Elle ne lâche pas ses patients

La femme médecin Vo Ngoc Anh Tho, figure exemplaire du dévouement du personnel médical vietnamien dans la lutte contre le COVID-19, a été sélectionnée par Forbes Vietnam pour entrer dans la liste des 20 femmes les plus inspirantes de 2021.

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La médecin Vo Ngoc Anh Tho, une des 20 femmes vietnamiennes inspirantes en 2021.
Photo : ForbesVN/CVN

Une femme médecin de petite taille, mais pleine de courage. Avec ses collègues, elle a traité les premiers patients du virus SARS-CoV-2 au Vietnam - un Chinois et son fils - en 2020. Elle a vécu ce combat féroce sur de nombreux "fronts" du Centre au Sud...

Elle s’appelle Vo Ngoc Anh Tho, et occupe le poste de chef adjointe du Département des maladies infectieuses de l’hôpital Cho Rây, à Hô Chi Minh-Ville.

La docteure ne se souvient plus du nombre de mains qu’elle a dû lâcher, du nombre d’yeux qu’elle a croisés dans les dernières minutes de vie de ses patients lors de cette période très difficile pour le pays tout entier.

Le douloureux souvenir 

En juillet 2021, l’hôpital Cho Rây était surchargé de patients atteints du COVID-19. Au moment le plus critique, sa salle d’urgence, d’une capacité d’une vingtaine de lits, devait recevoir 100 à 150 malades en situation grave et critique. Une longue file de patients était allongée sur le sol. Cris et appels à l’aide se succédaient dans le couloir…

En tant que principal centre spécialisé dans le traitement du COVID-19 de Hô Chi Minh-Ville, l’hôpital Cho Rây était alors vraiment débordé. En plus de porter des maladies sous-jacentes, la plupart des cas graves amenés aux urgences y arrivaient très tardivement, diminuant drastiquement leurs chances de survie.

Devant ce chaos, Anh Tho, qui avait rapidement été affectée au service des urgences avec un contingent de docteurs en différentes spécialités, avait le cœur serré. "Nous étions bien sûr déterminés à faire de notre mieux, mais nous ne pouvions malheureusement pas réaliser de miracles. La 4e vague a progressé de manière beaucoup plus compliquée que les précédentes. Si l’on pouvait contrôler des lésions pulmonaires des patients des vagues précédentes, cette fois-ci l’évolution des pneu-monies entraînait très rapidement une insuffisance respiratoire, au-delà des traitements. Parfois, pour des cas graves, nous étions démunis, sans aucun moyen d’agir".

Pour la médecin, cette situation était très inconfortable. "Pour un réanimateur, lâcher la main d’un patient est une sensation extrêmement douloureuse". Anh Tho raconte qu’elle est toujours obsédée par les visages et les derniers regards des personnes mortes pendant la 4e vague. "Pour de nombreux malades en situation grave, nous serrions leurs mains jusqu’à ce qu’ils arrêtent lentement de respirer. Ce fut un énorme traumatisme pour chaque personnel médical".

Tout signe de vie était un bonheur

Mais la joie pouvait surgir aussi dans le service, notamment lorsqu’un patient donné pour mort s’en sortait miraculeusement. La médecin se rappelle ainsi : "Le silence de la mort est quelque chose de terrible. C’est pour cela que les plaintes des malades pouvaient me remplir de joie, parce que c’était un signe de vie".

Anh Tho a également ressenti la douleur de ses collègues, quand ils faisaient tous leurs efforts pour sauver un patient mais que celui-ci décédait quand même. "La patience et l’amour de mes collègues m’ont donné une énergie que je n’aurais peut-être pas trouvé en moi seule. Cela m’a apporté la foi et le courage pour surmonter les moments les plus difficiles".

"Nous ne voulons pas être des héros"

Chaque jour, la docteure recevait aussi une centaine d’appels téléphoniques, demandant simplement de l’aide pour avoir une chance d’être hospitalisés à Cho Rây. "Ils accordaient une grande confiance à cet établissement médical de première ligne de la ville. Nombre d’entre eux pensaient que leur survie dépendait entièrement des soins prodigués dans notre hôpital".

Anh Tho (gauche) et ses collègues discutent des méthodes de traitement pour les patients du COVID-19, lors de la 4e vague épidémique en 2021.
Photo : CTV/CVN

Alors qu’elle y travaillait sans relâche, des membres de sa famille furent, eux aussi, infectés par le virus. La douleur était immense pour elle de ne pas pouvoir les aider. "Toute la famille de mon oncle, déjà âgé, fut infectée. Lorsque j’ai reçu un appel de ma cousine, je me suis sentie totalement impuissante. J’ai néanmoins essayé de demander de l’assistance à mes collègues travaillant dans un autre établissement hospitalier. Mais dans mon cœur, j’ai ressenti un pincement de culpabilité. Parce que je ne pouvais pas directement surveiller et prendre soin de mes proches lorsque ma famille avait le plus besoin de moi".

"Beaucoup de personnes disent que les agents sanitaires sont des héros, mais je ne le pense pas. Dans les circonstances les plus difficiles et les plus exigeantes, le personnel médical doit toujours être prêt à s’engager pour sauver des malades", partage la médecin originaire de la province de Bên Tre (Sud). Mettant de côté sa vie personnelle pour rester disponible auprès des patients du COVID-19, elle n’a pas eu l’opportunité de fêter le Têt traditionnel avec sa famille pendant deux années consécutives.

En plus de travailler à l’hôpital Cho Rây, Anh Tho était une des rares femmes membres des équipes d’intervention rapide dans la prévention et la lutte contre le COVID-19 présentes dans les foyers épidémiques tels que Bà Ria-Vung Tàu (Sud), Binh Thuân (Centre) et Gia Lai (hauts plateaux du Centre). "J’ai la chance de pouvoir compter sur l’aide de mes parents dans toutes les tâches ménagères et les soins de mes enfants. Ainsi, je peux me rendre disponible là où l’on a le plus besoin de moi".

Pour ses contributions inlassables, la femme médecin Vo Ngoc Anh Tho, aujourd’hui chef adjointe du Département des maladies tropicales de l’hôpital Cho Rây, s’est vu décerner un satisfecit du Premier ministre. En avril dernier, le magazine Forbes Vietnam l’a honorée comme l’une des 20 femmes vietnamiennes inspirantes en 2021.

Aujourd’hui, alors que l’épidémie est sous contrôle, Anh Tho "voit la lumière au bout du tunnel". Mais elle n’oubliera jamais l’image des médecins comme elle qui ne voulaient pas lâcher leurs patients, toujours à leurs côtés, dans les moments les plus difficiles. "C’est l’humanité dans le chaos", conclut-elle.


Câm Sa/CVN

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