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La Cour permanente d'arbitrage de La Haye. |
Selon la CPA, les revendications chinoises sur ses «droits historiques» sur les zones maritimes délimitées par la «ligne des neuf traits» sont contraires à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982. La Chine n’a aucune base historique sur cette zone maritime ni de base légale établissant ses déclarations de «droits historiques» sur les ressources de la zone que la Chine appelle la «ligne des neuf traits».
L'Agence Vietnamienne d'Information tient à vous présenter ci-dessous le communiqué de presse de la CPA sur cette décision, dans son intégralité :
Arbitrage relatif à la Mer de Chine méridionale (La République des Philippines C. La République populảie de Chine)
La Haye, le 12 juillet 2016
Le Tribunal rend sa Sentence
Aujourd’hui, le Tribunal constitué conformément à l’Annexe VII de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (la «Convention») dans le cadre de l’arbitrage introduit par la République des Philippines contre la République populaire de Chine, a rendu une Sentence unanime.
Cet arbitrage a porté sur le rôle des droits historiques et la source des droits maritimes dans la Mer de Chine méridionale, le statut de certains éléments maritimes en mer de Chine méridionale et les droits maritimes qu’ils peuvent générer. Il a également porté sur la légalité de certaines actions menées par la Chine en mer de Chine méridionale que les Philippines estiment être en violation de la Convention. Compte tenu des limites quant au règlement obligatoire des différends en vertu de la Convention, le Tribunal a souligné qu’il ne statuerait pas sur des questions de souveraineté sur le territoire terrestre et qu’il ne déterminerait pas de frontière maritime entre les Parties.
La Chine a déclaré à plusieurs reprises qu’elle «n’accepte pas l’arbitrage introduit unilatéralement par les Philippines et n’y participe pas». Toutefois, l’Annexe VII de la Convention énonce que «[l]’absence d’une partie ou le fait pour une partie de ne pas faire valoir ses moyens ne fait pas obstacle au déroulement de la procédure». L’Annexe VII prévoit également que, lorsqu’une partie ne participe pas à la procédure, un tribunal «doit s’assurer non seulement qu’il a compétence pour connaître du différend, mais que la demande est fondée en fait et en droit». Ainsi, tout au long de la procédure, le Tribunal a pris des dispositions afin de déterminer l’exactitude des requêtes des Philippines, y compris en leur demandant de soumettre des conclusions supplémentaires, en adressant des questions aux Philippines à la fois avant et pendant deux audiences, en nommant des experts indépendants en vue de faire rapport au Tribunal sur des questions techniques, en obtenant des preuves historiques concernant des éléments en mer de Chine méridionale et en les soumettant aux Parties pour commentaire.
En outre, la Chine, par la publication en décembre 2014 d’une Note de position et par d’autres déclarations officielles, a exprimé clairement sa position selon laquelle le Tribunal n’est pas compétent pour connaître de l’affaire. L’article 288 de la Convention prévoit qu’«[e]n cas de contestation sur le point de savoir si une cour ou un tribunal est compétent, la cour ou le tribunal décide». Ainsi, en juillet 2015, le Tribunal a convoqué une audience sur la compétence et la recevabilité, et a rendu une Sentence sur la compétence et la recevabilité le 29 octobre 2015, dans laquelle il se prononce sur certaines questions de compétence et réserve d’autres questions non tranchées pour examen ultérieur. Le Tribunal a ensuite convoqué une audience sur le fond du 24 au 30 novembre 2015.
La Sentence, datée d’aujourd’hui (12 juillet 2016), porte sur les questions de compétence non tranchées dans la Sentence sur la compétence et la recevabilité, ainsi que sur le fond des requêtes des Philippines relevant de la compétence du Tribunal. Conformément à l’article 296 de la Convention et à l’article 11 de l’Annexe VII, la Sentence est définitive et a force obligatoire.
Droits historiques et «ligne en neuf traits» : Le Tribunal conclut qu’il est compétent pour connaître du différend opposant les Parties concernant les droits historiques et la source des droits maritimes dans la mer de Chine méridionale. Sur le fond, le Tribunal conclut que la Convention accorde des droits à des zones maritimes de manière générale et que la protection des droits préexistants sur des ressources a été considérée, mais elle n’a pas été adoptée dans la Convention. Par conséquent, le Tribunal estime que, dans la mesure où la Chine avait des droits historiques sur des ressources dans les eaux de la mer de Chine méridionale, ces droits ont été éteints étant donné qu’ils étaient incompatibles avec les zones économiques exclusives prévues par la Convention. Le Tribunal note également que, bien que les navigateurs et pêcheurs chinois, ainsi que ceux d’autres États, ont, historiquement, fait usage des îles de la mer de Chine méridionale, il n’existe aucune preuve que la Chine a, historiquement, exercé un contrôle exclusif sur les eaux et leurs ressources. Le Tribunal juge qu’il n’y a aucun fondement juridique pour que la Chine revendique des droits historiques sur des ressources dans les zones maritimes à l’intérieur de la «ligne en neuf traits».
Statut des éléments : Le Tribunal examine ensuite les droits à des zones maritimes et le statut de certains éléments maritimes. Tout d’abord, le Tribunal procède à une évaluation afin de déterminer si certains récifs revendiqués par la Chine sont découverts à marée haute. Les éléments qui sont découverts à marée haute génèrent un droit à une mer territoriale d’au moins 12 milles marins, contrairement aux éléments recouverts à marée haute. Le Tribunal constate que les récifs ont été modifiés de manière considérable par les activités de réclamation de terre et de construction, rappelle que la Convention catégorise les éléments en fonction de leur état naturel, et s’appuie sur des documents historiques afin d’évaluer les éléments. Le Tribunal étudie ensuite la question de savoir si les éléments revendiqués par la Chine peuvent générer des zones maritimes au-delà des 12 milles marins. En vertu de la Convention, une île génère une zone économique exclusive de 200 milles marins et un plateau continental, mais les «rochers qui ne se prêtent pas à l’habitation humaine ou à une vie économique propre, n’ont pas de zone économique exclusive ni de plateau continental». Le Tribunal considère que cette disposition dépend de la capacité objective d’un élément, dans son état naturel, à soutenir soit une communauté stable de personnes soit une activité économique qui ne dépend pas des ressources extérieures ou qui n’est pas de nature uniquement extractive. Le Tribunal note que la présence actuelle de personnel officiel sur de nombreux éléments dépend d’un soutien extérieur et ne reflète pas la capacité des éléments. Le Tribunal estime que les éléments de preuve historiques sont plus pertinents et constate que les îles Spratly ont été utilisées historiquement par des petits groupes de pêcheurs et que plusieurs entreprises japonaises ont tenté d’y exercer des activités de pêche et d’extraction minière du guano. Le Tribunal conclut que cette utilisation temporaire ne constitue pas l’habitation par une communauté stable et que toutes les activités économiques historiques ont été extractives. Ainsi, le Tribunal estime qu’aucune des îles Spratly n’est capable de générer une zone maritime étendue. Le Tribunal soutient également que les îles Spratly ne peuvent pas générer de zones maritimes collectivement, en tant qu’élément. Ayant constaté qu’aucun des éléments revendiqués par la Chine n’était capable de générer une zone économique exclusive, le Tribunal juge qu’il peut, sans délimiter de frontière, déclarer que certaines zones maritimes sont comprises dans la zone économique exclusive des Philippines, parce que ces zones ne sont chevauchées par aucun droit de la Chine.
