En signe de gratitude

Vous avez votre carton d'invitation ? Ce soir, je vous convie à une soirée un peu exceptionnelle durant laquelle le journal que vous lisez fût à l'honneur. Une façon de découvrir un autre aspect du Vietnam.

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>>L’Ordre du Travail de 3e classe pour Le Courrier du Vietnam

Cérémonie de réception de l'Ordre du Travail de 3e classe du Courrier du Vietnam, le 25 septembre à Hanoi.
Photo : Trường Trần/CVN


Cravate et veste obligatoires ! Protocole oblige, on m'avait prévenu : «Ce soir, nous recevons une récompense de l'État, donc en tant que collaborateur, tu es invité !». Et pour une remise de médaille, on ne peut pas venir avec des médaillons de gras ou autres origines sur ses vêtements. J'avoue être resté un peu perplexe devant cette injonction. Non par appétence pour les tâches, mais simplement parce que depuis que je suis ici, j'affectionne particulièrement la chemise à col tunique, portée librement sur le pantalon. Y compris pour les soirées de gala…
Cette tenue a le mérite de favoriser la ventilation de l'individu soumis à de fortes températures, ce qui au Vietnam est relativement courant. D'ailleurs, les Vietnamiens ne s'y trompent pas, qui adoptent cette pratique au travail comme à la ville, en privé comme en représentation.
Mais la sommation m'était remise : je devais être sur mon trente-et-un ! Moi qui le suis tous les trente six du mois !
Reconnaissance
Aidé de mon épouse, j'avais fini par trouver dans mon trousseau une veste d'un gris souris fort honorable, un pantalon noir fait sur mesure du côté de la rue Hàng Bông, au cœur de Hanoi, une chemise de même provenance et de même couleur, et, comble du chic selon ma conseillère de mode, une cravate noire en soie sauvage. Je me faisais l'effet plus l'effet d'un garde du corps que d'un invité à une réception officielle, mais après avoir reçu les assurances que mon accoutrement était à la hauteur de la réception, je traversai Hanoi ceinturé et cravaté.

Photo : Trường Trần/CVN


À peine entré dans le hall de réception, je me suis heurté à un mur de plantes fleuries qui ondulait dans le vent. Bien joué pour la décoration ! C'est quand les plantes m'ont accueilli avec le sourire que j'ai reconnu celles qui signent de leur nom la plupart des articles de ce journal. C'est quand même bien vrai que l'áo dài transcende la femme. J'avais l'impression d'être dans un parterre de stars, à l'entrée d'un de ces palais de festivals pour cinéphiles avertis. D'autant plus que les flashs des photographes présents renforçaient l'illusion.
Me retenant d'aller serrer les mains des quelques curieux posés là, je me contente de serrer celles de mes partenaires d'ascenseur. Vous savez comment ça se passe dans ces moments-là… On se salue, on se présente, en espérant ne pas oublier le nom et la qualité de notre interlocuteur au cas où nous serions amenés à le croiser de nouveau lors de la soirée.
Juste le temps d'arriver au 14e étage, où un nouveau parterre de fleurs me kidnappe pour me remettre une invitation. Mais pourquoi une invitation ? Je suis déjà dans la place. C'est pour la tombola… La tombola ? Je me suis trompé d'endroit ? Je suis venu pour une cérémonie solennelle, pas pour participer à un jeu de hasard ! Bien sûr, mais c'est pour après, pour la réception qui suit…

Une belle cérémonie et de belles en habits de cérémonie !
Photo : Trịnh Bộ/VNP/CVN


Il fallait bien que la convivialité légendaire du Vietnamien s'invite également. D'autant que je constate que je suis un des rares à subir le calvaire de la cravate, alors que nombre d'officiels ont opté pour la tenue à la vietnamienne, décrite plus haut. J'ai le sentiment d'être aussi déplacé qu'un touriste revenant du Vietnam, coiffé d'un chapeau conique dans le RER du matin qui le conduit à Paris !
Vous dire que je ne pense qu'à ça durant les discours serait faire insulte à mon sens de la civilité. D'autant plus que les orateurs s'expriment en vietnamien, puis sont traduits pour l'assistance francophone. Et je m'exerce à valider l'exactitude de ma traduction personnelle à l'aune de la traduction officielle. Pas de petites économies pour continuer à se perfectionner en vietnamien.
Sur le podium, congratulations et impétrants se succèdent… Ce sont 21 ans du Courrier du Vietnam au sein de l'Agence Vietnamienne d'Information qui sont à l'honneur. Moment d'émotions partagées… Fin de la première partie !

