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Le président turc Recep Tayyip Erdogan lors du Congrès de son Parti, le 18 août à Ankara. |
Depuis plusieurs mois déjà, bien avant que les États-Unis ne commencent début août à imposer des sanctions contre Ankara, précipitant la chute de la livre, les économistes mettent en garde contre un risque de surchauffe de l'économie turque. Mais lorsque la livre turque s'est écroulée il y a deux semaines, M. Erdogan a promptement dénoncé un "complot" visant à mettre la Turquie "à genoux".
La semaine dernière, il a même évoqué une tentative de "coup d'État économique", en écho au putsch manqué en juillet 2016. "Si M. Erdogan ne souhaitait pas que la crise avec les États-Unis en arrive là, il va pourtant s'en servir", souligne Soner Cagaptay, chercheur au Washington Institute of Near East Policy. "Il peut désormais exclusivement associer la crise économique en Turquie, qui est le résultat de ses politiques, aux sanctions américaines", ajoute-t-il.
La devise turque a perdu près de 40% de sa valeur depuis le début de l'année, et près de 20% au cours du seul dernier mois. Sa chute s'explique notamment par la préoccupation des marchés devant les politiques économiques menées par Ankara et la mainmise croissante de M. Erdogan sur l'économie.
À l'annonce le 10 août du doublement des tarifs douaniers sur l'acier et l'aluminium américains pour la Turquie, la livre a chuté de 17% face au dollar en une journée, avant de se rétablir en partie la semaine dernière. Pour une source diplomatique européenne qui a requis l'anonymat, cette "folle réaction", s'explique par toutes les faiblesses structurelles de l'économie turque et la défiance générale des marchés à son égard.
Dollars brûlés
En "minimisant" la responsabilité du gouvernement, le discours de M. Erdogan vise à "consolider le soutien populaire en temps de crise économique", décrypte Sinan Ülgen, président du Center for Economics and Foreign Policy (Edam).
Et la rhétorique du chef de l'État trouve un écho certain dans un pays où le sentiment anti-américain est fort: selon un sondage du Center for American Progress publié en début d'année, seuls 10% des Turcs avaient une image favorable des États-Unis. Ce sentiment s'est renforcé depuis 2016 en raison de plusieurs désaccords entre Ankara et Washington, et en particulier à cause du refus américain d'extrader le prédicateur Fethullah Gülen, désigné par M. Erdogan comme le cerveau du putsch manqué.
Le fait que M. Gülen, qui réfute toute implication dans le putsch avorté, réside aux États-Unis a conduit de nombreux Turcs, même au sein de l'État, à insinuer que Washington était impliqué dans la tentative de putsch. Des vidéos largement partagées sur les réseaux sociaux depuis plusieurs jours montrent des Turcs en train de brûler des dollars ou de briser à la hache des iPhones après un appel de M. Erdogan à boycotter les produits électroniques américains.
AFP/VNA/CVN