Légalité des actions menées par la Chine : Le Tribunal examine ensuite la légalité des actions menées par la Chine en mer de Chine méridionale. Ayant conclu que certaines zones sont dans la zone économique exclusive des Philippines, le Tribunal estime que la Chine a violé les droits souverains des Philippines dans sa zone économique exclusive a) en entravant les activités liées à la pêche et l’exploration pétrolière menées par les Philippines, b) en construisant des îles artificielles et c) en n’empêchant pas les pêcheurs chinois de pêcher dans la zone. Le Tribunal considère également que les pêcheurs des Philippines (au même titre que les pêcheurs de la Chine) possèdent des droits de pêche traditionnels à proximité du récif de Scarborough et que la Chine a porté atteinte à ces droits en y limitant l’accès. Le Tribunal conclut, en outre, que les navires de la force publique chinoise ont commis des actes illicites et ont provoqué des risques sérieux d’abordage lorsqu’ils ont bloqué physiquement les navires philippins.
Dommage causé au milieu marin : Le Tribunal examine les effets sur le milieu marin causés par les activités de réclamation de terre à grande échelle et de construction d’îles artificielles menées par la Chine sur sept éléments des îles Spratly. Il conclut que la Chine a causé des dommages graves aux récifs coralliens et a manqué à ses obligations de préserver et protéger les écosystèmes délicats ainsi que l’habitat des espèces en régression, menacées ou en voie d’extinction. Le Tribunal conclut également que les autorités chinoises 3 étaient au courant du fait que les pêcheurs chinois exploitaient, à grande échelle, des tortues de mer, des coraux et des palourdes géantes menacés d’extinction dans la mer de Chine méridionale (en utilisant des méthodes causant des dommages importants à l’environnement des récifs coralliens) et qu’elles ont manqué aux obligations qui leur incombent de mettre fin à ces activités.
Aggravation du différend : Enfin, le Tribunal étudie la question de savoir si les actions menées par la Chine depuis le commencement du présent arbitrage ont aggravé le différend entre les Parties. Le Tribunal estime qu’il n’est pas compétent pour examiner les conséquences d’une confrontation entre la Marine philippine et les navires de la force publique chinoise à proximité du Récif de Second Thomas, soutenant que ce différend implique des activités militaires et, par conséquent, est exclu du règlement obligatoire. Toutefois, le Tribunal juge que les activités de réclamation de terre à grande échelle et de construction d’îles artificielles sont incompatibles avec les obligations incombant à un État dans le cadre d’une procédure de règlement de différends, dans la mesure où la Chine a infligé des dommages irréversibles au milieu marin, a construit une grande île artificielle dans la zone économique exclusive des Philippines, et a détruit des preuves relatives à l’état naturel de certains éléments en mer de Chine méridionale qui faisaient partie du différend opposant les Parties.
Un résumé détaillé des décisions du Tribunal figure ci-dessous.
Le Tribunal a été constitué le 21 juin 2013 conformément à la procédure prévue à l’Annexe VII de la Convention en vue de statuer sur le différend introduit par les Philippines. Les membres du Tribunal dans cette affaire sont : M. le juge Thomas A. Mensah du Ghana, M. le juge Jean-Pierre Cot de France, M. le juge Stanislaw Pawlak de Pologne, M. le professeur Alfred Soons des Pays-Bas et M. le juge Rüdiger Wolfrum d’Allemagne. M. le juge Thomas A. Mensah est le Président du Tribunal. La Cour permanente d’arbitrage fait fonction de greffe dans cette procédure.
Des informations supplémentaires au sujet de l’affaire sont disponibles à l’adresse suivante : https://www.pcacases.com/web/view/7, y compris la Sentence sur la compétence et la recevabilité, le Règlement de procédure, les communiqués de presse précédents, les transcriptions et les photographies des audiences. Les Ordonnances de procédure, les conclusions des Philippines et les rapports des experts nommés par le Tribunal seront mis à disposition prochainement, ainsi que des traductions chinoises non officielles des Sentences du Tribunal
Informations sur la Cour permanente d’arbitrage
La Cour permanente d’arbitrage («CPA») est une organisation intergouvernementale créée par la Convention pour le règlement pacifique des conflits internationaux de La Haye de 1899. Elle compte actuellement 121 États membres. Siégeant au Palais de la Paix à La Haye, aux Pays-Bas, la CPA facilite l’arbitrage, la conciliation, les enquêtes pour l’établissement des faits et autres procédures de règlement des différends entre diverses combinaisons d’États, d’organes de l’État, d’organisations intergouvernementales et de parties privées. Le Bureau international de la CPA administre actuellement 8 différends inter-étatiques, 73 arbitrages entre investisseurs et États et 34 affaires sur le fondement de contrats impliquant un État ou autre entité publique. La CPA a administré 12 affaires introduites en vertu de l’Annexe VII de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.
