>>COVID-19 : Macron face à la "débrouille" de la Seine Saint-Denis
>>Wuhan rouvre, l'attente du pic en Europe
Un hôpital de campagne pour les patients contaminés par le COVID-19, le 3 avril à Madrid. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
De la reine Elisabeth II, s'adressant solennellement à son peuple en invoquant l'esprit du Blitz, aux autorités américaines parlant d'un nouveau "Pearl Harbor", les souvenirs des heures les plus sombres de l'Histoire ont resurgi avec l'entrée dans cette "guerre" d'un nouveau genre, où les soignants sont envoyés au front.
Le virus, qualifié d'"ennemi de l'humanité" par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a déjà contaminé près de 1,3 million de personnes, un chiffre certainement sous-évalué en raison du manque de tests. Les répercussions de la pandémie sont immenses et des milliers de milliards d'USD ont été promis par les gouvernants pour compenser la profonde récession attendue.
Le berceau de Wuhan
La mystérieuse pneumonie, sans doute née chez la chauve-souris et qui, selon des chercheurs chinois, aurait pu être transmise à l'homme par le pangolin, petit mammifère à écailles menacé d'extinction, est apparue fin 2019 à Wuhan (Centre de la Chine).
Selon les autorités chinoises, elle contamine 59 personnes courant décembre, dont plusieurs employés d'un marché de gros où étaient vendus des animaux vivants destinés à l'alimentation. Le 8 janvier, l'OMS estime que ces cas pourraient être dus à un nouveau coronavirus. Le 11 janvier, le premier mort est officiellement rapporté en Chine.
La maladie, qui peut entraîner de graves troubles respiratoires, ravive le souvenir du SRAS (Syndrome respiratoire aigu sévère), autre coronavirus qui avait durement frappé la Chine continentale et Hong Kong en 2002-2003 et fait près de 800 morts dans une trentaine de pays.
Alors que sont enregistrés les premiers décès en Chine et les premières contaminations hors du pays, le virus est présenté comme dangereux principalement pour les personnes âgées ou fragiles. Certains parlent de "grippette", comme le président brésilien Jair Bolsonaro qui a longtemps minimisé la menace avant d'évoquer le "plus grand défi de notre génération".
"L'épidémie est un démon. Nous ne permettrons pas au démon de rester caché", assure pour sa part le président chinois Xi Jinping.
Hubei coupé du monde
Pour freiner la propagation de l'épidémie, les autorités chinoises emploient la méthode radicale du confinement, alors inimaginable en Occident : la ville de Wuhan, puis le 25 janvier toute sa province, le Hubei et ses 56 millions d'habitants, sont coupées du monde. Les rues sont désertes et des barrages routiers empêchent toute sortie. Des hôpitaux sortent de terre en quelques jours.
Fin janvier, l'OMS déclare l'urgence internationale mais sans limiter les voyages.
Les compagnies aériennes internationales réduisent néanmoins leur desserte de la Chine continentale et de nombreux groupes étrangers y suspendent leurs activités.
C'est le début d'une spirale infernale pour le secteur du tourisme mondial, dont dépendent plus de 300 millions d'emplois, 10% du PIB mondial.
Pour beaucoup de touristes aussi, les vacances se transforment en cauchemar, à l'image des milliers de personnes enfermés à bord de plusieurs paquebots de croisière après l'apparition du virus à bord, près de Tokyo par exemple. Début avril, l'UE estimait que 350.000 touristes européens avaient dû être rapatriés. Près de 250.000 personnes restaient bloquées.
Accélération
Des personnels soignants transportent un patient contaminé par le COVID-19 à l'hôpital de la Croix-Rouge de Wuhan, le 28 février dans la province chinoise du Hubei. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Mi-février un premier décès est enregistré hors d'Asie, en France. Et l'économie commence à trembler. Les annulations de grands salons et compétitions sportives s'enchaînent. Le Comité international olympique (CIO) se résoudra le 24 mars à reporter à 2021 les JO-2020 de Tokyo, une première en temps de paix.
Fin février, l'accélération des contaminations est notable en Italie, République de Corée ou Iran. Les autorités chinoises estiment pour leur part que l'épidémie a atteint un pic dans ce pays.
Le 6 mars est dépassée la barre des 100.000 cas recensés dans le monde.
Mobilisation planétaire
L'Italie, durement touchée, est le premier pays hors de Chine à prendre des mesures drastiques de confinement de sa population. Venise, Rome ou Florence, habituellement envahies de touristes, sont transformées en villes fantômes.
Les témoignages de médecins italiens exténués, expliquant que face à l'afflux de malades ils doivent choisir qui soigner "en fonction de l'âge et de l'état de santé, comme dans les situations de guerre", créent une onde de choc.
Le 11 mars, l'OMS qualifie le COVID-19 de "pandémie", lançant la mobilisation planétaire.
Les États-Unis commencent à fermer leurs frontières aux voyageurs étrangers en provenance d'Europe.
Les marchés mondiaux enregistrent des plongeons historiques, gouvernements et banques centrales annoncent des mesures massives de soutien à l'économie.
Les scènes de ruée dans les supermarchés se multiplient, des consommateurs paniqués en venant parfois aux mains pour un paquet de pâtes ou de papier toilette.
