De la cuisine à la finance à l’école hôtelière de Lausanne

Clémentine coupe des parts de gâteaux en cuisine mais demain elle dirigera un palace ou travaillera dans une banque. L’École hôtelière de Lausanne forme toujours l’élite de l’hôtellerie mondiale, mais elle leur apprend aussi à parler finance.

 

Préparation des desserts à l’école hôtelière de Lausanne.


«Le secteur s’est fortement financiarisé»,
explique Fabien Fresnel, le doyen de cette école ultra-moderne située sur les hauteurs de Lausanne.
«Avant, poursuit-il, l’hôtelier était propriétaire des murs. Aujourd’hui, on a d’un côté un opérateur, de l’autre des investisseurs, des gérants d’actifs, etc. Du coup, les nouveaux managers d’hôtels doivent savoir parler finance, traquer les dépenses superflues pour plaire aux actionnaires».
L’école hôtelière de Lausanne (EHL), la première jamais créée (en 1893) dans un pays réputé pour sa culture de l’hospitalité, n’a plus le même visage, même si la vocation reste la même : former les grands dirigeants de l’hôtellerie et des métiers de l’accueil, «le Saint-Cyr» du secteur, selon l’expression de Christopher Norton, patron du palace parisien le George V faisant référence à la prestigieuse école militaire française.
Une nouvelle stratégie a été mise en place cette année à l’EHL pour qu’elle «reste la meilleure école au monde» et en faire aussi à terme «un laboratoire d’idées, une institution reconnue pour la recherche», selon Fabien Fresnel.
L’enseignement s’appuie sur deux pôles : le professionnel et l’académique.
Autrement dit apprendre à la fois à tailler les légumes et à savoir auditer un hôtel. «En 36 ans de métier, il y a peu de postes que je n’ai pas occupés», s’amuse M. Norton.
Depuis la rentrée, les étudiants en année préparatoire ont un programme plus chargé, cuisine, lingerie, service à table... mais aussi cours d’anthropologie de la cuisine, de géopolitique hôtelière et touristique, etc.
«Ils peuvent passer de la cuisine avec un meilleur ouvrier de France à un amphi où le cours est dispensé par un professeur de Yale», poursuit le doyen. L’EHL a revu ses programmes pour «passer d’une école à vocation professionnelle à une dimension universitaire», dit-il.
Quatre-vingt-dix nationalités s’y croisent
«On n’est pas les seuls au monde», dit M. Fresnel, citant Cornell aux États-Unis, dont il est lui-même issu, ou Hong Kong Polytechnic. L’enjeu : placer ses étudiants dans les grands hôtels qui voient le jour en Chine ou en Inde.
L’école accueille 1.800 étudiants actuellement à l’issue d’une sélection sévère. Quatre-vingt-dix nationalités s’y croisent. À table au déjeuner, on y parle français, anglais, chinois ou italien. Les frais de scolarité sont élevés : quelque 178.000 francs suisses sur quatre ans (147.000 euros), assorti d’un système de bourses. Eddy, 22 ans, Suisse d’origine turque, impeccable en costume cravate, sait ce qu’il veut : «trouver le concept de l’hôtel de demain». Son meilleur ami, lui, «travaille dans une banque genevoise».
«Il est fondamental d’avoir les meilleurs professeurs, le meilleur cursus, une marque puissante, le meilleur réseau d’anciens et du travail pour tous à la sortie», dit encore M. Fresnel dont l’école organise des journées de recrutement sur le campus.
Les entreprises de l’hôtellerie recherchent ces élèves formés «à l’école de la rigueur». Mais ils sont aussi recrutés par les secteurs du luxe ou des banques, non pas pour les transformer en traders, mais pour leurs talents relationnels, qui feront merveille avec leur clientèle.

 

Un cours de service des vins à l’école hôtelière de Lausanne.


Passés par une «grande école» très sélective qui favorise les activités extrascolaires (activités communautaires, ouvertures d’écoles hôtelières dans les pays en développement...), ils sont «très forts en gestion mais aussi à l’aise en toutes circonstances», explique encore le doyen. Les étudiants de leur côté sont tentés aussi de choisir d’autres voies que l’hôtellerie pour gagner plus, plus vite.
Le chef français étoilé Stéphane Raimbault est venu visiter l’école à l’occasion du congrès annuel des grandes tables du monde, avec ses deux enfants, tous deux ex-EHL.
Stéphanie, 22 ans, vient d’intégrer la chaîne d’hôtels de luxe Four Seasons. Charles, 25 ans, travaille dans un tout autre secteur, pour le géant américain de l’hygiène Procter&Gamble. Quand il reviendra dans l’hôtellerie, le réseau des anciens sera à ses côtés.

AFP/VNA/CVN

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