Coronavirus : l'Amazonie coupée du monde sans transport fluvial

Dans l'Amazonie brésilienne, où la plupart des déplacements se font en bateau, les villages des bords des cours d'eau se retrouvent encore plus isolés avec l'arrêt de la plupart du trafic fluvial pour tenter d'endiguer l'avancée du coronavirus.

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Un petit bateau à moteur sur le Jurua, une rivière de l'Amazonie brésilienne, à Carauari le 15 mars.

Les pirogues traditionnelles, canots à moteur ou grands navires de transport de passagers et de marchandises sont d'une importance vitale. Ils sont les seuls à pouvoir atteindre les confins de la forêt.

Mais dans l'État septentrional d'Amazonas, le plus grand du Brésil (1,55 million de km²), la circulation de ces embarcations en tous genres a été fortement réduite en raison de la pandémie.

"Le transport de marchandises reste inchangé, mais celui des passagers est restreint aux services essentiels, comme les pompiers, les policiers ou les services d'urgence médicale", explique Jerfeson Caldas, coordinateur de la région nord de l'Agence de vigilance sanitaire Anvisa.

Pour les cas exceptionnels où le transport de passagers est autorisé, les voyages sont limités à 40% de la capacité. Les transporteurs doivent obligatoirement fournir de l'eau, du savon ou du gel hydro-alcoolique à bord.

"Nous avons très peu de routes, contrairement aux autres régions du Brésil. Plus de 85% du transport de passagers et de marchandises se fait par voie fluviale", explique Alessandra Martins Pontes, spécialiste en transports à l'Université fédérale d'Amazonas (UFAM). "Les bateaux permettent de relier les lieux les plus isolés et éloignés du Nord du pays", insiste-t-elle.

Hamacs espacés

Pour les grands déplacements, les navires les plus utilisés par la population sont les "régionaux", grandes embarcations dont les moteurs diesel ont remplacé les roues à aube des bateaux à vapeur de la fin du XIXe siècle.

Les passagers dorment sur les hamacs qu'ils apportent. Ces couchages, qui auparavant pouvaient être suspendus les uns au-dessus des autres, comme des lits superposés, doivent à présent être espacés d'au moins deux mètres. Le dernier bilan du ministère de la Santé fait état de 532 cas de contamination dans l'État d'Amazonas, dont 19 décès.

Des pêcheurs et des enfants, près du village de Bauana, qui dépend de Carauari, le 14 mars.

La capitale Manaus, qui concentre le plus de cas confirmés, est une ville cosmopolite, avec une zone franche industrielle qui attire des entreprises et des personnes de tout le Brésil et du monde entier.

Mais ce qui inquiète le plus les autorités, c'est que Manaus est aussi un pôle autour duquel gravitent des populations indigènes de nombreuses ethnies.

"Beaucoup de bateaux font des allers-retours entre Manaus et les villages où vivent les peuples autochtones", a prévenu vendredi 3 avril le ministre de la Santé Luiz Henrique Mandetta. "Les indigènes ont des défenses immunitaires très faibles face à ce genre de virus", a-t-il souligné.

Un premier cas de COVID-19 dans une communauté autochtone a été recensé la semaine dernière, une femme de 20 ans de l'ethnie kokama qui travaillait avec un médecin ayant ressenti les premiers symptômes au retour de ses vacances dans le sud du Brésil.

Danger venu de la ville

Vue de Manaus (Brésil), le 13 juin 2014.

Les restrictions du transport fluvial affectent aussi des centaines de familles, indigènes ou non, qui vivent de pêche et de cueillette dans des villages bâtis sur les rives de l'Amazone ou ses affluents.

"Les déplacements sont très limités. On ne peut plus accéder aux zones de réserves naturelles protégées" où vivent la plupart de ces familles, raconte Edervan Vieira, de l'Association des producteurs ruraux de Carauari, à 800 km à vol d'oiseau de Manaus.

Aucun cas de Covid-19 n'a été enregistré jusqu'à présent à Carauari, qu'on ne peut rejoindre qu'après une semaine de bateau depuis la capitale de l'Amazonas.

Mais Edervan Vieira s'inquiète déjà "de l'incidence sur l'écoulement de la production des familles", qui vendent certaines denrées pour acheter ce qu'ils ne peuvent pas produire sur place.

"Ici, nous avons l'essentiel pour survire : des fruits, des poissons, la farine de manioc... Mais ce qui m'inquiète le plus, c'est si on doit aller en ville pour une urgence quelconque. Parce c'est en allant là-bas qu'on risque d'apporter le virus ici", déplore Maria Cunha, 26 ans, habitante de Sao Raimundo, village de la Réserve de Medio Jurua, où vivent 142 familles.

AFP/VNA/CVN

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