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Des abeilles à l’entrée d’une ruche dans une ferme apicole à Plasa, en Albanie. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"C’est une année en or pour les abeilles, elles sont les seules à travailler à temps plein", se réjouit Gëzim Skermo, apiculteur depuis un demi-siècle.
Voici trois décennies, dans une nature idyllique aux fins fonds de l’Albanie, il a fondé une ferme apicole au pied de la montagne de Morava. Aujourd’hui, l’en-treprise de quelque 300 ruches est la seule du petit pays des Balkans à exporter son miel.
"Pendant la pandémie, les hommes sont enfermés chez eux mais l’abeille n’est pas restée confinée, poursuit l’apiculteur de 68 ans. Elle travaille mieux que jamais car il n’y a pas de bruit ni de pollution, rien ne la dérange".
Les restrictions pour lutter contre le coronavirus, qui a fait une trentaine de morts en Albanie, ont mis la circulation routière à l’arrêt. Du fait des incertitudes sur leurs débouchés, les paysans n’ont pas travaillé les champs et n’y ont pas répandu de pesticides toxiques pour les abeilles.
"Cette année, on n’a pas eu de pertes contrairement aux années précédentes où on trouvait des abeilles mortes devant les ruches", raconte l’apiculteur qui n’a jamais "connu de saison pareille en 50 ans de métier".
L’or liquide
Ces insectes pollinisateurs, une pièce maîtresse de l’écosystème tout entier, s’en donnent donc à cœur joie en ce printemps de crise sanitaire.
Les abeilles vibrionnent autour des rangées de ruches multicolores de la ferme "Morava" dans un ballet incessant entre l’abreuvoir où elles se ravitaillent en eau et le nectar collecté aux fleurs alentours. Devant l’entrée de chaque ruche, les "gardiennes" veillent à ne pas laisser entrer d’intruses d’autres colonies.
L’apiculteur Gezim Skermo (gauche) tient un cadre couvert d’abeilles dans sa ferme apicole à Plasa, en Albanie. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
L’acacia jaune est en pleine floraison et les apiculteurs attendent bientôt celle de l’acacia blanc, un aimant à abeilles. Selon les années, l’exploitation produit entre 5 et 15 tonnes de miel (acacia, trèfle blanc, pin, colza, arbousier, thym sauvage et châtaigne). Elle récupère aussi des dizaines de tonnes de miel auprès d’apiculteurs de toute l’Albanie pour le traiter. Par superstition, Gëzim Skermo se refuse à donner des chiffres mais il est sûr que cette année, la récolte sera abondante et de très haute qualité.
Les rayons sont déjà bien remplis et les apiculteurs prévoient de commencer le prélèvement plus tôt que prévu, soit avant la fin mai, et même de faire deux récoltes.
"Sentinelles écologiques"
"Les conditions sont optimales pour les abeilles qui sont de vraies sentinelles écologiques", explique Eugen Skermo, apiculteur comme son père.
Tous les professionnels ont en mémoire les dramatiques années 2016 et 2017. Selon leur association nationale, 40% des ruches ont disparu et les pertes ont dépassé les 60 millions d’euros.
Les spécialistes mettent en cause une épidémie de l’acarien parasite varroa favorisée par les aléas climatiques ou la déforestation mais aussi par l’usage agricole de néonicotinoïdes. Ces pesti-cides, qui s’attaquent au système nerveux des insectes, sont interdits depuis 2018 dans plusieurs pays de l’Union européenne (UE).
La ferme apicole n’aura pas trop de sa récolte 2020 pour répondre à la demande qui a grimpé parmi des consommateurs albanais attirés par un produit réputé bon pour la santé.
Chaque année, une quarantaine de tonnes de miel sont exportées vers les États-Unis, la Suisse, Singapour, la Chine. Mais si l’entreprise dispose d’un laboratoire de certification offert par l’UE, Morava n’a pas le droit d’exporter son miel en Europe car les produits albanais d’origine animale y sont interdits. L’Albanie compte 360.000 ruches enregistrées officiellement, produisant chacune en moyenne plus de 10 kg de miel.
"J’espère que la situation changera pour que les marchés européens puissent profiter du miel d’Albanie, qui a une riche biodiversité et une longue tradition dans la production de miel naturel", dit Ermal Benga, responsable du laboratoire.
AFP/VNA/CVN