>>En manque de phoques, les ours blancs se tournent - mal - vers les œufs
Bryndis Jonsdottir, 11 ans, nièce d’Erla Fridriksdottir, câline un caneton d’eider sur l’île de Bjarneyjar, dans la baie de Breidafjördur, en Islande. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Comme chaque été, près de 400 fermiers islandais fouillent au creux d’un rocher, sur le sable ou dans les herbes hautes pour dénicher quelques poignées des plumes grises de ce canard polaire, venu nidifier à partir du mois de mai dans ces superbes paysages marins et peu peuplés.
"Quand il y a des œufs, on ne prend qu’une partie du duvet. Et quand l’eider a déjà quitté le nid, on prend tout", explique Erla Fridriksdottir, la patronne de King Eider, l’un des principaux exportateurs du pays.
Volatile marin des océans subarctiques, l’eider - qui a donné en français le mot édredon - laisse derrière lui un trésor naturel pour les frileux : l’une des fibres naturelles les plus chaudes de la planète, à la fois légère et très isolante. La femelle, au plumage brun foncé barré de noir, détache le duvet de sa poitrine et en tapisse son nid pour l’isoler le temps de l’incubation.
Une soixantaine de nids est nécessaire pour produire un kilo de duvet - et chaque édredon nécessite entre 600 et 1.600 grammes suivant la qualité choisie. La récolte mondiale de ce produit d’archiluxe ne dépasse pas les quatre tonnes, dont les trois quarts proviennent d’Islande, de loin premier producteur mondial devant le Canada et d’autres pays riverains du pôle Nord.
Nettoyage méticuleux
Sur l’île de Bjarneyjar, des générations entières s’affairent à repérer les traces d’un nid. Une tradition locale qui aurait débuté en Islande lors de la colonisation viking venue de Norvège à la fin du IXe siècle.
Un gros plan montre du duvet d’eider après avoir été nettoyé par des machines à l’entreprise King Eider à Stykkisholmur, en Islande. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Depuis 1847, l’eider est entièrement protégé en Islande. Sa chasse et l’utilisation de ses œufs sont interdites. Restent de nombreux prédateurs : mouettes, corbeaux, aigles, visons et renards, mais à en croire les spécialistes, l’espèce sait se protéger.
"Nous sentons que les canards aiment avoir leur nid près de nous, là où nous logeons (...), nous pensons donc que les prédateurs restent probablement à distance grâce à nous", avance Jon Fridriksson, le frère d’Erla.
Une fois récolté, le duvet est séché à l’air libre pour éviter les moisissures, puis c’est dans un énorme four que les employés d’Erla débutent la première étape du nettoyage, à une température de 120°C huit heures durant.
"Lorsque le duvet arrive ici, il est rempli d’herbe, de coquilles d’oeufs et de toutes sortes de choses venues de l’océan. Nous le mettons au four pour tuer tout organisme et cela rend également l’herbe plus friable", informe Pall Jonsson, en charge des machines à l’atelier situé dans la petite ville voisine de Stykkisholmur.
Dans un deuxième temps, des machines rotatives débarrassent le duvet d’autres saletés en le comprimant contre un mince treillis métallique. La touche finale sera portée par des mains expertes, qu’aucune technologie ne peut remplacer, pour faire un dernier tri. Même pour les plus expérimentés, il faut quatre à cinq heures de travail pour nettoyer à la main un kilogramme de duvet.
Les plumes sont enfin lavées à l’eau et désinfectées, à la main là aussi, avant d’être essorées et séchées. Prestigieuse mondialement, la production de duvet d’eider ne représente qu’une goutte d’eau dans la production mondiale de duvet estimée à 175.000 tonnes par an, selon le Bureau international du duvet et des plumes.
Outre sa rareté géographique, le parcours du duvet d’eider - de sa collecte manuelle à son nettoyage rigoureux - explique son prix onéreux. Un simple édredon contenant 800 grammes de plumules est vendu à 640.000 couronnes islandaises (4.350 euros).
Ses clients ? "Ce sont souvent des amoureux de la nature et des personnes qui se soucient de l’environnement", car "c’est le seul à être récolté, les autres duvets sont souvent des sous-produits de l’industrie alimentaire", assure Erla Fridriksdottir.
Sa PME islandaise exporte principalement au Japon et en Allemagne.
AFP/VNA/CVN