4 milliards de personnes confinées
Alors que l'Europe est désignée par l'OMS comme nouvel "épicentre" de la pandémie, Espagne, France ou encore Royaume-Uni imposent à leur tour courant mars le confinement.
Aux images d’hôpitaux débordés, aux couloirs entassés de malades, succèdent celles des grandes villes du monde, désertes et silencieuses. Début avril, plus de la moitié de l'humanité, 4 milliards de personnes, seront invitées ou contraintes à rester chez elles.
Couvre-feux et états d'urgence se multiplient, suscitant des inquiétudes sur le respect de l'État de droit.
Plus du tiers de la flotte mondiale d'avions de ligne est clouée au sol. Écoles et universités fermées et télétravail sont désormais la norme.
Sur les réseaux sociaux, le hashtag #Jerestechezmoi se décline dans toutes les langues. Les personnels soignants, en première ligne, y confient leur désarroi, comme Elise, infirmière dans un hôpital français qui témoigne sur Facebook : "Ce matin, en me réveillant, je pleure. En déjeunant, je pleure. En me préparant, je pleure (...) Là, dans les vestiaires de l'hôpital, je sèche mes larmes. J'inspire. J'expire. Les gens dans les lits pleurent aussi et c'est à moi qu'il incombe de sécher leurs larmes".
Un rituel se développe parmi les confinés chaque soir : applaudir les soignants depuis leurs fenêtres et balcons pour exprimer sa gratitude.
À Madrid, une patinoire est transformée en morgue pour entreposer les corps. À New York, un hôpital de campagne est installé à Central Park.
Dans les quartiers les plus pauvres et surpeuplés de la planète, les restrictions aux déplacements s'avèrent extrêmement difficiles à appliquer. Certaines forces de sécurité en Afrique vont jusqu'aux coups de fouet ou de feu pour disperser les attroupements. Des millions de réfugiés sont fragilisés comme dans le camp de Al-Hol, en Syrie où 68.000 personnes s'entassent dans moins de 2 km2.
Pénuries et polémiques
Dans la plupart des pays, masques et autres équipements de protection font cruellement défaut et les soignants vont travailler la peur au ventre. Face à cette pénurie mondiale, les États se livrent à une compétition sans pitié pour en acheter ; vols et trafics se multiplient.
On redoute une saturation des services de réanimation, un manque de médicaments et de personnel soignant.
Une policière contrôle l'attestation dérogatoire de déplacement d'une automobilistes, le 6 avril 2020 à Nice. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Tandis que la plupart des pays réservent les tests de dépistage aux pathologies graves, la République de Corée, l'Allemagne et Singapour ont opté pour des tests à grande échelle et évité ainsi des mesures extrêmes de confinement. Cette stratégie s'accompagne en République de Corée d'un traçage technologique difficile à reproduire dans des pays plus soucieux de la protection de la vie privée.
Pendant ce temps, en Europe et aux États-Unis, la course aux vaccins et traitements est lancée entre les poids lourds de l'industrie pharmaceutique. Plusieurs pays expérimentent un dérivé de la chloroquine, traitement anti-paludéen aux nombreux effets secondaires. Son utilisation fait débat en raison du manque d'études menées selon les protocoles standard.
Victimes anonymes et célébrités
Si la grande majorité des cas de COVID-19 sont bénins, la maladie peut entraîner des atteintes pulmonaires graves, y compris chez des patients jeunes.
Alors que l'on croyait les plus petits à l'abri de formes critiques, de rares cas de décès d'adolescents, d'un enfant de cinq ans et de deux bébés suscitent une vive émotion en Europe et aux États-Unis. Les maisons de retraite sont frappées de plein fouet.
La pandémie emporte des personnalités internationales comme le jazzman américain Ellis Marsalis et la légende camerounaise de l'afro-jazz Manu Dibango. Parmi les contaminés figurent le Premier ministre britannique Boris Johnson, qui dirige le pays confiné à Downing Street avant d'être hospitalisé en soins intensifs, ou l'acteur américain Tom Hanks, désormais tiré d'affaire.
Pire crise depuis 1945
L'ONU qualifie la pandémie de pire crise à laquelle l'humanité ait été confrontée depuis 1945, combinaison d'une "maladie menaçante" et du spectre d'une "récession sans précédent dans un passé récent".
Alors que le Hubei et sa capitale Wuhan commencent à sortir de l'isolement, l'Italie, pays qui compte le plus de morts, recense plus de 15.000 décès début avril. Les États-Unis comptent plus d'un quart des cas mondiaux et se préparent au pire. L'économie chancelle, alors qu'en mars déjà plus de 700.000 Américains ont perdu leur emploi. Un haut responsable des services de santé américains a prévenu que "la semaine prochaine sera un moment comme Pearl Harbor, comme le 11-Septembre, (...) dans tout le pays".
Et le monde s'interroge sur l'après-confinement. Y a-t-il un risque de deuxième vague une fois levées les restrictions ? Les gouvernants ont-ils tardé à réagir ? Quelle sera l'ampleur de la crise économique ? Quel impact pour les démocraties et le multilatéralisme ?
AFP/VNA/CVN