En juillet 2013, le Tribunal dans l’arbitrage relatif à la Mer de Chine méridionale a nommé la CPA pour faire fonction de greffe dans le cadre de la procédure. Le Règlement de procédure du Tribunal prévoit que la CPA conserve les archives de la procédure arbitrale et fournit des services de greffe appropriés conformément aux instructions du Tribunal arbitral. Ces services comprennent l’assistance dans l’identification et la nomination d’experts, la publication d’informations relatives à l’arbitrage, la diffusion de communiqués de presse, l’organisation d’audiences au Palais de la Paix à La Haye et la gestion financière de l’affaire, comprenant la conservation des sommes consignées par les Parties afin de couvrir les dépenses encourues dans le cadre de l’arbitrage, telles que les honoraires des arbitres, des experts, des sténotypistes et les frais relatifs à l’assistance technique etc. Le greffe sert également de voie de communication entre les Parties, le Tribunal et les États observateurs.
Resume des decisions du tribunal relativé à sa compếtnce et au fond des requetes des Philippines
1. Contexte de l’arbitrage
L’Arbitrage relatif à la mer de Chine méridionale entre les Philippines et la Chine porte sur la requête introduite par les Philippines concernant quatre questions sur la relation entre les Philippines et la Chine dans la mer de Chine méridionale. Premièrement, les Philippines ont souhaité qu’une décision soit rendue sur la source des droits et obligations des Parties dans la mer de Chine méridionale et les effets de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (la «Convention») sur la revendication des «droits historiques» de la Chine à l’intérieur de sa soi-disant «ligne en neuf traits». Deuxièmement, les Philippines ont demandé au Tribunal de statuer sur la question de savoir si certains éléments maritimes, revendiqués à la fois par la Chine et par les Philippines, sont, aux termes de la Convention, qualifiés à juste titre d’îles, de rochers, de hautsfonds découvrants ou de bancs submergés. Le statut de ces éléments en vertu de la Convention peut déterminer les zones maritimes qu’ils peuvent générer. Troisièmement, les Philippines ont demandé qu’il soit décidé si certaines activités chinoises dans la mer de Chine méridionale ont été menées en violation de la Convention, en portant atteinte à l’exercice des droits souverains et libertés des Philippines en vertu de la Convention ou par ses opérations d’aménagement ou ses pratiques de pêche qui ont endommagé le milieu marin. Enfin, les Philippines ont demandé au Tribunal de statuer que certaines actions menées par la Chine, notamment ses activités de réclamation de terre à grande échelle et de construction d’îles artificielles aux îles Spratly depuis le commencement du présent arbitrage, ont illégalement aggravé et étendu le différend opposant les Parties.
Le gouvernement chinois a adopté la position selon laquelle il rejette l’arbitrage et n’y participe pas. Il a réitéré sa position dans des notes diplomatiques, dans la «Note de position du gouvernement de la République populaire de Chine sur la question de compétence dans l’arbitrage relatif à la mer de Chine méridionale initié par la République des Philippines» du 7 décembre 2014 (la «Note de position de la Chine»), dans des lettres de l’Ambassadeur de Chine auprès du Royaume des Pays-Bas adressées aux membres du Tribunal arbitral, et dans de nombreuses déclarations publiques. Le Gouvernement chinois a également souligné que ces déclarations et documents «ne doivent en aucun cas être considérés comme la participation de la Chine à la procédure arbitrale».
Deux dispositions de la Convention abordent le cas d’une partie contestant la compétence d’un tribunal et s’abstenant de participer à la procédure :
(a) L’article 288 de la Convention énonce qu’ «[e]n cas de contestation sur le point de savoir si une cour ou un tribunal est compétent, la cour ou le tribunal décide».
(b) L’article 9 de l’Annexe VII de la Convention dispose :
Lorsqu’une des parties au différend ne se présente pas ou ne fait pas valoir ses moyens, l’autre partie peut demander au tribunal de poursuivre la procédure et de rendre sa sentence. L’absence d’une partie ou le fait pour une partie de ne pas faire valoir ses moyens ne fait pas obstacle au déroulement de la procédure. Avant de rendre sa sentence, le tribunal arbitral doit s’assurer non seulement qu’il a compétence pour connaître du différend, mais que la demande est fondée en fait et en droit.
Tout au long de la procédure, le Tribunal a pris un certain nombre de mesures afin de s’acquitter de son obligation de s’assurer qu’il a compétence pour connaître de la requête des Philippines et que celle-ci est «fondée en fait et en droit». S’agissant de la compétence, le Tribunal a décidé de considérer les communications informelles de la Chine comme soulevant une exception d’incompétence du Tribunal, a convoqué une audience sur la compétence et la recevabilité du 7 au 13 juillet 2015, a posé, à la fois avant et pendant l’audience, des questions aux Philippines relatives à la compétence, y compris des questions éventuelles non soulevées dans les communications informelles de la Chine, et a rendu une Sentence sur la compétence et la recevabilité le 29 octobre 2015 (la «Sentence sur la compétence»). Dans celle-ci, le Tribunal se prononce sur certaines questions de compétence et réserve d’autres questions non tranchées pour examen ultérieur en conjonction avec le fond de la requête des Philippines. S’agissant du fond, le Tribunal a pris des dispositions pour déterminer l’exactitude des requêtes des Philippines en leur demandant de 6 soumettre des conclusions supplémentaires, en convoquant une audience sur le fond du 24 au 30 novembre 2015, en posant des questions aux Philippines relatives à leurs requêtes à la fois avant et pendant deux audiences, en nommant des experts indépendants en vue de faire rapport au Tribunal sur des questions techniques, en se procurant des archives historiques et des données de relevés hydrographiques concernant la mer de Chine méridionale des archives du United Kingdom Hydrographic Office, de la Bibliothèque nationale de France et des Archives Nationales d’Outre-Mer, en soumettant celles-ci, ainsi que d’autres documents pertinents du domaine public, aux Parties aux fins de commentaires.
