Spiritualité et maternité

"Maman". Cette simple petite appellation en dit long sur l’affection et le dévouement de la bonzesse Thich Minh Tài envers les moins fortunés. Grâce à elle, une vie supplémentaire vient d’être sauvée, celle d’une petite orpheline.

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La bonzesse Thich Minh Tài donne le biberon à Hoài An.

Dans une chambre à coucher de la pagode Huê Quang, la petite Hoài An sommeille dans son berceau. Au moindre petit bruit, elle se réveille. Ses yeux s’illuminent à la vue de la bonzesse, puis se referment doucement sous les caresses et la voix berçante de celle que son cœur appelle désormais "maman”.

Personne n’aurait pu imaginer que ce frêle bébé, presque sur le point de mourir il y a seulement quelques mois, pourrait revenir à la vie après une période de traitement intensif et de soins constants au creux des bras tendres de Thich Minh Tài. La funeste histoire remonte à quelques mois mais est restée ancrée dans les esprits.

La soif de vivre plus forte que tout

Fin mars 2019. Le Centre sanitaire de Duc Trong (district du même nom, province de Lâm Dông, sur les hauts plateaux du Centre) réceptionne un cas d’urgence : un nouveauné en état critique. Respiration difficile, protubérance de la tête, plaie ouverte sur le crâne, peau brûlée par le soleil, corps recouvert de blessures… Sans parler des innombrables insectes en tout genre attaquant la pauvre enfant au visage, au nombril, aux yeux et au nez. Il est dit que le bébé avait été laissé pour compte pendant plusieurs jours accroché à un arbre avant d’être enfin trouvé, hurlant de douleur, de faim et de soif.

"C’est un paysan qui l’a trouvée dans un sac en plastique jeté au milieu d’une plantation d’hévéas. Il l’a emportée au Centre sanitaire de Duc Trong, puis est parti sans laisser d’adresse", raconte un agent sanitaire.

"Dès que j’ai entendu la nouvelle, je me suis rendue immédiatement au Centre, en pleine nuit, s’étrangle Minh Tài, 41 ans, gérante de la pagode Huê Quang, les yeux embués. À peine entrée dans la salle de consultation, mes jambes ont vacillé à la vue de ce petit corps meurtri".

Étant la mère adoptive de douze enfants d’âge différent - tous abandonnés à la porte de la pagode alors qu’ils n’étaient que des nourrissons - la bonzesse partage les inquiétudes qu’elle a ressenties à l’arrivée de la petite.

"Elle était en situation critique, à l’article de la mort... Je ne savais même pas si j’étais en mesure de la sauver. Nourrir un bébé orphelin est déjà difficile en soi, mais avec elle, c’était d’autant plus difficile… Nous avons si peu de moyens",  avoue-t-elle. Et d’insister : "Mais s’il y avait bien une chose évidente c’est que jamais je n’avais vu une soif de vivre aussi puissante de la part d’un être aussi petit et frêle. C’est cette force, cette innocence qui m’a poussé à cette promesse que je me suis alors faite : sauver l’enfant à tout prix".

La bonzesse Thich Minh Tài considère Hoài An comme sa fille.
Photo : CTV/CVN

Familière avec l’ensemble des gestes de premiers secours et expérimentée en médecine traditionnelle, la bonzesse applique dans un premier temps plusieurs points de pression à l’aide de ses doigts sur les points névralgiques du visage du bébé, lui permettant ainsi de respirer plus facilement. Elle l’emmène ensuite à l’Hôpital pédiatrique de la ville provinciale de Lâm Dông. Malgré plusieurs jours de soins intensifs, la santé du bébé continue d’empirer. Ayant réussi à amasser une petite somme d’argent grâce aux dons de personnes charitables, la bonzesse - avec son bébé malade aux bras - débarque à Hô Chi Minh-Ville, et déses-pérée, frappe à la porte de plusieurs hôpitaux spécialisés. Malheureusement, les efforts de la mère et des docteurs semblent insuffisants. De peur que l’enfant ne perde la vie anonymement, Minh Tài décide de lui donner  un nom, "ce sera nécessaire pour sa messe de requiem...".

