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Manifestation d'avocats contre la réforme des retraites, à Paris le 3 février. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Pierre Pamard a prêté serment en 2003 et, lundi 3 février il est venu pour la première fois manifester en robe noire au côté des nombreuses autres qui ont défilé dans les rues de Paris. "Cela fait des semaines qu'on fait une grève totale à Avignon et les choses ne bougent pas", a-t-il décrit en suivant le cortège. "Quelle profession accepterait de donner 15% de taxation en plus sur ses revenus ? Ce n'est pas envisageable".
Les avocats représentaient le gros d'un cortège parti de la Bastille et comptant également des infirmiers, orthophonistes ou encore stewarts... manifestant à l'appel du collectif SOS Retraites. Depuis le 6 janvier, les avocats mènent une grève "dure", multipliant les demandes de renvoi d'audience et les actions plus symboliques à travers la France.
Compiègne, Saint-Étienne, Limoges, Quimper.... dans un vacarme presque ininterrompu de sifflets, de cornes de brume et de clameurs, les banderoles de chaque barreau mobilisé ont été brandies par les manifestants, dont beaucoup portaient un rabat rouge synonyme de grève. Au-dessus de la foule, des pancartes clamaient "Destockage massif jusqu'à épuisement de la profession", "Pour un droit à la retraite, pas un retrait du droit". Un squelette revêtu d'une robe d'avocat se balançait au bout d'une perche avec sur le torse les mots "Macron m'a tué".
Cette réforme, "c'est la mort des petits cabinets, qui font l'aide juridictionnelle, qui font de la défense pénale, qui défendent les plus démunis", a résumé Sandra Zemmour, avocate à Paris. Le projet prévoit notamment de doubler les cotisations retraite (de 14% à 28%) pour les avocats gagnant moins de 40.000 euros par an, alors que les pensions, actuellement au minimum de 1.400 euros net, passeraient à 1.000 euros.
"J'ai l'impression qu'on se moque de nous parce qu'on nous prend pour des nantis", a déploré Maud Roger, 26 ans, avocate à Dinan. Pour elle, la réforme représenterait une hausse de cotisations correspondant à 2 mois de salaire par an. Soit une "baisse du niveau de vie, qui n'est déjà pas très élevé..."
"Survie"
"Non seulement on ne coûte rien à la collectivité, mais on participe au régime général qui, lui, est parfois déficitaire. Et malgré ça, on vient aujourd'hui nous tondre le poil sur le dos !", s'est insurgé Eric Devaux, avocat à Béthune (Nord).
Manifestation contre la réforme des retraites à Paris, le 3 février. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Après un mois de grève, "on a l'impression d'un dialogue de sourds en béton armé. Ca ne bouge pas, rien. C'est comme si on était en face d'un blockaus avec la porte verrouillée", a-t-il ajouté. Dans le cortège, les mots "colère" et "mépris" étaient sur beaucoup de lèvres. "Nous sommes affligés de voir que le gouvernement ne nous comprend pas, ne nous soutient pas et ne prend pas en compte une des plus vieilles et plus belles professions au monde", a déploré Me Pierre-Olivier Sur.
Avocat d'Isabelle Balkany, il a rejoint le cortège en cours de route, après avoir demandé et obtenu le renvoi, pour cause de grève, du procès en appel du couple de Levallois-Perret. Les avocats "sont déterminés, ils sont fatigués, ils sont énervés", a résumé Christiane Feral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux (CNB), institution représentative de la profession. "Ils sont dans une situation de survie".
Une rencontre avec le Premier ministre Edouard Philippe, prévue dimanche 2 février, a été reportée à mardi 4 février : la profession attend des "propositions", a répété Mme Feral-Schuhl. Mais "cela pourrait avoir du sens, et personne n'en voudrait au gouvernement, de poser la plume pour réfléchir", a-t-elle souligné. "On aimerait bien que le gouvernement comprenne que cette mobilisation est historique", a renchéri Olivier Cousi, bâtonnier de Paris. "C'est vraiment l'accès à la justice qui est en jeu. C'est l'humanité de la justice qui est en jeu".
AFP/VNA/CVN