2. Les positions des parties
Les Philippines ont présenté 15 conclusions dans le cadre de cette procédure, priant le Tribunal de statuer que :
1) Les droits maritimes de la Chine dans la Mer de Chine méridionale, tout comme ceux des Philippines, ne peuvent outrepasser ceux prévus par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ;
2) Les droits souverains et de juridiction, et les «droits historiques» revendiqués par la Chine concernant les zones maritimes dans la Mer de Chine méridionale comprises dans la soi-disant «ligne en neuf traits», sont contraires à la Convention et sans effet juridique, dans la mesure où ils dépassent les limites géographiques et substantielles des droits marins de la Chine en vertu de la CNUDM ;
3) Le Récif de Scarborough ne génère pas un droit à une zone économique exclusive ou à un plateau continental ;
4) Le Récif de Mischief, le Récif de Second Thomas et le Récif de Subi sont des hauts-fonds découvrants qui ne génèrent pas de droit à une mer territoriale, à une zone économique exclusive ou à un plateau continental, et ne sont pas des éléments pouvant être appropriés par occupation ou autrement ;
5) Le Récif de Mischief et le Récif de Second Thomas font partie de la zone exclusive et du plateau continental des Philippines ;
6) Le Récif de Gaven et le Récif de McKennan (y compris le Récif de Hughes) sont des hauts-fonds découvrants qui ne génèrent pas de droit à une mer territoriale, à une zone économique exclusive ou à un plateau continental, mais leur laisse de basse mer peut être prise comme ligne de base pour mesurer la largeur des mers territoriales de Namyit et de Sin Cowe, respectivement ;
7) Le Récif de Johnson, le Récif de Cuarteron et le Récif de Fiery Cross ne génèrent aucun droit à une zone économique exclusive ou à un plateau continental ;
8) La Chine a porté atteinte à la jouissance et à l’exercice des droit souverains des Philippines sur les ressources biologiques et non biologiques de sa zone économique exclusive et de son plateau continental ;
9) La Chine n’a pas empêché ses ressortissants et navires d’exploiter les ressources biologiques dans la zone économique exclusive des Philippines ;
10) La Chine a empêché les pêcheurs philippins d’assurer leurs moyens de subsistance en interférant avec les activités de pêche traditionnelles dans le Récif de Scarborough ;
11) La Chine a violé ses obligations, lui incombant en vertu de la Convention, de protéger et préserver le milieu marin du Récif de Scarborough, du Récif de Second Thomas, du Récif de Cuarteron, du Récif de Fiery Cross, du Récif de Gaven, du Récif de Johnson, du Récif de Hughes et du Récif de Subi ;
12) L’occupation et les opérations d’aménagement sur le Récif de Mischief par la Chine :
a) violent les dispositions de la Convention relatives aux îles artificielles, aux installations et aux ouvrages ;
b) violent les obligations de la Chine en matière de protection et de préservation du milieu marin au titre de la Convention ; et
c) constituent des actes illégaux de tentatives d’appropriation en violation de la Convention ;
13) La Chine a manqué à ses obligations, qui lui incombent en vertu de la Convention, en opérant ses navires de la force publique de façon dangereuse, provoquant des risques sérieux d’abordage pour les navires philippins navigant à proximité du Récif de Scarborough ;
14) Depuis le commencement du présent arbitrage en janvier 2013, la Chine a illégalement aggravé et 7 étendu le différend notamment en :
a) entravant l’exercice du droit de navigation des Philippines dans les eaux du, et adjacentes au, Récif de Second Thomas ;
b) empêchant la relève et le réapprovisionnement du personnel philippin stationné sur le Récif de Second Thomas;
c) mettant en péril la santé et le bien-être du personnel philippin stationné sur le Récif de Second Thomas; et
d) menant des activités de dragage, de construction d’îles artificielles et de construction sur le Récif de Mischief, le Récif de Cuarteron, le Récif de Fiery Cross, le Récif de Gaven, le Récif de Johnson, le Récif de Hughes et le Récif de Subi; et
15) La Chine doit respecter les droits et libertés des Philippines prévues par la Convention, doit se conformer à ses obligations en vertu de la Convention, y compris celles concernant la protection et la préservation du milieu marin en mer de Chine méridionale, et doit exercer ses droits et libertés dans la mer de Chine méridionale compte dûment tenu de ceux des Philippines en vertu de la Convention.
S’agissant de la compétence, les Philippines ont demandé au Tribunal de déclarer que leur demande «relève entièrement de sa compétence et est parfaitement recevable».
La Chine rejette l’arbitrage et n’y participe pas mais indique sa position selon laquelle le Tribunal «n’a pas compétence pour connaître de l’affaire». Dans sa Note de position, la Chine a invoqué les arguments suivants :
- L’essence de l’objet de l’arbitrage étant la souveraineté territoriale sur certains éléments maritimes dans la mer de Chine méridionale, elle dépasse la portée de la Convention et ne concerne pas l’interprétation ou l’application de la Convention;
- La Chine et les Philippines ont convenu, à travers des instruments bilatéraux et la Déclaration sur la conduite des parties dans la mer de Chine méridionale, de régler leurs différends par voie de négociation. En initiant unilatéralement le présent arbitrage, les Philippines ont manqué à leur obligation au regard du droit international;
- Même en supposant, pour les besoins du débat, que l’objet du différend porte sur l’interprétation ou l’application de la Convention, il comporterait une partie intégrante de délimitation maritime entre les deux pays, relevant ainsi du champ d’application de la déclaration déposée par la Chine en 2006 conformément à la Convention, laquelle exclut, entre autres, les différends portant sur la délimitation maritime de l’arbitrage obligatoire et des autres procédures de règlement des différends obligatoires.
Bien que la Chine n’ait pas fait de déclaration publique équivalente quant au fond de la plupart des requêtes des Philippines, le Tribunal, tout au long de la procédure, s’est attaché à établir la position de la Chine sur la base de ses déclarations publiques et de sa correspondance diplomatique contemporaines.
3. Les décisions du Tribunal sur l’étendue de sa compétence
Le Tribunal a abordé la question de sa compétence pour connaître des demandes des Philippines à la fois dans sa Sentence sur la compétence, dans la mesure où les questions de compétence pouvaient être déterminées sur une base préliminaire, et dans sa Sentence du 12 juillet 2016, dans la mesure où les questions de compétence sont étroitement liées avec le fond des requêtes des Philippines. En outre, la Sentence du Tribunal du 12 juillet 2016 comprend et réaffirme les décisions relatives à la compétence prises dans la Sentence sur la compétence. Aux fins d’exhaustivité, les décisions du Tribunal relatives à la compétence des deux Sentences sont résumées ensemble ci-dessous.
a. Questions préliminaires
Dans sa Sentence sur la compétence, le Tribunal a examiné un certain nombre de questions préliminaires relatives à sa compétence. Le Tribunal a noté qu’aussi bien les Philippines que la Chine sont parties à la Convention et que celle-ci ne permet pas à un État de s’exclure de manière générale du mécanisme de 8 règlement des différends de la Convention. Le Tribunal a soutenu que la non-participation de la Chine n’entraînait pas l’incompétence de celui-ci et qu’il avait été dûment constitué conformément aux dispositions de l’Annexe VII de la Convention, laquelle comprend une procédure pour la constitution d’un tribunal même en l’absence d’une partie. Enfin, le Tribunal a rejeté un argument avancé dans la Note de position de la Chine et a soutenu que l’initiation unilatérale d’un arbitrage ne peut constituer un manquement aux dispositions de la Convention.
b. Existence d’un différend portant sur l’interprétation et l’application de la Convention
Dans sa Sentence sur la compétence, le Tribunal a examiné la question de savoir si le différend entre les Parties concernait l’interprétation ou l’application de la Convention; une exigence pour recourir aux mécanismes de règlement des différends de la Convention.
