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La société Ikéa France et plusieurs personnes ont été renvoyés en correctionnelle. |
Outre la société Ikea France renvoyée pour recel, 15 personnes physiques -dont plusieurs anciens dirigeants de l'entreprise et policiers et anciens policiers- ont été renvoyés devant le tribunal par une ordonnance rendue le 30 avril par une juge d'instruction de Versailles, conformément à ce qu'avait requis le parquet.
Elles y seront notamment jugées pour collecte et divulgation illicites de données personnelles ou encore violation du secret professionnel, pour des faits remontant à la période 2009-2012.
Parmi les personnes physiques renvoyées figurent l'ancien PDG France (de 2010 à 2015) Stefan Vanoverbeke, son prédécesseur Jean-Louis Baillot ainsi que le directeur financier de la filiale (de 2009 à 2014) Dariusz Rychert, tous accusés de recel notamment.
Dans ses réquisitions, le parquet avait estimé qu'Ikea France avait "bien mis en place un système, sous couvert de sa direction de gestion des risques, visant à obtenir des renseignements sur les candidats à l'embauche et certains collaborateurs, renseignements tirés pour partie de la consultation des fichiers police/gendarmerie".
Ce "système, largement répandu", selon le parquet, était "non seulement connu des dirigeants de la société" mais "surtout utilisé à grande échelle, notamment lors de l'ouverture de nouveaux magasins".
L'avocat de la société Me Emmanuel Daoud tout comme la société elle-même, joints par l'AFP, n'ont pas souhaité commenter la procédure, Ikea France se bornant à rappeler que "l'entreprise continuera(it) de coopérer avec la justice".
Du côté des parties civiles en revanche, l'annonce de ce renvoi est un soulagement. "C'est l'aboutissement d'une procédure initiée il a plus de huit ans pour des atteintes graves au droit des salariés et des libertés publiques", s'est réjoui Me Yassine Yakouti, avocat de plusieurs salariés.
"Après huit ans d'instruction, mes clients se félicitent que cette instruction soit terminée", a réagi de son côté Me Sofiane Hakiki, avocat des syndicats CGT et FO et de plusieurs salariés, soulignant que cette "affaire de violation de libertés fondamentales" concernait "plusieurs centaines de personnes".
"Il est temps que la justice condamne ces graves infractions", a-t-il conclu.
Casier et compte en banque
Tout commence en février 2012, quand le Canard enchaîné révèle que la direction de l'entreprise pourrait avoir mis en place un système structuré de surveillance de certains salariés, notamment ceux à l'activité syndicale jugée embarrassante.
Le but pour l'entreprise : récolter un maximum d'informations, notamment leurs antécédents judiciaires ou l'état de leur compte en banque.
L'enseigne est ainsi accusée d'avoir passé un "contrat" avec des policiers ayant accès au "STIC", vaste fichier policier répertoriant les auteurs et victimes d'infractions, afin qu'ils leur transmettent des données confidentielles. Quatre fonctionnaires de police et ex-policier sont ainsi renvoyés devant la justice.
Les syndicats ont également accusé la direction d'Ikea France d'avoir recruté des "implants", des comédiens dont la seule mission était d'espionner leurs collègues et de rédiger des rapports.
Un rapport, consulté par l'AFP en 2018, détaillait ainsi des éléments de la vie personnelle de certains salariés, leurs amitiés et soutiens au sein de l'entreprise, et la manière envisagée pour retourner ces soutiens.
Au cours de l'enquête, de nombreuses perquisitions ont été réalisées au siège du groupe à Plaisir (Yvelines) mais aussi dans des magasins en régions, révélant un système d'ampleur nationale.
Dans la foulée des premières révélations, Ikea avait annoncé des mesures éthiques visant à redorer le blason de l'entreprise, qui compte en France 34 magasins et quelque 10.000 salariés.
Sa filiale française a répété jeudi 14 mai que "la conformité, la transparence et l'éthique" étaient "prioritaires" pour elle et que ces valeurs "guident l'ensemble de ses actions tous les jours".