La Française Bahia Bakari, aujourd'hui de 25 ans, est la seule survivante du crash de l'avion de la Yemenia Airways au large des Comores en 2009. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Dans la nuit du 29 au 30 juin 2009, alors qu'il s'apprêtait à atterrir à l'aéroport de Moroni, la capitale des Comores, le vol Yemenia 626 s'est abîmé dans l'océan Indien en emportant 141 passagers, dont 65 Français, et 11 membres d'équipage.
Seule une enfant de 12 ans, la Française Bahia Bakari, a survécu en restant agrippée toute la nuit à un débris de l'avion, avant d'être secourue par un bateau le lendemain.
Les investigations menées sur les boîtes noires, retrouvées fin août 2009 au fond de l'océan, ont permis de conclure que l'accident était dû à une série d'erreurs de pilotage.
Si la Yemenia a "respecté la réglementation", elle a en revanche commis "deux imprudences en lien certain avec l'accident", a déclaré la présidente Sylvie Daunis en prononçant la décision.
Le tribunal a souligné que la compagnie avait maintenu les vols de nuit en période estivale, où la météo était susceptible d'imposer une manœuvre d'atterrissage délicate et ce, dans un contexte où certains feux de l'aéroport ne fonctionnaient pas.
La juridiction a en outre relevé "l'affectation du copilote sur ce vol, malgré ses fragilités professionnelles" et alors que son rôle était particulièrement important au moment de l'approche nocturne sur Moroni.
La "sécurité aérienne suppose de raisonnablement anticiper une situation réelle, critique voir dangereuse pour l'avion et ses occupants et non d'espérer que, par chance, il n'y aura pas d'accident et d'aviser ultérieurement s'il s'en produit un", a tancé la présidente, pointant la "culture de la sécurité et de la responsabilité défaillante" de la compagnie.
"Dignité"
"La Yemenia va interjeter appel dans la mesure où elle conteste totalement toute responsabilité", a réagi Me Léon-Lef Forster, citant "tous les dysfonctionnements extérieurs à la Yemenia, à savoir les problèmes de tour de contrôle, l'absence de lumière sur l'aéroport, l'absence de transmission de la météo".
Le vol Yemenia 626 s’était abîmé dans l’océan Indien. |
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Comme lors du procès, qui s'est déroulé du 9 mai au 2 juin, aucun responsable de la compagnie n'était présent, à cause de la guerre qui ravage le Yémen selon la défense.
Des dizaines de proches des victimes sont venus écouter avec émotion la décision, rendue plus de treize ans après les faits.
La seule rescapée du drame, Bahia Bakari, qui a perdu sa mère dans le crash, a fait part de son "soulagement d'entendre la justice et de se dire que la compagnie est coupable".
"Pour nous, aujourd'hui, c'est un grand jour parce que c'est l'aboutissement d'un combat de plus d'une décennie, de 13 ans", a réagi Saïd Assoumani, président de l'association des familles des victimes (AFVCA), depuis Marseille où vivaient de nombreux passagers décédés. "Ce combat, on l'a mené pour nous les vivants, pour notre dignité, mais aussi pour la dignité de nos morts".
Les proches ont néanmoins regretté un probable deuxième procès. "Mais si aujourd'hui ils veulent encore faire appel, c'est qu'ils veulent que chaque année la douleur reste toujours dans nos cœurs. C'est pas normal", a lâché l'un d'eux, Souighiri Soulé, présent au tribunal à Paris.
Un million en frais d'avocats
La compagnie a en outre été condamnée à verser avec exécution provisoire, c'est-à-dire immédiatement, un million d'euros au titre des honoraires d'avocats et 50.000 euros pour les frais d'accompagnement à l'AFVCA.
La Fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs s'est, elle, vu octroyer 30.000 euros au total.
Des proches de défunts comoriens s'étaient constitués parties civiles à ce procès, mais le tribunal a souligné qu'il n'était compétent que pour les victimes de nationalité française.
"La douleur n'a pas de nationalité", a insisté la présidente, ajoutant que ces personnes étaient "sans contestation possible victimes" mais pas "partie civile".
Pour d'autres familles françaises, le tribunal a rappelé qu'il ne pouvait statuer que sur les frais d'avocats, renvoyant ce sujet à une audience ultérieure.
Depuis l'accident, la plupart des ayant-droits ont engagé des procédures d'indemnisation parallèles à la procédure pénale. Un tiers d'entre eux n'ont pas encore été définitivement indemnisés, selon l'AFVCA.
AFP/VNA/CVN