Le Tribunal a rejeté l’exception avancée dans la Note de position de la Chine selon laquelle le différend entre les Parties porte sur la souveraineté territoriale et, par conséquent, ne concerne pas la Convention. Le Tribunal a constaté qu’il existe un différend opposant les Parties concernant la souveraineté sur des îles de la mer de Chine méridionale, mais a considéré que les questions soumises à l’arbitrage par les Philippines ne portent pas sur la souveraineté. Le Tribunal a estimé qu’il ne devait pas se prononcer implicitement sur la souveraineté pour aborder les conclusions des Philippines et, ce faisant, cela ne ferait pas avancer les prétentions des Parties concernant la souveraineté sur certaines des îles en mer de Chine méridionale.
Le Tribunal a également rejeté l’exception soulevée dans la Note de position de la Chine selon laquelle le différend entre les Parties concerne la délimitation d’une frontière maritime et, de ce fait, est exclu du règlement des différends en vertu de l’article 298 de la Convention et de la déclaration déposée par la Chine le 25 août 2006 conformément à cet article. Le Tribunal a indiqué qu’un différend portant sur la question de savoir si un État a le droit à une zone maritime est distincte de la délimitation de zones maritimes dans un secteur dans lequel elles se chevauchent. Le Tribunal a fait observer que ces droits, ainsi qu’un large éventail d’autres questions, sont généralement considérés dans le cadre d’une délimitation de frontière maritime, mais qu’ils peuvent aussi être soulevés dans d’autres contextes. Selon le Tribunal, il ne s’ensuit pas qu’un différend sur chacune de ces questions soit nécessairement un différend portant sur une délimitation de frontière.
Enfin, le Tribunal a estimé que chacune des conclusions des Philippines faisait apparaître un différend portant sur la Convention. Ce faisant, le Tribunal a souligné a) qu’un différend concernant l’interaction entre la Convention et d’autres droits (y compris les « droits historiques ») constitue un différend portant sur la Convention et b) que là où la Chine n’a pas clairement exposé sa position, l’existence d’un différend peut être déduite de la conduite d’un État ou de son silence, et est une question devant être déterminée objectivement.
c. Implication de tierces parties indispensables
Dans sa Sentence sur la compétence, le Tribunal s’est penché sur la question de savoir si l’absence d’autres États au présent arbitrage ayant des revendications sur les îles dans la mer de Chine méridionale, constitue un obstacle à la compétence du Tribunal. Le Tribunal a fait remarquer que les droits d’autres États ne «[constituaient] pas le sujet même de la décision», et que l’implication d’une tierce partie n’était pas indispensable. Le Tribunal a rappelé également qu’en décembre 2014, le Viet Nam avait présenté une déclaration à l’attention du Tribunal, dans laquelle il affirmait qu’il n’avait «aucun doute que le Tribunal était compétent dans la présente procédure». Le Tribunal a noté en outre que le Vietnam, la Malaisie et l’Indonésie ont assisté à l’audience sur la compétence en qualité d’observateurs, sans qu’un État ait avancé que sa participation était indispensable.
Dans sa Sentence du 12 juillet 2016, le Tribunal indique avoir reçu une note de la part de la Malaisie le 23 juin 2016, laquelle reprenait ses prétentions sur la Mer de Chine méridionale. Le Tribunal compare ses décisions sur le fond des requêtes des Philippines avec les droits revendiqués par la Malaisie et réaffirme sa décision selon laquelle la Malaisie n’est pas une partie indispensable à la procédure et que les intérêts de celle-ci en Mer de Chine méridionale n’empêchent par le Tribunal d’aborder les conclusions des Philippines.
d. Conditions préalables à la compétence
Dans sa Sentence sur la compétence, le Tribunal a examiné dans quelle mesure les articles 281 et 282 de la Convention sont applicables, lesquels peuvent empêcher un État d’appliquer les mécanismes prévus par la Convention si les parties ont déjà convenu d’un autre moyen de règlement des différends.
Le Tribunal a rejeté l’argument avancé dans la Note de position de la Chine selon lequel la Déclaration de 2002 entre la Chine et l’ANASE sur la conduite des parties dans la mer de Chine méridionale peut empêcher les Philippines d’initier un arbitrage. Le Tribunal a estimé que la Déclaration est un accord politique et n’est pas juridiquement contraignante; elle ne prévoit pas de mécanisme contraignant de règlement et n’exclut pas d’autres moyens de règlement. Par conséquent, la Déclaration ne limite pas la compétence du Tribunal en vertu des articles 281 et 282. Le Tribunal a également examiné le Traité d’amitié et de coopération en Asie du Sud-Est, la Convention sur la diversité biologique, ainsi qu’une série de déclarations conjointes publiées par les Philippines et la Chine faisant référence au règlement des différends par voie de négociation. Il en a conclu qu’aucun de ces instruments ne constituait un accord empêchant les Philippines d’introduire ses demandes en arbitrage.