Photo : Trường Trần/CVN


Reconnu
Après les dernières photos collectives des récipiendaires, on redescend sur terre, ou plutôt de quelques étages pour rejoindre le buffet dressé à l'occasion.
En Occident, j'ai participé de nombreuses fois à ce genre de manifestations. On y reste souvent compassé, profitant des rencontres de service pour s'entretenir de manière convenue avec l'un ou l'autre. Ici, c'est à la bonne franquette ! On se taperait presque sur le buffet en allant taper dans le buffet !
Accéder au buffet est d'ailleurs pour moi un supplice de Tantale. En effet, lors de la présentation des personnalités au début de la cérémonie, quelqu'un avait cru bon d'ajouter mon nom à la liste. Moi, j'étais là par amitié, juste pour partager le bonheur de toute une équipe, pas pour être cité ! D'ailleurs, pour être encore plus incognito, je m'étais assis au fond de la salle, comme les cancres, pas vers le radiateur, mais vers le ventilateur...

Le buffet organisé à l'occasion de la célébration de l'anniversaire du Courrier du Vietnam.
Photo : Trường Trần/CVN


Pendant qu'il ronronnait à mes côtés, la litanie des représentants des corps constitués et autres personnalités ronronnait à mes oreilles. À chaque nom, le désigné se levait sous les applaudissements pour se faire reconnaître. Quant à la fin mon nom est sorti, et que les visages ont commencé à chercher autour d'eux ce nominé qui n'était pas au premier rang, j'ai dû sacrifier à l'exercice. Modestie mise à part, ce petit clin d'œil facétieux de cette équipe avec qui je collabore depuis sept ans n'aurait pas porté à conséquence s'il n'avait permis que d'assidus lecteurs de mes méfaits hebdomadaires ne me reconnaissent. Voilà pourquoi, chaque tentative que je fais pour m'approcher du buffet se solde par un échec. La rançon de l'apparente estime pour ces chroniques hebdomadaires ! Et je dois avouer que c'est l'émotion qui l'emporte, quand de vénérables personnes viennent vous dire qu'ils en apprécient le ton et la façon de décrire le Vietnam. Fierté aussi pour cette langue française avec laquelle je prends parfois des libertés pour mieux dire ce pays.
Entre deux satisfecit, j'arrive à remplir mon assiette, et j'envisage de m'asseoir à la table de mes compatriotes, correcteurs au journal. C'est à ce moment-là que la tempête se déchaîne. Une musique tonitruante annonce le tirage de la tombola. Les gagnants se succèdent pour retirer leurs lots. Alors que le dernier salue l'assemblée, la sono monte encore d'un ton : au Vietnam, un anniversaire ne peut s'achever sans karaoké !

Oh ! J'ai gagné à la tombola !
Photo : Trường Trần/CVN


Il est temps de quitter les lieux avant que ma plèvre ne se décolle. Cravate de travers et ceinture desserrée, je regagne mes pénates. En arrivant chez moi, j'ai remis à ma femme le petit lot de consolation gagné à la tombola. Lot qu'elle a regardé avec suspicion, d'autant plus que le coup de fil passé au moment de quitter la salle de réception pour indiquer mon prochain retour sur bruit de fond de karaoké pouvait laisser présumer que je n'avais pas tout à fait passé ma soirée dans une cérémonie officielle !
À quand la prochaine distinction honorifique ?

Gérard BONNAFONT/CVN

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