Âgé d'une cinquantaine d'années, le sous-colonel Nguyên Hông Phong habite une maison dans la rue Yên Lac, quartier de Vinh Tuy, arrondissement de Hai Bà Trung, à Hanoi. Rien d'exceptionnel à cela sauf que sa demeure est aussi son atelier de mécanique. Autant dire qu'il peut s'enorgueillir d'une très belle collection de petits canons qui fait d'ailleurs son immense fierté et surtout qui prouve son amour pour Hanoi.
Hanoi, un mot qui résonne toujours d'une manière particulière pour cet homme qui sert depuis 31 ans dans l'armée, dont 22 ans au service du Parti. Hanoi étant la ville qui l'a vu naître et grandir, est pour lui plus qu'une capitale. Elle est d'ailleurs "tellement sacrée dans mon cœur que je dois faire quelque chose pour cette ville millénaire". Cette idée le hante depuis toujours, d'autant plus que le Millénaire approche.
En fait, quelque 10 ans auparavant, en compagnie de ses confrères de l'Institut de technique militaire de l'armée de l'air, Nguyên Hông Phong avait fabriqué avec succès un ballon en forme de dragon, long d'une soixantaine de mètres. Cet aérostat avait plané dans le ciel de Hanoi lors de la soirée inaugurale de la cérémonie de célébration de son 990e anniversaire. À l'issue de cette soirée réussie, le musicien Trân Hoàn, ancien ministre de la Culture et de l'Information (actuel ministère de la Culture, du Sport et du Tourisme), lui avait dit : "Rendez-vous à la grande fête des 1.000 ans de Thang Long-Hanoi !".
Ils avaient convenu de se réunir à nouveau en 2010. Mais le musicien Trân Hoàn n'est plus, laissant Nguyên Hông Phong seul avec une promesse faite au feu ministre si lourde de signification qu'il a décidé de "faire quelque chose de plus important et significatif en l'honneur du Millénaire de la capitale". Alors, "que faire?", s'est-il demandé.
Le canon, symbole de l'autorité et de la puissance
Le soldat s'est tourmenté afin de trouver son futur cadeau pour la grande fête du Millénaire. Il a fouillé les bibliothèques à la recherche de quelque chose de très original. Et en lisant des annales historiques, il a appris que "l'un des ancêtres du canon est Vietnamien".
Phong a commencé à se documenter sur cette pièce d'artillerie. Et il a constaté le respect pour le canon de la part des grandes nations du monde. "Auparavant, le canon était utilisé comme arme de guerre. Actuellement, ses coups sont tirés à l'occasion des événements importants". Sur la base de ces données, Phong s'est mis à l'œuvre…
Mais ce n'était pas si facile, ni simple du tout. Le soldat s'est démené pour chercher les caractères spécifiques de la nation pour qu'il les incarne dans son œuvre d'art. Non seulement à Hanoi, mais aussi à Huê, Ðà Lat (Centre), Vung Tàu (Sud)…, il a étudié les motifs ornementaux des vestiges culturels et historiques du pays à travers différentes époques pour décorer son canon. "J'ai souhaité insuffler l'âme de la nation à mon œuvre, afin qu'elle ne ressemble à aucune autre", confie-t-il.
Mais le plus important est que Nguyên Hông Phong a voulu créer un produit qui à la fois manifeste une grande intégration à l'international et est empreint de quintessence de la culture vietnamienne. Comment introduire des traits caractéristiques, typiques de Thang Long-Hanoi dans ce produit pour qu'il ne soit pas trop étranger aux amis du monde entier, mais qu'il revête toujours un caractère original du Vietnam ? "Je veux que mon œuvre porte un haut caractère artistique, une signification historique et manifeste l'amour pour le pays et ses habitants", indique le sous-colonel.
Un canon esthétique ou une œuvre d'art originale
La création du soldat Nguyên Hông Phong est basée sur le prototype d'une veuglaire, baptisée "Écho du millénaire de Thang Long-Hanoi". Constituée de 3 parties principales : roues, affût et bouche à feu, cette œuvre retrace toute une longue période historique du pays.
