation de petites filles du club de ca trù Thai Hà (Hanoi). |
Du talent à revendre
Actuellement, la plupart des jeunes artistes du ca trù suivent des études dans des clubs et sont formés directement par des artistes expérimentés. Une partie d’entre eux est issue des familles dont la transmission du métier se fait de génération en génération.
Cette année, le festival a offert 126 séances de représentations données par 25 clubs de 12 villes et provinces. Le public a été impressionné, notamment par l’apparition sur scène de couples, de membres d’une même famille ou encore d’enfants. C’est le cas du couple Trân Van Dài-Duong Thi Xanh, du club de ca trù Cô Dam (province de Hà Tinh, Centre), dont le mari est instrumentiste et la femme, chanteuse. Ou encore de la troupe de ca trù Thai Hà (Hanoi), constituée de parents et de leurs enfants et dont le fils Nguyên Van Mùi est en charge du tambour, le père Nguyên Van Khuê, du luth et la fille Nguyên Thu Thao, du chant.
Pour la première fois également, les petites chanteuses de la troupe Nguyên Thi Chuc se sont produites sur scène. Outre l’instrumentiste Nguyên Thi Nhung, 18 ans, les autres membres ont toutes entre 4 et 10 ans. Duong Tiên Lâm, 5 ans, du club de ca trù de la province de Hung Yên (Nord), a aussi fait sensation par sa maîtrise irréprochable du tambour. La gamme d’interprétations de la petite Nguyên Thi Huong Trà, 5 ans, elle aussi, de la troupe Nguyên Thi Chuc, a séduit les plus exigeants.
La flamme de l’art du ca trù ne semble pas prête de s’éteindre, après avoir vacillé à de nombreuses reprises dans un passé proche. Comme l’a constaté le compositeur Dang Hoành Loan : «Le ca trù peut sortir de son statut de patrinoine nécessitant une sauvegarde urgente», au regard des jeunes successeurs prometteurs qui se révèlent. Et personne ne s’en plaindra.
L’art du ca trù
Le ca trù est une forme de poésie chantée de la musique vietnamienne pratiquée au Nord du pays depuis le XIe siècle. Il a été inscrit en 2009 par l’UNESCO sur la Liste du patrimoine immatériel nécessitant une sauvegarde urgente car les musiciens et chanteurs sont pour la plupart âgés et leur nombre est en diminution - ce qui, on l’a vu, semble être de moins en moins le cas. Une séance de ca trù est interprétée sur scène en généralement par trois personnes, une chanteuse et deux instrumentistes. La chanteuse utilise des techniques respiratoires et le vibrato pour produire des ornementations sonores uniques tout en jouant du phách, un morceau de bambou frappé avec deux morceaux de bois. Deux instrumentistes accompagnent la chanteuse de la sonorité profonde du dàn day (luth à trois cordes), et du rythme énergique d’un trông châu, dit «tambour d’éloge». Certaines représentations de ca trù comprennent également de la danse. Le ca trù est actuellement pratiqué dans 15 villes et provinces vietnamiennes. Mais c’est à Hanoi que cet art est le mieux préservé. Les clubs les plus connus sont Hanoi, Thái Hà, Van Miêu et Thang Long.
Linh Thao/CVN