États-Unis : les CSeries du canadien Bombardier sous le coup de taxes pharaoniques

Washington s'est attiré les foudres au Canada mercredi 20 décembre en annonçant des taxes prohibitives sur les importations aux États-Unis d'avions CSeries du canadien Bombardier, donnant ainsi raison au constructeur américain Boeing qui dénonçait des avions fabriqués à perte.

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Un CSeries du canadien Bombardier à l'aéroport Mirabel de Montréal, le 16 septembre 2013.

Dans une décision finale, le département américain du Commerce a estimé que ces appareils moyen-courriers, de 100 à 150 sièges, en cours de fabrication, bénéficient de subventions du gouvernement canadien et qu'ils étaient vendus en-dessous de leur prix de fabrication.

Par conséquent, il a fixé d'une part des droits devant compenser les subventions publiques (dits "compensateurs") à 212,39% et d'autre part, un taux anti-dumping à 79,82%.

La ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, le 5 décembre à Bruxelles.
Photo : AFP/VNA/CVN

Ces pénalités causent "un grave préjudice" aux travailleurs des deux côtés de la frontière, a déploré Chrystia Freeland, la ministre canadienne des Affaires étrangères, jugeant "insensé de considérer que la société Boeing pourrait être menacée de subir un dommage dans un segment du marché qu'elle a quitté il y a plus de dix ans".

Dans une réaction sur le même ton, Bombardier a estimé que le département américain du Commerce "ignore les pratiques commerciales en vigueur depuis longtemps dans l'industrie aéronautique, y compris les prix de lancement et le financement de plusieurs milliards de dollars des programmes d'avions".

"On nous a présenté l'impossible pour ensuite nous faire avaler l'inacceptable", s'est en outre insurgé Yvon Paiement, un responsable canadien de l'association internationale des travailleurs de l'aérospatiale.

L'administration Trump, qui martèle sa volonté de défendre les entreprises et les emplois américains, avait ouvert au printemps une enquête à la demande de Boeing.

Selon la plainte de l'avionneur américain, Bombardier aurait vendu chaque CS100 à 19,6 millions de dollars américains pour un coût de fabrication de 33,2 millions de dollars. Au prix catalogue 2017, le CS100 est proposé à 79,5 millions de dollars l'unité. Pour autant, les prix catalogues ne reflètent jamais ceux réellement payés par les compagnies qui négocient toujours d'importants rabais.

''Climat protectionniste''

"Cette décision est basée sur un examen complet et impartial des faits dans un processus ouvert et transparent", a assuré le secrétaire américain au Commerce, Wilbur Ross.

Le taux antidumping correspond à l'écart entre le coût de fabrication et le prix de vente de chacun des 75 appareils vendus par Bombardier à la compagnie américaine Delta Air Lines, dont les premières livraisons sont prévues à partir du printemps 2018.

Le Canada "est vivement préoccupé par la nature protectionniste des allégations de Boeing, qui cherche à renforcer sa domination du marché américain en empêchant les appareils CSeries de Bombardier d'y entrer", a regretté Chrystia Freeland.

La décision mercredi 20 décembre doit encore recevoir le feu vert de la Commission américaine du commerce international (USITC) qui se prononcera le 1er février. Cette dernière peut confirmer, atténuer ou infirmer ces pénalités.

"Si la décision est en faveur de la plainte de l'avionneur américain, les tarifs s'imposeront à partir du 8 février", a indiqué le syndicat canadien.

"Espérons que le climat protectionniste (...) qui affecte les institutions fédérales américaines n'influencera pas le travail de la Commission du Commerce international des États-Unis", a réagi un autre responsable syndical canadien David Chartrand. "Il en va de l'intégrité de l'ensemble de l'industrie aérospatiale autant au Québec, aux États-Unis qu'en Europe", a-t-il estimé.

Devant l'USITC lundi 18 décembre, Bombardier avait plaidé "une attaque sans fondement" et mis en avant le fait que le géant européen Airbus avait pris la majorité du programme CSeries.

Par conséquent, Airbus va assembler, sur ses propres lignes d'assemblage en Alabama (Sud-Est des États-Unis), les avions canadiens destinés aux compagnies américaines "éliminant ainsi toute possibilité que Boeing soit lésé par des importations", avait argué indiqué Mike Nadolski, directeur des relations publiques de Bombardier.

"Bombardier, le gouvernement du Canada et le plaignant (Boeing) se sont accordés sur le fait que la transaction (en cours) entre Bombardier et Airbus n'aura pas d'impact sur l'enquête en cours. (Dans la mesure où) l'opération n'est pas finalisée", a pris le soin de préciser le ministère américain mercredi 20 décembre.

En attendant la décision de l'USITC, l'annonce du département du Commerce cristallise des relations commerciales déjà tendues entre Washington et Ottawa.

Outre la difficile renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (Aléna) imposée par Donald Trump au Mexique et au Canada, d'autres dossiers comme le bois de construction ou le lait empoisonnent en effet les relations canado-américaines.


AFP/VNA/CVN

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