Eric Cantona, le foot plutôt par la culture

Le dernier match qu’il ait vu le «King» ? «Euh...» Depuis sa retraite de joueur en 1997, Eric Cantona entretient une relation d’exigence artistique avec le foot, et en privilégie l’angle culturel en personnage à distance du terrain.

Eric Cantona le 12 novembre à Paris.

Alors, le dernier match qu’il ait vu ? Interrogé par l’AFP, l’ancien attaquant marseillais hésite quelques secondes, fouille dans sa mémoire. «Euh... La finale de la Coupe du monde». Point.

Et qu’a-t-il pensé de cette Coupe du monde ? Du tac-au-tac : «Les gens qui étaient au stade pour supporter le Brésil n’étaient pas du tout représentatifs de la population brésilienne. Des plans dans les tribunes, on a dû voir une dizaine de métis sur 80.000 personnes !»

Suit-il encore l’équipe de France ? Haussement d’épaules. «Non».

«Je n’ai pas regardé beaucoup de matches. Je n’ai même pas vu Allemagne-Brésil. J’étais dans un taxi, je vois dans un bar sur grand écran le score à la mi-temps, 5-0 ! Comment c’est possible ? J’arrive chez moi : 7-1 !»

«Depuis le début», il sentait les joueurs de la Seleçao pas dans leur assiette, «ils sont allés jusqu’en demi-finale grâce à leur ascendant psychologique», et leur déroute en demi-finale ne l’a «pas étonné plus que ça».

Le foot, Cantona (48 ans) le conjugue plutôt au passé. «J’aimais bien voir jouer Barcelone ou Manchester United. Barcelone est à la fin d’un cycle. Aujourd’hui ils n’ont plus ce truc d’être pratiquement invincibles. Mais c’est un formidable club formateur, ils vont nous sortir une génération. Cruyff a tout mis en place. Pour moi, c’est la personne la plus influente dans le foot, en tant que joueur et entraîneur».

Idole à Manchester, «mérité, non ?»

«Manchester (United), c’est un grand club, ils reviendront», soutient-il, au futur cette fois. Alex Ferguson, son entraîneur à MU lui «manque». «C’est un grand monsieur. Quand je vais là-bas, je le vois. Et son fantôme traîne un peu partout» à Manchester.

Le foot, c’est désormais pour Eric Cantona des souvenirs et des histoires.

Le sien, celui d’«Eric the King», aussi. «Oui, mais moi c’est un petit fantôme», lance-t-il en riant. Et cette idolâtrie qui perdure à son égard ? «C’est mérité, non ?», dit-il sourire aux lèvres, comme s’il remontait son col. «C’est magnifique. Que ça dure, que ça dure...»

Le foot, c’est désormais pour lui des souvenirs et des histoires, racontées dans ses documentaires sur Canal+ sur la vie du foot dans certaines villes (Barcelone, Rio, Istanbul etc.) ou sur l’apport de l’immigration à l’équipe de France.

«On a toujours utilisé le foot d’une façon ou d’une autre, martèle-t-il. Il est très lié à l’histoire des pays». Et d’égrener la récupération politique du Mondial-1978 en Argentine par la junte au pouvoir ou des succès du Real Madrid par Franco en Espagne, ou les exécutions à la mi-temps des matches en Afghanistan.

«Grâce au foot, des jeunes qui ne s’intéressaient pas forcément à l’histoire vont apprendre des choses, assène-t-il. Après, on ne fait pas des livres d’histoire, mais en tout cas on raconte les grandes lignes».

Manageur d’un club, comme à Manchester par exemple, «ça demande beaucoup de temps. En vacances, c’est les transferts... Moi, j’aime bien faire plein d’autres choses».

L’ex-enfant terrible du foot français a élargi sa palette de touche-à-tout, peintre, réalisateur, acteur, notamment dans son propre rôle, dans Looking for Eric de Ken Loach. Il a tourné dans un film cet été (Les Rois du monde) et le prochain est prévu pour janvier.

Le retour près des terrains a failli se faire au Cosmos New York, club mythique des années 1970-80 (Pelé, Beckenbauer etc.) et qui évolue actuellement en 2e division du Championnat nord-américain. Annoncé début 2011 comme futur directeur sportif, l’ancien Bleu (45 sélections, 20 buts) a suivi le départ du président anglais Paul Kemsley.

«J’allais là-bas parce que le Cosmos réunissait tout ce que j’avais fait jusqu’à maintenant, cette tradition de club mélangeant l’art et le sport. J’y allais pour cette folie là, ce qui n’empêchait pas l’ambition de créer un grand club. Après, c’est devenu un truc plus sage qui ne ressemblait plus à l’histoire du Cosmos».

Ni à celle de «Canto».

AFP/VNA/CVN

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