En outre, le Tribunal a noté que les Parties ont procédé à un échange de vues concernant le moyen à utiliser pour régler leur différend, conformément aux dispositions de l’article 283 de la Convention, avant l’introduction de l’arbitrage par les Philippines. Le Tribunal a jugé que cette exigence a été remplie par le dossier des communications diplomatiques entre les Philippines et la Chine, dans lesquelles les Philippines ont exprimé clairement leur préférence pour des négociations multilatérales impliquant d’autres États bordant la mer de Chine méridionale, alors que la Chine a insisté sur le fait que seul un dialogue bilatéral pouvait être envisagé.
e. Exceptions et limitations de compétence
Dans sa Sentence du 12 juillet 2016, le Tribunal étudie la question de savoir si les conclusions des Philippines portant sur les droits historiques revendiqués par la Chine et sur la «ligne en neuf traits» sont visées par l’exception d’incompétence pour les différends concernant les «titres historiques» prévue à l’article 298 de la Convention. Le Tribunal examine la signification du terme «titre historique» en droit de la mer et est parvenu à la conclusion qu’il fait référence à des revendications en matière de souveraineté historique sur des baies et des eaux côtières. Ayant examiné les prétentions de la Chine et la conduite de celle-ci dans la Mer de Chine méridionale, le Tribunal conclut que la Chine revendique des droits historiques sur des ressources à l’intérieur de la «ligne en neuf traits», mais ne revendique pas de titre historique sur les eaux de la Mer de Chine méridionale. Ainsi, le Tribunal juge qu’il est compétent pour connaître des prétentions des Philippines portant sur les droits historiques et, en l’espèce, sur la «ligne en neuf traits».
Dans sa Sentence du 12 juillet 2016, le Tribunal étudie également la question de savoir si les conclusions des Philippines sont visées par l’exception d’incompétence énoncée à l’article 298 concernant les différends portant sur la délimitation de zones maritimes. Dans sa Sentence sur la compétence, le Tribunal avait déjà statué sur le fait que les conclusions des Philippines ne concernaient pas la délimitation de frontières en tant que telle, mais avait noté que plusieurs des conclusions des Philippines dépendaient de certaines zones faisant partie de la zone économique exclusive des Philippines. Le Tribunal avait conclu qu’il ne pouvait se prononcer sur de telles conclusions que s’il n’existait aucune possibilité que la Chine ait le droit à une zone économique exclusive chevauchant celle des Philippines, et il avait décidé de reporter une décision finale quant à sa compétence. Dans sa Sentence du 12 juillet 2016, le Tribunal examine des éléments de preuve concernant les revendications chinoises sur les récifs et les îles en Mer de Chine méridionale, et estime qu’aucun de ceux-ci n’est capable de générer un droit à une zone économique exclusive. La Chine n’ayant aucun droit à une zone exclusive chevauchant celle des Philippines dans les îles Spratly, le Tribunal conclut que les conclusions des Philippines ne dépendent pas d’une délimitation de frontière au préalable.
Dans sa Sentence du 12 juillet 2016, le Tribunal examine aussi la question de savoir si les conclusions des Philippines sont visées par l’exception d’incompétence énoncée à l’article 298 concernant les différends portant sur les actes d’exécution forcée dans la zone économique exclusive. Le Tribunal rappelle que l’exception à l’article 298 ne s’appliquerait que si les conclusions des Philippines portaient sur les actes d’exécution forcée dans la zone économique exclusive de la Chine. Toutefois, puisque les conclusions des 10 Philippines concernent des événements se déroulant dans la zone économique exclusive des Philippines ou dans la mer territoriale, le Tribunal conclut que l’article 298 ne fait pas obstacle à sa compétence.
Enfin, dans sa Sentence du 12 juillet 2016, le Tribunal étudie la question de savoir si les conclusions des Philippines sont visées par l’exception d’incompétence énoncée à l’article 298 concernant les différends portant sur les activités militaires. Le Tribunal conclut que la confrontation entre la Marine philippine et les navires de la force publique et militaires chinois à proximité du Récif de Second Thomas constitue des activités militaires et juge qu’il n’est pas compétent pour statuer sur la conclusion N°14(a) à (c) des Philippines. Le Tribunal examine également la question de savoir si les activités de réclamation de terre et de construction d’îles artificielles menées par la Chine sur sept éléments des îles Spratly constituent des activités militaires, mais note que la Chine a souligné à maintes reprises le caractère non-militaire de ses opérations et qu’elle a déclaré au plus haut niveau qu’elle ne militariserait pas sa présence dans les îles Spratlys. Le Tribunal décide qu’il ne considérerait pas ces activités comme «militaires» par nature, étant donné que la Chine a elle-même affirmé le contraire à plusieurs reprises. Ainsi, le Tribunal conclut que l’article 298 ne fait pas obstacle à sa compétence.
4. Décisions du Tribunal sur le fond des requêtes des Philippines
a. La «ligne en neuf traits» et droits historiques revendiqués par la Chine dans les zones maritimes de la mer de Chine méridionale
Dans sa Sentence du 12 juillet 2016, le Tribunal examine les implications de la «ligne en neuf traits» de la Chine ainsi que la question de savoir si la Chine a des droits historiques sur des ressources en mer de Chine méridionale, au-delà des limites des zones maritimes qui lui sont accordées en vertu de la Convention.
Le Tribunal étudie l’histoire de la Convention et de ses dispositions se rapportant aux zones maritimes et estime que la Convention attribue aux États des droits à des zones maritimes de manière générale. Le Tribunal note que la question des droits préexistants sur des ressources (notamment les ressources halieutiques) a été examinée attentivement au cours des négociations sur la création de la zone économique exclusive, et que plusieurs États avaient souhaité préserver les droits de pêche historiques dans cette nouvelle zone. Toutefois, cette position a été rejetée et le texte final de la Convention n’accorde à d’autres États qu’un droit d’accès limité à la pêche dans la zone économique exclusive (si un État côtier a une capacité d’exploitation inférieure à l’ensemble du volume admissible des captures), et aucun droit sur des ressources pétrolières ou minérales. Le Tribunal considère que la revendication de droits historiques de la Chine sur des ressources est incompatible avec l’attribution détaillée de droits et de zones maritimes par la Convention et conclut que, dans la mesure où la Chine avait des droits historiques sur des ressources dans les eaux de la mer de Chine méridionale, ces droits ont été éteints du fait de l’entrée en vigueur de la Convention, car incompatibles avec le système de zones maritimes prévu par la Convention.
