Des chausseurs pour lépreux

La lèpre est une maladie contagieuse provoquant des infirmités sévères. L’atelier de Quy Hoa, province de Binh Dinh (Centre), est chargé de confectionner des chaussures spéciales pour les pieds déformés ou amputés, et ce à titre gracieux.

Dans l’atelier de chaussures pour lépreux de Quy Hoà.
Photo : TH/CVN

C’est un atelier de chaussures introuvable ailleurs qu’au Vietnam. Il est situé derrière l’Hôpital de léprologie-dermatologie de Quy Hoa, province de Binh Dinh (Centre). En activité depuis 16 ans, il fabrique des chaussures spécialement conçues pour les lépreux.

Les chausseurs de Quy Hoà, six au total, ont une triple mission : chercher des «clients», fabriquer des chaussures et les leur faire porter. «À la différence d’autres ateliers de chaussures où les clients viennent passer commande, le notre a pour tâche d’aller à leur recherche et de leur offrir une paire fabriquée sur mesure», confie Lê Viêt Duc, un ancien de l’atelier.

Services désintéressés et gratuits

Parfois lésés et victimes de discrimination, les lépreux quittent souvent leur village natal pour s’exiler en groupe dans des endroits isolés, coupant tout contact avec le monde voire avec leur famille. Généralement, les «hameaux des lépreux» sont enfouis dans des forêts, et leurs habitants y mènent une vie précaire, sans avenir. Les lésions cutanées sur leurs mains et leurs pieds se développent de jour en jour jusqu’à ne laisser que des moignons purulents.

«Le port de chaussures normales leur est douloureux, pour ne pas dire qu’elles font empirer leurs blessures», explique Lê Viêt Duc. Selon lui, les chaussures de l’atelier Quy Hoà permettent aux malades non seulement de se déplacer plus facilement mais aussi de traiter leurs blessures. «Nos chaussures sont fabriquées de telle façon qu’elles diminuent les lésions cutanées et évitent de nouvelles plaies», éclaire-t-il.

Pour fabriquer une paire de chaussures convenables, il faut prendre les mensurations des deux pieds et concevoir deux «modèles» différents.

Pour fabriquer une paire de chaussures convenables, il faut d’abord prendre les mensurations des deux pieds, ensuite concevoir deux «modèles» différents. «Ces chaussures sont en cuir ou en moleskine», explique Nguyên Van Tâm, chef du groupe, en plein travail de retouche d’une paire dont une à la forme d’une orange. «Celles-ci appartient à un lépreux de Phu Yên. Il ne se tient que sur un seul pied, l’autre a été amputé», confie-t-il.

Selon lui, fabriquer une paire prend au moins un jour entier. Chaque fabricant doit en produire 24 par mois.


Un atelier pour les lépreux

L’atelier de chaussures pour lépreux de Quy Hoà, province de Binh Dinh, a été créé et mis en service en 1997, sous le patronage de Handicap International. L’Union de secours aux lépreux des Pays-Bas se charge de fournir les matières premières. Avec un petit effectif de six chausseurs payés par l’Hôpital de léprologie-dermatologie de Quy Hoa, il produit chaque année des milliers de paires, destinées aux «victimes du bacille de Hansen» de 11 provinces et villes du Centre et du Tây Nguyên (hauts plateaux du Centre).

Aussitôt finie, Tâm s’apprête à «livrer à domicile» la paire à son propriétaire. «Toute la chaîne de fabrication doit être achevée en un temps record, car le bacille de Hansen ne cesse de ronger les membres du malade».

Chose impressionnante : les services rendus par l’atelier de Quy Hoà aux lépreux sont tous gratuits.

Rechercher et persuader les lépreux

Si la technique de fabrication de ces chaussures spéciales est très compliquée, la recherche des «clients» l’est tout autant. Il faut d’abord se rendre dans «les hameaux des lépreux», avec tous les risques que cela comporte. Les fabricants de Quy Hoà doivent suivre, à moto ou à vélo, des sentiers improbables. «Nous nous sommes parfois égarés et avons été obligés de passer la nuit dehors», raconte Nguyên Van Quê. Il se souvient qu’une fois, des villageois du Tây Nguyên se sont «enfuis» lorsqu’il leur a demandé de lui indiquer le chemin vers le coin des lépreux. «Ils ont pensé que j’était aussi malade», explique Quê.

Mais, le plus difficile reste de contacter les lépreux et de les persuader d’accepter que le chausseur prenne les mensurations de leurs pieds. D’habitude, ils refusent ce cadeau qu’ils jugent étrange.

Selon Bùi Van My, qui a neuf ans d’ancienneté, «dans le souci de se fondre dans la foule, les lépreux enroulent souvent leurs membres amputés dans une étoffe avant de glisser le tout dans des chaussures normales, sans savoir que ces dernières peuvent aggraver leurs plaies».

«Persuader est difficile, mais on n’y arrive avec un contact franc et sincère. À la fin, c’est un plaisir pour nous de les voir porter ces chaussures que nous avons fabriquées avec le cœur», a conclu Bùi Van My.


Maladie de Hansen

La lèpre, ou maladie de Hansen, est une maladie infectieuse chronique due à Myctobacterium leprae (une bactérie proche de l’agent responsable de la tuberculose identifiée par le Norvégien Gerhard Armauer Hansen en 1873) touchant les nerfs périphériques, la peau et les muqueuses, et provoquant des infirmités sévères. Elle est endémique dans certains pays tropicaux (en particulier d’Asie). La lèpre fut longtemps incurable et très mutilante, entraînant en 1909, à la demande de la Société de pathologie exotique «l’exclusion systématique des lépreux» et leur regroupement dans des léproseries comme mesure essentielle de prophylaxie. Aujourd’hui traitable par les antibiotiques, des efforts de santé publique sont faits pour le traitement des malades, l’équipement en prothèse des sujets guéris et la prévention.

Nghia Dàn/CVN

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