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Un passant passe devant la Banque d'Angleterre dans un quartier déserté suite à la crise sanitaire, à Londres le 6 août. |
D'ordinaire arpentés par des cadres affairés, la City, centre historique de la finance britannique, reste désespérément vide en ce début d'août, à peine animée par les quelques touristes qui déambulent autour de la cathédrale Saint Paul.
Même impression à Canary Wharf, quartier à l'Est de Londres, connu pour ses grattes-ciels abritant des sièges de grandes banques et autres cabinets d'audit.
Pourtant depuis le 1er août, le gouvernement incite à nouveau les Anglais à reprendre les transports en commun et à retourner sur leur lieu de travail. Il revient désormais aux entreprises de prendre leur responsabilité et pour un grand nombre d'entre elles, le choix est déjà fait.
"Beaucoup de nos clients, surtout dans la finance et l'assurance, ne reviendront pas avant l'année prochaine", explique Pablo Shah du centre de recherche économique CEBR, qualifiant Londres de "ville fantôme".
Pendant le confinement imposé pour freiner l'épidémie de nouveau coronavirus, les entreprises ont eu massivement recours au télétravail avec succès. Les salariés sont devenus familiers des réunions par visioconférence et se sont passés bien volontiers des longs et pénibles trajets quotidiens pour rejoindre le travail.
Selon London First, association qui défend les intérêts de la ville de Londres, les transports en commun et la garde des enfants restent les principaux freins à un retour au bureau qui devrait toutefois s'intensifier en septembre.
Seuls 34% des cadres au Royaume-Uni, 31% pour Londres, sont revenus au travail, selon une étude de la banque américaine Morgan Stanley publiée cette semaine.
Le pays, qui compte le plus grand nombre de décès en Europe du nouveau coronavirus, est très à la traîne par rapport aux autres pays européens, où une majorité de cols blancs sont de retour dans les bureaux.
Plusieurs professionnels des ressources humains s'inquiétaient même récemment des tensions au sein des entreprises.
Katie Jacobs, de l'institut économique Chartered Institute of Personnel and Development (CIPD), évoque dans le quotidien The Telegraph, un environnement de travail "fracturé" et même du "ressentiment" envers ceux qui restent à la maison.
Changement de ton
Certains commencent à s'inquiéter de la situation. "Maintenant qu'on a nos repas, revenons au travail !", s'exclamait en une cette semaine le Daily Mail, en référence à la prise en charge du gouvernement d'une partie de la note dans les restaurants.
Un certain retour à la normale dans les centres d'affaires de Londres n'est plus attendu avant 2021.
De grandes entreprises comme la banque Natwest ont recommandé à la majorité de leurs salariés de continuer à travailler à distance jusqu'à l'année prochaine. Google, dont la construction du monumental siège a repris à côté de la gare King's Cross, encourage même le télétravail jusqu'à juillet 2021.
De rares employés de bureaux sont assis à l'extérieur d'un immeuble dans les rues désertées de la City à Londres, pendant l'épidémie de coronavirus le 6 août. |
Un changement de ton est toutefois perceptible à l'image de James Staley, le patron de la banque Barclays.
Visiblement chagriné que "60.000 personnes travaillent sur leur table de cuisine", il souhaite désormais que les gens soient de retour, expliquant même avoir "une responsabilité envers des lieux comme Canary Wharf, Manchester, Glasgow".
Le président du conseil d'administration du géant de l'audit PwC, Kevin Ellis, espère que la moitié de ses salariés seront de retour d'ici le mois prochain. Mais il indique au Sunday Times que le "présentéisme est terminé pour toujours", estimant que trois ou quatre jours au bureau seront préférables.
Pour le gouvernement, revenir au travail c'est avant tout aider la machine économique à se relancer. "Il faut que les gens aient confiance de revenir au travail", a estimé le Premier ministre Boris Johnson jeudi.
Les dégâts sont déjà énormes pour les commerces. La chaîne de restauration rapide Prêt A Manger, très présente dans la City, a déjà annoncé la fermeture de nombreux sites, avec 1.000 emplois menacés.
Le CEBR a estimé le manque à gagner à 178 millions de livres par mois pour la capitale.
Selon M. Shah, c'est même l'attractivité de Londres, connue pour séduire des jeunes talents du monde entier, qui est en jeu.
"Si les entreprises ont peur, si les travailleurs ne reviennent pas, si les gens ne voient pas Londres comme un endroit où vivre et qui attire des nouvelles entreprises, l'effet économique pourrait être démultiplié", prévient-il.