Le Tribunal se penche également sur des archives historiques afin de déterminer si la Chine avait effectivement des droits historiques sur des ressources dans la mer de Chine méridionale avant l’entrée en vigueur de la Convention. Le Tribunal constate qu’il existe des preuves selon lesquelles des navigateurs et pêcheurs chinois, ainsi que ceux d’autres États, avaient historiquement, fait usage des îles de la mer de Chine méridionale, bien que le Tribunal ait souligné qu’il n’était pas habilité à statuer sur la question de souveraineté sur ces îles. Toutefois, le Tribunal estime que, jusqu’à l’entrée en vigueur de la Convention, les eaux de la mer de Chine méridionale au-delà de la mer territoriale faisaient juridiquement partie de la haute mer, dans laquelle les navires de tout État pouvaient naviguer et pêcher librement. Ainsi, le Tribunal estime que la navigation et la pêche historiques par la Chine dans les eaux de la mer de Chine méridionale représentent l’exercice des libertés relatives à la haute mer, plutôt qu’un droit historique, et qu’il n’existe pas de preuve que la Chine avait, historiquement, exercé un contrôle exclusif sur les eaux de la mer de Chine méridionale ou empêché d’autres États d’exploiter leurs ressources.
Par conséquent, le Tribunal conclut qu’en l’espèce, il n’y a aucun fondement juridique pour que la Chine revendique des droits historiques sur des ressources, au-delà des droits prévus par la Convention, dans les zones maritimes comprises dans la «ligne en neuf traits».
b. Statut des éléments de la Mer de Chine méridionale
Dans sa Sentence du 12 juillet 2016, le Tribunal examine le statut de certains des éléments dans la Mer de Chine méridionale et les droits à des zones maritimes que la Chine pourrait éventuellement revendiquer en vertu de la Convention.
Le Tribunal procède, dans un premier temps, à une évaluation technique afin de déterminer si certains récifs coralliens revendiqués par la Chine sont, ou non, découverts à marée haute. Conformément aux articles 13 et 121 de la Convention, les éléments qui sont découverts à marée haute génèrent un droit à une mer territoriale d’au moins 12 milles marins, alors que les éléments qui sont recouverts à marée haute ne génèrent pas de droit à une zone maritime. Le Tribunal note que de nombreux récifs de la Mer de Chine méridionale ont été modifiés de manière considérable par des activités récentes de réclamation de terre et de construction, et rappelle que la Convention catégorise les éléments en fonction de leur état naturel. Le Tribunal a nommé un expert hydrographe en vue de l’assister dans l’évaluation des preuves techniques présentées par les Philippines, et s’est largement appuyé sur des documents d’archive et des données de relevés hydrographiques pour évaluer les éléments. Le Tribunal souscrit aux conclusions des Philippines selon lesquelles le Récif de Scarborough, le Récif de Johnson, le Récif de Cuarteron et le Récif de Fiery Cross sont des éléments découverts à marée haute, tandis que le Récif de Subi, le Récif de Hughes, le Récif de Mischief et le Récif de Second Thomas sont recouverts à marée haute dans leur état naturel. Toutefois, le Tribunal ne souscrit pas aux conclusions des Philippines concernant le statut du Récif de Gaven Reef (Nord) et du Récif de McKennan et conclut qu’ils sont tous deux des éléments découverts à marée haute.
Le Tribunal étudie ensuite la question de savoir si les éléments revendiqués par la Chine peuvent générer des zones maritimes au-delà des 12 milles marins. En vertu de l’Article 121 de la Convention, une île génère une zone économique exclusive de 200 milles marins et un plateau continental, mais les «rochers qui ne se prêtent pas à l’habitation humaine ou à une vie économique propre, n’ont pas de zone économique exclusive ni de plateau continental». Le Tribunal note que cette disposition est étroitement liée à l’élargissement de la juridiction d’un État côtier du fait de la création de la zone économique exclusive, et vise à éviter que des éléments insignifiants ne génèrent de droits importants à des zones maritimes ; ce qui porterait atteinte aux droits des territoires habités, de la haute mer et des zones des fonds marins réservés au patrimoine commun de l’humanité. Le Tribunal interprète l’article 121 et conclut que les droits d’un élément dépendent de a) la capacité objective d’un élément, b) dans son état naturel, à soutenir soit c) une communauté stable de personnes ou d) une activité économique qui ne dépend pas des ressources extérieures ou qui n’est pas de nature uniquement extractive.
Le Tribunal constate que de nombreux éléments dans les îles Spratly sont actuellement contrôlés par l’un ou l’autre des États côtiers, qui ont construit des installations et déployé du personnel sur place. Le Tribunal considère que cette présence moderne est dépendante des ressources et du soutien extérieurs et note que de nombreux éléments ont été modifiés afin d’améliorer leur habitabilité, notamment par le biais d’activités de réclamation de terre et de construction d’infrastructures telles que des usines de dessalement. Le Tribunal estime que la présence actuelle de personnel officiel sur de nombreux éléments ne détermine pas leur capacité, dans leur état naturel, à soutenir une communauté stable de personnes, et estime que les preuves historiques d’habitation ou de vie économique sont plus pertinentes pour établir la capacité objective des éléments. Ayant étudié les archives historiques, le Tribunal constate que les îles Spratly ont été utilisées historiquement par des petits groupes de pêcheurs de Chine, ainsi que d’autres États, et que, dans les années 1920 et 1930, plusieurs entreprises japonaises y ont tenté des activités de pêche et d’extraction minière du guano. Le Tribunal conclut que l’utilisation temporaire des éléments par des pêcheurs ne constitue pas une habitation par une communauté stable et que toutes les activités économiques historiques ont été de nature extractive. Par conséquent, le Tribunal estime que tous les éléments découverts à marée haute dans les îles Spratly (y compris, par exemple, Itu Aba, Thitu, île West York, île Spratly, Northeast Cay, Southwest Cay) sont juridiquement des « rochers » qui ne génèrent pas de zone économique exclusive ou de plateau continental.
En outre, le Tribunal soutient que la Convention ne prévoit pas qu’un groupe d’îles, tel que les îles Spratly, génère des zones maritimes collectivement, en tant qu’ensemble.
c. Activités menées par la Chine en mer de Chine méridionale
Dans sa Sentence du 12 juillet 2016, le Tribunal examine la légalité, en vertu de la Convention, de diverses actions menées par la Chine en mer de Chine méridionale.
