Éternelle attente

L’amour est sans doute ce qui inspire le plus les contes et légendes dans tous les pays du monde. Qu’il soit fraternel, conjugal, filial, il joue à conjuguer le bonheur. Mais parfois, il peut aussi être tragique.

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>>L’ombre du père

>>Une si belle amitié

Femme de pierre qui n’avait pas un cœur de pierre.

Quand on se promène au Vietnam, il n’est pas rare de croiser, au détour d’un paysage, une colline, une butte, un rocher à la forme particulière qui porte un nom donné par les habitants locaux. La raison de ce nom se perd dans la nuit des temps. Mais, il y a toujours quelque ancien qui peut nous en raconter l’origine. Du moins si ce qui se dit de génération en génération reste fidèle à la mémoire. Mais, après tout, réelle ou pas, l’histoire mérite d’en être contée.

Si d’aventure, vos pas vous portent dans la province de Lang Son (Nord), nul doute que vous pourrez apercevoir une montagne, connue sous le nom Hòn Vong Phu, représentant une dame qui attend son mari, située non loin de la ville de Lang Son, tout proche de la frontière sino-vietnamienne.

Au sommet, se dresse un rocher rappelant la forme d’une femme debout avec son enfant dans ses bras. C’est surtout au coucher du soleil que se découpent ces silhouettes minérales sur le ciel rosissant. Ce que l’on raconte de ce rocher est tellement émouvant et atteint si profondément l’âme que c’est devenu l’une des légendes préférées des Vietnamiens et une source d’inspiration aux poètes et compositeurs du pays.

Frère et sœur

C’était il y a si longtemps, dans un village de la haute région du Nord. Une paysanne, son mari décédé tôt, éleva dans la misère deux enfants : un garçon et une fille. Frère et sœur étaient tout l’un comme pour l’autre et ne pouvaient se passer l’un de l’autre. Malgré l’absence de leur père, ils étaient aussi heureux que possible grâce aux soins de leur mère.

Un beau matin comme tous les jours, la mère laissa ses enfants à la maison pour les travaux champêtres, sans oublier de dire à son fils de bien garder sa petite sœur. Le garçon joua dans la cour avec ses amis. Leur jeu préféré était le lancement de pierres dans les arbres pour attraper les oiseaux. Mais, ce jour-là, le malheur s’abattit sur la petite sœur. Assise sous un arbre, elle fût grièvement blessée à la tête par une grosse pierre jetée par son frère et s’évanouit.

En voyant le sang à la tête de sa sœur, le frère pensa qu’elle était morte. Effrayé et rongé par le remord, il s’enfuit et décida de changer de vie : il prit un nouveau nom et vint s’établir à Lang Son. De nombreuses années passèrent. Un beau jour, il fit connaissance de la fille d’un commerçant. Il en tomba amoureux et l’épousa. De leur union naquit un garçon qui le combla de bonheur.

Mari et femme

Par un bel après-midi d’été, il trouva dans la cour intérieure sa femme à la toilette. Elle était en train de sécher ses longs cheveux noirs, assise en plein soleil. Au moment où celle-ci fît glisser le peigne sur la chevelure qu’elle souleva de l’autre main, il découvrît une longue cicatrice au-dessus de sa nuque qu’il n’avait jamais vue jusqu’alors.

Intrigué, il lui en demanda la cause. Hésitante, elle commença à raconter son histoire en pleurant : "Orpheline de père, je vivais avec ma mère et mon frère. Il y a 15 ans, mon frère me blessa et m’abandonna. À demi mourante, j’ai été sauvée par des voisins. Après le décès de ma mère, on m’a vendue à un commerçant ailleurs qui venait de perdre sa fille et qui avait pitié de ma situation. Depuis ce temps, je ne sais pas ce qu’est devenu mon frère et il est difficile pour moi d’expliquer son geste insensé. Pourtant, nous nous aimions tellement".

Chaque soir, la pauvre femme prenait son garçon dans ses bras et grimpait sur la montagne pour guetter l’apparition de son mari.

Le mari eut du mal à cacher son émotion. Il demanda à sa femme les renseignements concernant le nom de ses parents, celui de son frère et de son village natal. C’était bien de sa sœur dont il s’agissait ! Bouleversé, tout en gardant pour lui l’épouvantable secret, il eut honte et horreur de lui-même. En ce temps-là, le pays avait besoin de soldats pour lutter contre l’ennemi qui tentait de l’envahir. Le mari profita de ce prétexte pour s’éloigner de sa femme et de son enfant. Il s’enrôla dans l’armée et espéra trouver la délivrance sur le champ de bataille.

Sa femme eût beau le supplier de rester à ses côtés, il partit à l’aube d’une journée d’automne. Depuis son départ, dans l’ignorance de la vérité, sa femme attendit son retour, patiente et résignée. Chaque soir, elle prenait son garçon dans ses bras et grimpait sur la montagne pour guetter l’apparition de son mari. Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il gèle, que le soleil darde ses rayons brûlants. Inlassablement, elle escaladait la montagne, jour après jour, mois après mois, année après année.

Un jour, arrivée au sommet, épuisée, les yeux fixés à l’horizon, elle fut changée en pierre par le Ciel qui, pour mettre fin à son chagrin, la figea immobile dans son attente infinie.


Ông Ngoai/CVN

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