Dopage : le labo français suspendu, plombé par une opération sur des bodybuilders

Coup dur pour l'antidopage français : à cause d'une contamination d'échantillons par des prélèvements sur des bodybuilders chargés en stéroïdes, le laboratoire de Châtenay-Malabry a été suspendu par l'Agence mondiale antidopage (AMA), un incident qui va reposer la question de ses moyens et de son niveau.

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L'entrée du Département des analyses de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), à Châtenay-Malabry.
Photo : AFP/VNA/CVN

Conséquence de cette suspension, entrée en vigueur dimanche 24 septembre et annoncée mardi 26 septembre par l'AMA, le seul laboratoire antidopage français, qui a traité environ 13.500 échantillons en 2016, ne pourra plus mener d'analyses tant que l'agence mondiale ne l'autorisera pas à nouveau.

Les activités de contrôle et de prélèvement de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) peuvent se poursuivre mais les échantillons seront analysés à l'étranger, dans l'un des autres labos accrédités par l'AMA.

Cette suspension est la conséquence d'un incident "exceptionnel", selon le secrétaire général de l'AFLD, Mathieu Teoran, survenu à la suite d'une opération de contrôles d'envergure menée au printemps dans l'univers du culturisme.

84 bodybuilders sont alors visés et la quasi totalité des prélèvements révèle la présence de substances dopantes, principalement des stéroïdes, "à des concentrations jamais vues auparavant, jusqu'à 200 fois supérieures à un contrôle positif classique", explique M. Teoran.

De quoi faire "une photographie préoccupante" du milieu, mais aussi et surtout, de quoi mettre à l'épreuve le matériel du labo. Car malgré les procédures de nettoyage habituelles, "un robot d'analyses a été contaminé" par des substances dopantes et a contaminé à son tour deux échantillons provenant d'autres contrôles, a expliqué le secrétaire général de l'AFLD, précisant que l'incident a été décelé fin août.

Premier test contre l'EPO

Selon l'AFLD, "les actions correctives appropriées ont été immédiatement prises et l'ensemble des échantillons potentiellement concernés ont fait l'objet de nouvelles analyses, qui n'ont révélé aucune autre anomalie". "Aucun sportif n'a été sanctionné à tort" du fait de l'incident, insiste l'agence française. "La suspension provisoire sera maintenue en attendant l'engagement de procédures disciplinaires par un comité disciplinaire indépendant", a indiqué de son côté l'AMA.

Une "sanction extrêmement lourde", "pour un incident tout à fait circonscrit, tout à fait conjoncturel", a déploré la nouvelle présidente de l'AFLD, Dominique Laurent en marge d'un colloque sur le dopage à Paris. Elle s'est dit "extrêmement peinée, choquée, attristée et préoccupée pour l'avenir du laboratoire".

Le ministère des Sports assure de son côté qu'il "sera attentif au bon déroulement des procédures de suivi décidées par l'AMA".

Des échantillons d'urine collectés pour analyse au laboratoire antidopage de Chatenay-Malabry
Photo : AFP/VNA/CVN

Il s'agit d'un coup dur pour l'antidopage français et d'un incident fâcheux, deux semaines seulement après la désignation de Paris comme ville hôte des JO-2024.

L'épisode remet en lumière les difficultés du laboratoire de Châtenay-Malabry, dans la banlieue sud de Paris, en pointe dans les années 1990 et 2000, avec notamment la mise au point du premier test contre l'EPO, en 2000.

Ses lettres de noblesse, le labo de Châtenay les avait également acquises en participant aux grandes batailles de l'antidopage contre les cyclistes Lance Armstrong ou Floyd Landis, qui ont fini par tomber de leur piédestal.

"Nécessaire modernisation"

Mais la mort de son directeur emblématique, Jacques de Ceaurriz, en 2010, a amorcé une période plus compliquée. Après le départ de sa successeure, Françoise Lasne, fin 2014, trois autres scientifiques se sont succédés à la tête du labo, dirigé depuis fin 2016 par le professeur Michel Audran, un spécialiste du dopage sanguin.

Ces turbulences n'ont pas empêché Châtenay d'être à l'origine de la première détection mondiale d'un stimulant de l'EPO en 2015, le FG-4592, puis d'un cas d'hormone de croissance sur une course cycliste en Guadeloupe en 2016.

Dans son rapport d'activités 2016, rendu public en juin, l'AFLD soulignait qu'"elle a dû faire face à une forte tâche dans un contexte budgétaire très contraint", avec une hausse de ses activités d'analyse provoquée notamment par l'arrivée d'échantillons de laboratoires eux-mêmes suspendus par l'AMA.

Cette hausse, "source de recettes", a "également mis en évidence des insuffisances en personnel, palliées par des recrutements temporaires, et la nécessité de poursuivre la modernisation et la rationalisation des matériels, des techniques et de l'organisation du laboratoire", poursuivait l'AFLD.

Mathieu Teoran réfute l'idée que l'incident soit dû à un problème de moyens. "Ce n'est pas parce qu'on manquerait de moyens, de personnel, ou que les locaux seraient vétustes que c'est arrivé", a-t-il déclaré.

Des rapports du Sénat ou de la Cour des comptes avaient déjà souligné ces dernières années un investissement insuffisant du labo dans la recherche, contrairement à ses homologues de Cologne ou de Lausanne, et un manque de synergies avec le milieu universitaire.

AFP/VNA/CVN

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