Les roues sont gravées de motifs rappelant ceux du tambour en bronze. Il s'agit de rayons du soleil et de flamants volant, qui représentent la première période de la fondation du pays par les rois Hùng.
L'affût montre un couple de dragons en train de s'envoler, comme le rêve du roi Ly Thái Tô. À son accession au trône en 1010, il a ordonné le transfert de la capitale depuis Hoa Lu (à 120 km au Sud de Hanoi actuelle), ouvrant l'histoire millénaire de la ville. Selon la légende, à son arrivée à la citadelle de Ðai La, le roi aurait vu un dragon prendre son essor. Ðai La fut donc renommée Thang Long (le dragon prenant son envol).
La bouche à feu est celle d'un ancien canon, dont la queue prend la forme d'une flamme qui "allume un tournant important de l'histoire vietnamienne", déclare l'auteur. Elle est suivie du texte intégral en 214 caractères chinois de l'Ordonnance royale du transfert de la capitale écrite par le roi Ly Thái Tô. Au milieu de la pièce est gravé le Pavillon de la Pléiade (Khuê Van Các) issu du Temple de la Littérature, un symbole de Hanoi, la ville millénaire aux belles traditions culturelles. Vient ensuite un couple de dragons qui est en train de voler, sur le modèle de ceux de la dynastie Trân (du 13e au 15e siècles), qui "ont laissé une page historique brillante qui fait la fierté du peuple vietnamien", insiste Phong.
De plus, selon l'auteur, une fois dressée à la verticale, son oeuvre représente la tortue d'or qui offrit, il y a plus de 2.000 ans, au roi An Duong Vuong, du royaume de Âu Lac, une griffe miraculeuse servant de gâchette à son arbalète de guerre et à l'image de laquelle il a fait bâtir les remparts de sa citadelle. Cô Loa (ancienne cité de la Conque) doit son nom à la forme de ses remparts.
En particulier, le socle du canon prend la forme d'un livre ouvert, signifiant les connaissances. "Le canon + Écho du millénaire de Thang Long-Hanoi+ réunit en son sein 3 éléments : coeur, portée et esprit. Il s'agit des facteurs extrêmement importants dont tout le monde souhaite se doter pour réussir. Voilà c'est ce que je veux que mon oeuvre incarne", explique-t-il.
Hanoi prévoit une salve de canons pour son millénaire
À ce jour, la "collection" de produits "Écho du millénaire de Thang Long-Hanoi" du sous-colonel Nguyên Hông Phong compte quelque 200 petits canons de 2,4 à 3,5 kg et une centaine d'autres plus grands, d'environ 8 kg. Tous sont en laiton afin de "pouvoir durer avec le temps", confie-t-il. "Je désire offrir ce cadeau à l'avenir pour rappeler aux générations ultérieures les traditions héroïques de la capitale en particulier et du pays en général".
Malgré leur taille modeste, d'après le soldat, ces pièces d'artillerie sont en état de marche. "Nous les avons expérimentées au champ de tir de Son Tây et la totalité marchent", affirme-t-il. Et de faire savoir que ses produits ont été certifiés en juin 2009 par le Service des droits d'auteur du ministère de la Culture, du Sport et du Tourisme.
Après ces succès, Phong rêve d'une belle entreprise pour Hanoi, beaucoup plus ambitieuse cette fois-ci : fabriquer avec ses confrères de l'Institut de technique militaire de l'armée de l'air de grands canons de plusieurs dizaines de tonnes destinés à tirer une salve lors de la cérémonie d'inauguration du Millénaire de la capitale en octobre prochain. Si les autorités municipales acceptent, l'occasion sera trop bonne pour Nguyên Hông Phong de matérialiser ses idées et son aspiration de contribuer, ainsi que de prouver son amour éternel pour la ville millénaire, riche d'identités culturelles et de traditions historiques. Comme Hanoi est le coeur du pays, la capitale est aussi dans le coeur du soldat, qui palpite au rythme de la ville...
Nguyên Hông Nga/CVN