Ayant conclu que le Récif de Mischief, le Récif de Second Thomas et le Banc Reed sont recouverts à marée haute, qu’ils font partie de la zone économique exclusive et du plateau continental des Philippines, et ne sont chevauchés par aucun droit de la Chine, le Tribunal juge que la Convention accorde de manière très claire des droits souverains aux Philippines sur des zones maritimes dans sa zone économique exclusive. Le Tribunal estime que la Chine a effectivement a) entravé l’exploration pétrolière des Philippines à proximité du Banc Reed, b) visé à interdire aux navires philippins de pêcher dans la zone économique exclusive des Philippines, c) protégé et n’a pas empêché des pêcheurs chinois de pêcher dans la zone économique exclusive des Philippines à proximité du Récif de Mischief et du Récif de Second Thomas, et d) construit des installations et des îles artificielles sur le récif de Mischief sans l’autorisation des Philippines. Ainsi, le Tribunal conclut que la Chine a violé les droits souverains des Philippines relatifs à sa zone économique exclusive et à son plateau continental.
Le Tribunal se penche ensuite sur les activités de pêche traditionnelles à proximité du Récif de Scarborough et conclut que les pêcheurs des Philippines, tout comme les pêcheurs chinois et d’autres États, pêchaient depuis longtemps à proximité du Récif et possédaient des droits de pêche traditionnels dans la zone. Le Récif de Scarborough étant découvert à marée haute, il génère un droit à une mer territoriale ; ses eaux environnantes ne font pas partie de la zone économique exclusive et les droits de pêche traditionnels n’ont pas été éteints par la Convention. Bien que le Tribunal souligne qu’il ne statuait pas sur la souveraineté sur le Récif de Scarborough, il estime que la Chine a manqué aux obligations qui lui incombaient de respecter les droits de pêche traditionnels des pêcheurs philippins en bloquant l’accès au Récif depuis mai 2012. Toutefois, le Tribunal a noté qu’il parviendrait à la même conclusion en ce qui concerne les droits de pêche traditionnels des pêcheurs chinois si les Philippines empêchaient les ressortissants chinois de pêcher à proximité du Récif de Scarborough.
Le Tribunal examine également les effets des actions menées par la Chine sur le milieu marin. Ce faisant, le Tribunal a été assisté par trois experts indépendants en biologie des récifs coralliens, lesquels ont été nommés afin d’assister le Tribunal à évaluer les preuves scientifiques disponibles et les rapports d’experts présentés par les Philippines. Le Tribunal conclut que les activités récentes de réclamation de terre à grande échelle et de construction d’îles artificielles menées par la Chine sur sept éléments des îles Spratly ont causé des dommages graves à l’environnement des récifs coralliens, et que la Chine a manqué à ses obligations en vertu des articles 192 et 194 de la Convention de préserver et protéger l’environnement marin s’agissant des écosystèmes délicats et de l’habitat des espèces en régression, menacées ou en voie d’extinction. Le Tribunal constate également que les pêcheurs chinois ont exploité à, grand échelle, des tortues de mer, des coraux et des palourdes géantes menacés d’extinction dans la mer de Chine méridionale, en utilisant des méthodes causant des dommages importants à l’environnement des récifs coralliens. Le Tribunal conclut que les autorités chinoises étaient au courant de ces activités et qu’elles ont manqué aux obligations de diligence qui leur incombent en vertu de la Convention, de mettre fin à ces activités.
Enfin, le Tribunal étudie la légalité de la conduite des navires de la force publique chinoise à proximité du récif de Scarborough à deux occasions, en avril et en mai 2012, lorsque des navires chinois ont cherché à empêcher physiquement des navires philippins de s’approcher du Récif ou à y accéder. Pour ce faire, le Tribunal a été assisté par un expert indépendant en sécurité de la navigation, nommé afin d’aider le Tribunal à examiner les rapports écrits soumis par les officiers des navires philippins et les preuves d’expert sur la sécurité de la navigation présentées par les Philippines. Le Tribunal estime que les navires de la force publique chinoise ont approché à plusieurs reprises les navires philippins à grande vitesse et cherché à traverser devant eux à des distances très rapprochées, provoquant des risques sérieux d’abordage et mettant en situation de danger les navires et le personnel philippins. Le Tribunal estime que la Chine a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention relatives au Règlement international pour prévenir les abordages en mer de 1972, et en vertu de l’article 94 de la Convention se rapportant à la sécurité de la navigation.
d. Aggravation du différend entre les Parties
Dans sa Sentence du 12 juillet 2016, le Tribunal étudie la question de savoir si les activités récentes de réclamation de terre à grande échelle et de construction d’îles artificielles menées par la Chine sur sept éléments des îles Spratly depuis le commencement du présent arbitrage ont aggravé le différend entre les Parties. Le Tribunal rappelle que les parties engagées dans une procédure de règlement des différends ont le devoir de s’abstenir d’aggraver ou d’étendre le ou les différends en question au cours du processus de règlement. Le Tribunal note que la Chine a a) construit une grande île artificielle sur le Récif de Mischief, un haut-fond découvrant situé dans la zone économique exclusive des Philippines ; b) infligé des dommages permanents et irréversibles à l’écosystème des récifs coralliens et c) détruit de façon permanente des preuves sur l’état naturel des éléments en question. Le Tribunal conclut que la Chine a violé les obligations qui lui incombent de s’abstenir d’aggraver ou d’étendre les différends entre les Parties au cours du processus de règlement.
e. Conduite future des Parties
Enfin, le Tribunal examine la demande des Philippines tendant à ce qu’une déclaration soit faite, stipulant qu’à l’avenir, la Chine respectera les droits et libertés des Philippines et se conformera aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention. À cet égard, le Tribunal constate que les Philippines et la Chine ont accepté à plusieurs reprises que la Convention et les obligations générales de bonne foi définissent et règlent leur conduite. Le Tribunal estime que l’origine des différends en question dans le présent arbitrage ne réside pas dans l’intention de la Chine ou des Philippines de porter atteinte aux droits juridiques de l’autre, mais plutôt dans des compréhensions fondamentalement différentes de leurs droits respectifs en vertu de la Convention dans les eaux de la mer de Chine méridionale. Le Tribunal rappelle qu’il est un principe fondamental du droit international selon lequel la mauvaise foi ne se présume pas et note que l’article 11 de l’Annexe VII énonce que «[t]outes les parties au différend doivent [se] conformer [à la sentence]». Par conséquent, le Tribunal estime qu’aucune déclaration supplémentaire n’est nécessaire.