Équateur : désinformation et rumeurs attisent la panique face aux gangs

Des étudiants se réfugient dans une salle de cours et bloquent la porte face à l'irruption apparemment imminente d'assaillants.

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Des militaires déployés à Quito, le 13 janvier en Équateur. 
Photo : AFP/VNA/CNV

Ce type de scènes alimentées par des rumeurs et de fausses informations se répandent dans un Équateur terrorisé après le chaos récemment semé par les bandes criminelles.

Une vidéo de la scène tournée dans la principale université de Guayaquil, grand port sur le Pacifique où les gangs sont tout puissants, a été partagée des milliers de fois sur les réseaux sociaux depuis le 9 janvier et le début d'une crise sécuritaire sans précédent qui a fait au moins 19 morts.

Tirs en direct sur un plateau de télévision, gardiens de prison ou policiers pris en otages couteau sous la gorge ou pistolet sur la tempe : l'Équateur a plongé, selon son jeune président Daniel Noboa, 36 ans, dans un "conflit armé interne".

Moins de deux mois après son entrée en fonction, le chef de l'État s'est ainsi engagé dans une confrontation ouverte avec les gangs criminels.

Une autre vidéo partagée des milliers de fois également montre une bousculade entre étudiants paniqués de cette même université. Mais ce jour-là, personne n'a tenté de s'en prendre à eux.

"C'était une crise de panique générale", explique Héctor Hugo, l'un des professeurs de l'université. "Il y a eu du bruit à l'extérieur, des gens sont entrés en courant et le message a été déformé par le bouche-à-oreille. Sur les réseaux, on a même parlé d'un enlèvement, mais il n'y en a pas eu", assure-t-il.

Dans un communiqué, l'université a fait état de "fausses informations diffusées" sur Internet.

"Récit de terreur"

Mais la désinformation a trouvé un terrain fertile dans un pays autrefois havre de paix, ravagé par la criminalité liée au narcotrafic avec 46 meurtres pour 100.000 habitants en 2023.

Dès le début de la crise, déclenchée par l'évasion d'Adolfo Macias, dit Fito, chef du gang des Choneros, les réseaux sociaux ont été inondés de fausses informations qui ont alimenté la peur.

De vraies images, comme celles du raid armé contre une chaîne de télévision à Guayaquil, se sont mélangées à d'autres fausses, comme un prétendu enlèvement de masse dans le métro de Quito ou une poursuite spectaculaire avec coups de feu devant l'ambassade d'Israël, en réalité des exercices de simulation organisés respectivement en 2023 et 2018.

Des membres des forces armées fouillent des hommes lors d'une opération à Quito, en Équateur, le 10 janvier. 
Photo : AFP/VNA/CVN

"Dans des environnements très conflictuels et incertains, il est naturel que l'un des fronts de bataille soit aussi celui de l'information. Une guerre qui cherche à imposer un récit de terreur commence à se développer", explique Albertina Navas, directrice de la communication de l'université pontificale catholique d'Équateur.

L'équipe de vérification numérique de l'AFP a également détecté la diffusion de messages concernant des fusillades, meurtres et autres attaques violentes qui, en réalité, n'ont pas eu lieu ou correspondent à des événements anciens.

Pour Saudia Levoyer, professeure à l'université andine Simon Bolivar, ce type de désinformation "est une stratégie de communication, il y a quelqu'un derrière cette diffusion de contenus faux ou manipulés". Semer un climat de chaos "est l'une des stratégies favorites de ces bandes", ajoute-t-elle.

"Déstabilisation"

En plus de semer la terreur, la désinformation a des objectifs politiques, selon Patricia Hidalgo, directrice de l'École de communication de l'Université internationale de l'Équateur.

À un peu plus d'un an des élections présidentielles, "il s'agit aussi de déstabilisation", estime-t-elle.

Des militaires en patrouille dans le quartier de Lucha de los Pobres, dans le sud de Quito, le 12 janvier en Équateur. 
Photo : AFP/VNA/CVN

Daniel Noboa a pris ses fonctions en novembre pour terminer le mandat de 18 mois de son prédécesseur Guillermo Lasso qui avait convoqué des élections anticipées pour éviter sa destitution sur fond d'accusations de corruption.

Le nouveau président envisage déjà sa réélection en 2025 et les experts estiment qu'il est engagé dans une sorte de "pré-campagne".

Face à la désinformation, le gouvernement et les forces militaires ont réagi sur les réseaux sociaux et les canaux officiels en faisant état de raids, d'arrestations, de "terroristes tués", de policiers pris en otage libérés ou de détenus maîtrisés.

"Les campagnes du gouvernement ont commencé à montrer ce qu'il fait dans les zones les plus violentes et les plus dangereuses, ce qui constitue un contrepoids", estime Saudia Levoyer.

AFP/VNA/CVN

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