C’est ainsi qu’elle fut nommée Triêu Hoài An (Triêu étant le nom de famille de la bonzesse, et Hoài An signifiant littéralement "désir d’arriver sain et sauf"). "Pendant plusieurs jours et nuits sans sommeil, j’étais tourmentée par une seule et unique question : comment faire pour sauver ma fille ? L’idéal serait d’amasser une grosse somme d’argent pour pouvoir l’emmener à Singapour, là où il y a de l’espoir… Mais bien sûr, cela nous semblait hors de portée… De plus, mes autres enfants comptaient également sur moi. Il fallait que je pense à eux aussi. Et puis, je ne me fais plus toute jeune, ma santé n’est plus ce qu’elle était", confie-t-elle.

Elle savait pourtant que si elle baissait les bras, le bébé n’aurait aucune chance de survie et serait condamnée. Ainsi, Minh Tài essaya par tous les moyens de mettre ce projet en action, elle avait fait une promesse après tout.

"Le reflet du soleil levant"

La bonzesse Thich Minh Tài vient en aide à 12 autres élèves.
Photo : CTV/CVN

Animée par cette idée et soutenue par Lu Bach Phung, 28 ans, Viêt kiêu des États-Unis, la bonzesse Minh Tài a ainsi décidé de se lancer. Doté d’un compte de 500 millions de dôngs de dons collectés de la part d’organisations et d’individus vietnamiens et étrangers, les deux parrains de Hoài An se rendent ainsi à l’hôpital Mount Elizabeth, à Singapour. Alors que la bonzesse s’occupe de l’enfant, le Viêt kiêu assume une double mission : faire l’interprète et continuer à récolter des fonds auprès de la communauté vietnamienne et étrangère.

Semblable au roseau, Hoài An plie mais ne rompt pas. Sa force et son énergie lui valent le surnom de “Fleur de lotus de pierre”. Afin d’accroître les chances de survie du bébé, Minh Tài partage la déchirante histoire de sa chère fleur sur les réseaux sociaux dans l’espoir qu’elle fasse appel au bon cœur des internautes du monde entier. Nombreux sont ceux qui furent touchés par cette histoire, contribuant considérablement au financement du traitement de la petite.

"C’est un vrai miracle. Après une dizaine de jours de traitement intensif à l’hôpital Mount Elizabeth, Hoài An s’est peu à peu rétablie. Les plaies semblent se cicatriser", raconte la bonzesse.

Le plus dur restait à venir, il s’agissait d’une lourde interven-tion impliquant la ponction de l’épanchement survenu dans la boîte crânienne de la petite. Son taux de réussite s’avère minime, voire inexistant. De plus, les médecins ont averti Minh Tài que même en cas de réussite, il se pourrait qu’il y ait des séquelles et que Hoài An ne se développe pas au même rythme que ses camarades. C’était un risque que la bonzesse était prête à prendre. "Quand j’ai décidé de signer le papier d’engagement volontaire pour son opération, j’espérais uniquement qu’elle puisse survivre, qu’elle soit en bonne santé… C’est tout ce qui comptait…", confie-t-elle.

Encore une fois, la "Fleur de lotus de pierre" a su surpasser les épreuves et exprimer toute sa force de vie et, à peine trois semaines après l’opération, la plaie sur sa tête avait cicatrisée, au lieu des huit semaines prévues. "Même le docteur n’en revenait pas. Hoài An a donc pu sortir de l’hôpital plus tôt que prévu et rentrer chez elle à la pagode Huê Quang", raconte la maman avec les yeux remplis de joie. Pour elle, son plus grand bonheur est de "lire dans les yeux de ma fille +le reflet du soleil levant+, et non celui +du soleil couchant+" qu’elle appréhendait tant quelques mois auparavant.


 Nghia Dàn/CVN 

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