En Afghanistan, le téléphone portable sert aussi à alphabétiser les femmes

«Allah le tout puissant s’écrit A.L.L.A.H. L.E. T.O.U.T. P.U.I.S.S.A.N.T.» Dans sa classe de Kaboul, Samira Ahmadzaï, 24 ans, n’écoute pas un professeur mais son téléphone portable, et écrit de manière malhabile sur un cahier ce que l’appareil lui dicte en persan.

 

Enveloppée dans une burqa bleue, cette mère de deux enfants s’efforce de rattraper le retard accumulé depuis 15 ans et l’époque où, raconte-t-elle, elle fut privée d’école par les talibans. À leur arrivée au pouvoir en 1996, les «étudiants en religion» avaient restreint au maximum les droits des femmes.

Alors que les mères n’étaient pas autorisées à travailler ou à sortir de chez elles sans un chaperon mâle, leurs filles ont été écartées des salles de classe. Le système éducatif, en ruine, a été relancé avec l’aide de la communauté internationale, après qu’elle eut chassé les talibans du pouvoir à la fin 2001.

Aujourd’hui, plus de 8,4 millions d’enfants afghans vont à l’école, dont 39% de filles, d’après le ministère de l’Éducation. Mais la très grande majorité des femmes sont encore analphabètes : 87,5%, contre 60,7% pour les hommes.

Dans un pays où 18 millions de personnes ont désormais un téléphone portable -- pour un taux de pénétration de 65% de la population selon l’institut d’études international Recherche et marchés -- Paiwastoon, une entreprise afghane, a vu dans cet outil un moyen de lutter contre illettrisme.

Quelque 80.000 dollars provenant de l’USAID, l’agence de coopé-ration des États-Unis, ont servi à développer «Ustad mobile» («le téléphone professeur»).

Enseignement via l’interface audio et video

L’application de Paiwastoon permet d’enseigner l’alphabet, la prononciation et des expressions en dari (version afghane du persan) et pachtoune, les deux langues officielles du pays, ainsi que les mathématiques, via l’interface audio et vidéo. Des classes d’alphabétisation et de maîtrise de l’outil ont également été mises en place à Kaboul.

«Quand j’ai entendu parler de ce centre pour femmes, j’ai convaincu mon père. Il m’a autorisé à m’y rendre tous les jours», raconte Muzhgan Nazari, 18 ans, après ses cours. «Je suis vraiment heureuse d’avoir ce téléphone portable», s’écrie la jeune fille, les cheveux couverts d’un voile noir.

Des classes d’alphabétisation et de maîtrise du portable ont été mises en place à Kaboul. Photo :  AFP/VNA/CVN

Interdite d’éducation par son père, en plus de l’oukase taliban, Samira Ahmadzaï s’est ensuite mariée. «Maintenant, avec la permission de mon mari, je viens en classe», explique-t-elle. Et d’ajouter : «être illettrée, c’est comme être aveugle. Lire et écrire me permettra d’aider mes enfants.»

«C’est la première fois que des élèves illettrés ont la chance de recevoir des leçons sur leur téléphone portable», se félicite Mike Dawson, le Pdg américain de Paiwastoon. «Nous facilitons le travail des professeurs» grâce aux téléphones portables, des appareils «moins chers que des ordinateurs», «dont les utilisateurs sont familiers» et dont «la maintenance est bien plus simple», observe-t-il.

Paiwastoon avait auparavant distribué 3.000 ordinateurs portables à des femmes et enfants de Kaboul, Kandahar (Sud), Herat (Ouest), Baghlan (Nord) et Jalalabad (Est) dans le cadre de l’opération «Un ordinateur portable par enfant».

L’application «Ustad mobile» peut être installée sur chaque téléphone disposant d’une carte mémoire et d’une caméra. Grâce à ce logiciel, l’élève peut voir et entendre prononcer des lettres et des expressions, et les apprendre.

D’autres leçons seront disponibles à terme sur le site Internet du ministère afghan de l’Éducation pour apprendre de nouvelles syllabes et expressions.

«Nous essayons d’aider autant de personnes que possible. Nous souhaitons parler aux entreprises de téléphonie et aux médias pour que les gens connaissent notre programme. Nous avons également parlé à des vendeurs de téléphones. Ils sont désireux d’installer notre logiciel pour leurs clients», déclare Mike Dawson.

«On ne se rend pas compte de la puissance des téléphones portables. Ils marchent comme des ordinateurs», s’enthousiasme le jeune Pdg, qui se voit à terme capable d’enseigner ainsi «l’anglais, l’arabe, la santé ou l’agriculture».

Pour le moment, seuls 100 étudiants, dont 65 femmes, «la principale cible du programme», selon son directeur Allah Baz Jam, utilisent «Ustad mobile». Une application qui, si elle était utilisée à plus grande échelle, pourrait fortement changer la condition des femmes, encore très précaire en Afghanistan.

AFP/VNA/CVN

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