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Une crique du Cap Roux, à Saint-Raphaël, le 24 novembre dans le Sud-Est de la France. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
Des roches ocre plongent dans l'eau turquoise de Méditerranée sous un ciel d'hiver bleu immaculé. Le Cap Roux, à Saint-Raphaël (Var), une pointe du massif de l'Esterel, reste sauvage malgré sa proximité avec la baie de Cannes.
Plus de 80 espèces marines évoluent ici, attirées par des herbiers de posidonie - sorte de forêt sous-marine -, des plateaux de roche et de coralligène, un "rocher vivant" formé d'algues et de corail, qui constituent des lieux privilégiés pour se nourrir et se reproduire.
Depuis 2004, sur 450 hectares, la pêche sous toutes ses formes, professionnelle ou non, est formellement interdite, une décision radicale prise à la demande des pêcheurs eux-mêmes pour "préserver la ressource".
"Les pêcheurs se faisaient du souci pour l'avenir et ont dit +on va geler un endroit pour servir de nurserie pour repeupler alentour+", témoigne Christian Decugis, premier prud'homme de pêche de Saint-Raphaël, à quelques jours de la COP15 des Nations unies sur la biodiversité qui se tiendra à Montréal du 7 au 19 décembre.
La zone d'interdiction, au coeur d'un site protégé au niveau européen par le label Natura 2000, a été choisie pour son éloignement des ports et, surtout, car c'est "un endroit naturellement riche, parce que faire une réserve dans un endroit déjà pourri ça sert à rien du tout", insiste M. Decugis.
"On a beaucoup plus de poissons, plus gros, des espèces en abondance", dans la zone protégée mais aussi aux alentours, poursuit-il, ce que confirment des études scientifiques et expérimentales. L'"effet réserve" est bien vérifié pour les mérous et les corbs par exemple, et profite particulièrement aux rascasses et aux daurades.
Penser au lendemain
En 2017, une étude de l'Association pour la pêche et les activités maritimes a montré que le revenu par pêche est "significativement plus élevé dans la zone à proximité du cantonnement - partie où la pêche est interdite -, que dans des zones plus distantes".
Christian Decugis, pêcheur et premier prud'homme de pêche de Saint-Raphaël, devant son bateau, le 24 novembre à Saint-Raphaël, dans le Sud-Est de la France. |
Photo : AFP/VNA/CVN |
"En termes d'image, une profession qui se prend en main, qui pense à son lendemain, c'est très porteur pour les pêcheurs", souvent décriés et montrés du doigt, relève M. Decugis. Seule ombre au tableau : le cantonnement, "c'est un coffre-fort à ciel ouvert", qui souffre du braconnage, déplore-t-il.
Co-animatrice du site Natura 2000 pour l'agglomération Estérel Côte d'Azur, Julia Toscano participe à des sorties en mer pour surveiller le cantonnement de mai à septembre, et appelle police municipale ou gendarmerie quand elle constate une infraction. À travers un projet porté par l'Office français pour la biodiversité, l'association du cantonnement de pêche espère obtenir bientôt des caméras "qui nous permettraient de surveiller cette fréquentation et les gens venus pêcher ou chasser, etc.".
Dans la plupart des cas, insiste toutefois Mme Toscano, les prélèvements illégaux sont dus à la "méconnaissance" d'amateurs "partis faire de la pêche de loisirs mais, en étant dans une zone réglementée, ça s'apparente à du braconnage". Pour lutter contre cette ignorance, Julia Toscano mise surtout sur la sensibilisation, l'affichage, le dialogue.
Une grosse partie des actions du cantonnement - sur lesquelles plusieurs structures se chevauchent, dont la mairie de Saint-Raphaël, l'association de pêcheurs, ou encore l'agglomération -, porte d'ailleurs sur le balisage sur terre et en mer. Car la pression touristique s'est accrue sur le site depuis 2019, et notamment la fréquentation des bateaux de plaisance de plus de 24 m.
Bancs de poissons et récifs colorés attirent aussi de nombreux plongeurs, une activité qui génère 500.000 euros de chiffre d'affaires annuel pour les clubs de plongée, relève Fabien Rozec, responsable de l'Observatoire marin pour l'agglomération. Grâce à des fonds européens, le cantonnement de pêche a été équipé de bouées écologiques permettant aux clubs de plongée de ne plus jeter l'ancre. L'objectif, toujours : préserver la biodiversité tout en conservant la manne économique.
"Au fil des ans", assure M. Rozec, les plaisanciers adoptent un comportement plus responsable, par exemple, "en privilégiant l'ancrage sur des poches de sable plutôt que dans l'herbier de posidonie." L'expérience du Cap Roux, "c'est un peu ce que veut faire la France avec ses Zones de protection forte (ZPF) où justement il y aura vraiment des aires marines protégées, pas comme aujourd'hui des aires marines de papier sans aucune restriction ou presque", conclut M. Decugis.
AFP/VNA/CVN