>>À Bassora, pour changer de l'or noir, on compte sur le ballon rond
Des Irakiens manifestent devant le bâtiment incendié du gouvernorat de Bassora, le 7 septembre 2018. Photo: AFP/VNA/CVN |
Samedi soir 8 septembre, pour la première fois depuis le 4 septembre, le couvre-feu annoncé dans la ville pétrolière du Sud, a été respecté. Des militaires et policiers d'élite, postés à des barrages ou en patrouille, quadrillaient la ville, où les manifestants étaient absents, selon un correspondant de l'AFP.
Les défilés émaillés de violences qui ont fait 12 morts en cinq jours et vu l'incendie de nombreuses institutions à Bassora, dont le consulat iranien, ont mis le Premier ministre sortant sur la sellette.
S'il pouvait jusqu'ici prétendre à rester à son poste grâce à un accord avec la liste de Moqtada Sadr, (La Marche pour les réformes), les députés de cette dernière ont coupé court.
Ils ont jugé "peu convaincantes" ses explications samedi devant le Parlement sur un plan de sortie de crise et réclamé sa démission pour avoir "échoué" à trouver une solution pour Bassora, où des milliers de manifestants dénonçaient l'incurie politique face au marasme social.
"Même longueur d'ondes"
Des manifestants le 7 septembre 2018 devant le siège du gouvernorat de la province de Bassora incendié lors des protestations. |
Photo: AFP/VNA/CVN |
Peu après, la liste rivale, l'Alliance de la Conquête qui rassemble d'anciens combattants antijihadistes, s'est dite "sur la même longueur d'onde que la Marche pour les réformes pour former un nouveau gouvernement".
Après une nuit marquée à Bassora par la mort de trois manifestants, l'incendie du consulat du très influent voisin iranien, puis le tir de quatre roquettes sur l'aéroport, M. Abadi s'est présenté devant le Parlement avec plusieurs de ses ministres.
Il y a appelé à faire la distinction entre "la dimension politique" du mouvement à Bassora et "la question des services publics".
Depuis début juillet, les Irakiens qui pâtissent depuis des années de pénuries d'eau et d'électricité réclament à l'État d'enfin assurer leur approvisionnement, d'autant que les recettes pétrolières atteignent des records (7,7 milliards de dollars en août).
Signe des tensions entre Bagdad et la région côtière de Bassora, M. Abadi et le gouverneur Asaad Al-Eidani, pourtant son co-listier aux législatives, se sont longuement invectivés. M. Eidani a ainsi accusé M. Abadi de ne pas saisir l'ampleur de la crise tandis le Premier ministre a reproché au gouverneur de ne pas être resté à Bassora.
Crise sociale et sanitaire
Depuis le début des troubles en juillet, 27 personnes sont mortes dans le sud de l'Irak, dont 12 manifestants uniquement à Bassora cette semaine. Critiqués par les défenseurs des droits de l'Homme pour leur action lors des manifestations à Bassora, les ministres chargés des forces de l'ordre ont assuré au Parlement avoir procédé à un grand ménage parmi leurs troupes.
Des manifestants transportent un cerceuil symbolique marqué du nom Bassora pour protester contre l'incurie des politiques et l'état déplorable des services publics dans leur région, le 7 septembre 2018. Photo: AFP/VNA/CVN |
Avant la réunion au Parlement, le gouvernement avait annoncé avoir de nouveau débloqué des fonds alors que les manifestants affirment n'avoir jamais vu arriver les premiers milliards de dollars d'urgence annoncés il y a deux mois.
Depuis début juillet, Bassora est l'épicentre d'un mouvement contre la corruption, endémique en Irak, le chômage et la déliquescence des services publics dans un pays riche en pétrole qui se targue d'avoir terminé la guerre contre les jihadistes du groupe État islamique (EI).
Exacerbée cette année par une sécheresse qui a réduit la production agricole à peau de chagrin, le mouvement avait semblé s'essouffler durant l'été. Il est reparti de plus belle mardi alors qu'une crise sanitaire sans précédent a éclaté à Bassora où plus de 30.000 personnes ont dû être hospitalisées en raison de l'utilisation d'eau polluée.
Incendies
Cette semaine, les troubles, désormais limités à la seule province de Bassora, ont franchi un nouveau cap. Un à un, les manifestants ont brûlé tous les symboles du pouvoir qu'ils accusent de corruption et de négligence volontaire.
Après le siège du gouvernorat, ils s'en sont pris aux partis et groupes armés, puissants dans ce bastion chiite frontalier de l'Iran, puis au consulat iranien.
L'Iran a dénoncé un complot destiné à "détruire les relations d'amitié". Les deux pays, à majorité chiite, sont très liés économiquement et politiquement.
"Les forces chargées de protéger les institutions et le consulat" font l'objet d'une enquête, selon les autorités.
AFP/VNA/CVN