En Argentine, un masque chirurgical entre les mères et leurs nouveau-nés

Elle a beau être saine, durant les deux premiers mois, Adriana Beramendi n'a jamais pris ses quadruplés dans les bras sans un masque chirurgical. Ces prématurés vont pouvoir quitter leur maternité de Buenos Aires, au moment où la barre des 2.000 morts liés au coronavirus vient d'être franchie en Argentine.

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Adriana Beramendi avec l'un de ses quadruplés, Ulises, à la maternité Ramon Sarda de Buenos Aires, le 7 juillet.
Photo : AFP/VNA/CVN

Si Adriana Beramendi est désormais rassurée par la bonne évolution des nouveaux-nés, elle regrette amèrement que leur père, coincé en Bolivie d'où il est originaire par la fermeture des frontières, ne les connaisse pas encore.

"Je comprends qu'il y a la pandémie, mais on doit aussi me comprendre. Je demande à ce qu'on lui remette un permis pour qu'il vienne m'aider. Voilà cinq mois que je ne le vois pas. Les bébés ont déjà deux mois et il n'a pas encore pu les rencontrer, les toucher", explique cette femme de 24 ans qui a accouché dans la maternité Ramon Sarda.

En quelques jours, cet établissement a dû s'adapter à la nouvelle réalité sanitaire : des protocoles à la formation du personnel médical, en passant par la distribution et la protection des espaces, tout a été revu.

"Nous n'avons jamais soigné de cette manière. On a tous des masques, des lunettes, des charlottes, des bottes, des gants et des blouses", confie Eduardo Valenti, directeur médical de cette maternité.

L'établissement a reçu six mère positives au COVID-19 et deux avec une suspicion, qui peuvent choisir si elle restent isolées avec leur bébé ou si on les sépare.

"La première patiente positive que nous avons eue n'a pas voulu rester avec son bébé car elle avait peur de lui transmettre le virus. Il y a beaucoup d'incertitude, qui chez certaines patientes est devenue de l'anxiété, voire de l'angoisse", explique le médecin.

Cette peur a des conséquences sur la décision d'allaiter ainsi que sur les vaccins, que de nombreuses mère préfèrent reporter pour éviter de fréquenter des centres de santé.

L'hôpital pédiatrique Garrahan, une référence en Argentine, a récemment lancé un appel à respecter le calendrier de vaccination.

"Réseau de soutien"

Les quadruplés Adriel, Jeziel, Ulises et Zoe avec leur mère Adriana Beramendi, à la maternité Ramon Sarda de Buenos Aires, le 7 juillet.
Photo : AFP/VNA/CVN

Manuela est née en pleine quarantaine, le 29 avril, dans une clinique privée de Buenos Aires. "C'est la première fille, petite-fille et nièce (de la famille), mais son père et moi sommes les seuls à la connaître. Après le moment magique de la naissance, ça me semble très difficile de ne pas pouvoir partager cela" avec mes proches, confie sa mère Ana Clara Pedotti.

Pour cette femme de 35 ans, le confinement a commencé le 9 mars, soit 11 jours avant la décision du gouvernement argentin. "Les informations n'ont pas aidé. Il y avait des gens à mon travail revenant d'Europe et la recommandation du médecin a été de rester à la maison", explique-t-elle.

La partie la plus difficile a été la fin de la grossesse. Aux deux derniers contrôles, Ana Clara a dû s'y rendre seule. "Cela m'a angoissé, mais j'ai compris. J'avais très peur que mon mari ne puisse pas m'accompagner pour l'accouchement. Jusqu'à la naissance de Manuela, j'étais très tendue", poursuit-elle.

Finalement, la petite fille est née par césarienne et son père, le visage masqué, à l'image de la mère, était bien présent. Puis, tous les trois sont restés enfermés dans une chambre, sans pouvoir sortir se promener dans le couloir.

Dans ce contexte de pandémie, ce sont des "enfants qui, au cours de leur première année, ont eu l'affection de leurs parents, mais qui avaient aussi très peur de leur faire du mal. Cela a créé une relation plus anxiogène", juge le psychanalyste Luciano Lutereau, spécialiste de l'enfance.

"En général, la première année de vie est accompagnée de la peur qu'il arrive quelque chose au bébé. Mais dans ce contexte, la crainte des parents d'être ceux qui vont lui faire du mal augmente", détaille-t-il.

En outre, le confinement, prive les parents d'un "réseau de soutien très important, que sont les visites de la famille et des amis", souligne le psychanalyste.


AFP/VNA/CVN

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