En été, certains curieux peuvent attendre jusqu’à 4 heures pour faire partie des 1.400 personnes à descendre 130 marches et arpenter les 1,7 km de galeries souterraines du musée situé à plus de 20 m sous terre, bien plus bas que le métro...
À l’entrée du site de Denfert-Rochereau (sud de Paris), un panneau avertit en trois langues : «La visite de l’ossuaire est de nature à impressionner les personnes sensibles et les enfants». Il faut dire que 800 m du parcours sont une promenade entre des murs entiers d’ossements.
L’inscription glaçante qui accueille les visiteurs des Catacombes. |
Les corps proviennent essentiellement des cimetières parisiens qui «débordaient» à la fin du XVIIIe siècle. «On disait que le vin tournait et que le lait caillait», rappelle Sylvie Robin, conservatrice du lieu. Les connaissances médicales étaient embryonnaires mais les autorités avaient compris que la décomposition des cadavres n’était pas bonne pour la santé publique : ils décidèrent de déplacer les corps vers les 800 hectares des carrières souterraines, exploitées pendant plusieurs siècles mais abandonnées pour éviter des affaissements de terrain dans la capitale.
Le chiffre de six millions de corps a été avancé, mais ce chiffre a «été sorti d’un chapeau», précise la conservatrice qui souligne que des équipes travaillent pour tenter de donner une estimation s’appuyant sur des études scientifiques.
À partir de 1810, les services de l’inspection générale des Carrières aménagèrent ces innombrables ossements en des murs (hagues) décoratifs composés de tibias et de crânes derrières lesquels on entassa en «vrac» des millions d’ossements divers.
On parsema en même temps les galeries de tableaux avec des citations aspirant à l’humilité : «Pensez le matin que vous n’irez peut-être pas jusqu’au soir, et au soir que vous n’irez peut-être pas jusqu’au matin».
«Tous ces tibias empilés de manière décorative interrogent... c’est une vision d’égalité devant la mort qui est assez philosophique», note Valérie Guillaume, la directrice du musée.
«C’est mystérieux, excitant, étrange. On ne trouve rien d’égale ailleurs», sourit Antonina Bodak, une touriste bélarusse qui, pour son premier jour d’un séjour de 5 jours à Paris, est montée à la Tour Eiffel avant de plonger dans les Catacombes. «J’ai toujours eu envie de voir ce lieu», assure la jeune femme, employée d’une société de production.
Vampires, tueurs en série et agents secrets
Mur d’ossements dans les Catacombes de Paris. |
Les Catacombes alimentent les fantasmes depuis des lustres. «Le terme de +Catacombes+ - emprunté aux Catacombes romaines - prête à confusion», explique Mme Robin car il désigne l’ensemble de 800 hectares de carrières qui ne sont pas, contrairement à la croyance communément répandue, un immense cimetière.
La conservatrice rappelle que ce véritable dédale permettait jadis d’entrer et sortir de Paris sans passer par les barrières d’octroi (péages à l’entrée de la capitale) et était utilisé par des contrebandiers ou bandits en tous genres pour échapper aux autorités.
Afin d’éviter d’être dérangés par des importuns, ceux-ci distillaient des histoires horribles d’enlèvements, accréditant la présence du diable ou de monstres indescriptibles...
Aujourd’hui, dans la droite ligne de ces fables, le réseau continue de faire naître des légendes urbaines où il est question de réunions maçonniques, de messes noires, de meetings nazis, de bagarres entre bandes organisées, de tueurs en série ou d’agents secrets venant enterrer des cadavres encombrants... Il est certes interdit de pénétrer dans les Catacombes sous peine d’une modique amende (40 euros environ) mais de nombreux «cataphiles» continuent d’explorer ce réseau pour y organiser des fêtes, des jeux de piste ou simplement par goût du souterrain accessible depuis des puits connus de quelques débrouillards.
C’est donc loin d’être un hasard si de nombreux écrivains, tels Gaston Leroux ou Victor Hugo par le passé ou contemporains comme Anne Rice se sont inspirés de l’aura du lieu pour leurs héros humains ou vampires...
Le cinéma y puise aussi son inspiration. La chanteuse Pink a joué dans un «Catacombs» en 2007 et cette année «Catacombes» (As above, so below) de John Erick Dowdle a pointé dans le Top 10 du box-office américain. Le frisson est toujours là.
AFP/VNA/CVN