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Crue de la Seine à Paris le 5 juin 2016. |
Crue de la Seine à Paris le 5 juin 2016. Photo : AFP/VNA/CVN |
Aux quatre coins du monde, les agglomérations apparaissent particulièrement vulnérables au risque de catastrophes naturelles et autres stress climatiques. Si les émissions de gaz à effet de serre (GES) gardent leur rythme actuel, toutes les villes européennes verront les canicules s'accentuer, prévoient par exemple des recherches présentées cette semaine devant l'Union européenne des géosciences.
Dans les villes belges, les températures l'été pourront dépasser de 10°C les niveaux d'alerte, et ce pendant 25 jours, selon d'autres travaux. Des inondations - risque principal dans l'UE - sont à attendre sous l'effet de tempêtes plus sévères.
La croissance urbaine vient renforcer l'urgence : d'ici 2050, 80% des habitants des pays développés vivront en ville, 60% dans les pays émergents (la barre des 50% au niveau mondial a été franchie en 2007). Ce qui équivaut à un million de citadins supplémentaires par semaine sur les 40 ans à venir.
Concentrées sur une petite portion du territoire, les villes consomment déjà 80% de l'énergie et génèrent plus de 60% des GES. Lors d'un débat, le climatologue français Hervé Le Treut a prévenu : il faut certes réduire les émissions mais aussi se préparer "dès maintenant" aux impacts.
"Nous sommes presque au stade où il sera impossible de rester sous les 2°" de réchauffement, l'objectif que s'est fixé le monde via l'accord de Paris, prévient-il. "Certains impacts sont déjà là. Des mesures structurelles permettant de s'y adapter doivent être prises rapidement, dans les transports, les bâtiments..."
Culture du risque
"La manière dont les villes ont été construites n'est plus adaptée", souligne Daniel Schertzer, hydrométéorologue, de l’École des Ponts Paris Tech (France). Et une grande part des infrastructures urbaines est aujourd'hui exposée.
À Paris, le risque principal est une nouvelle crue centennale, semblable à celle de 1910.
"C'est sûr, cela arrivera un jour !", a fortiori avec un réchauffement porteur de tempêtes, dit Sébastien Maire, responsable "résilience" à la mairie de Paris. "D'après l'OCDE, elle nous coûterait 100 mds d'euros, 400.000 emplois, et il faudra 5 à 10 ans pour reconstruire le métro".
La vulnérabilité parisienne tient au fait que des équipements critiques sont près du fleuve: stations électriques, réseaux de chaleur... "Nous n'avons pas les moyens de les reconstruire aujourd'hui. Mais on identifie d'ores et déjà les mesures à prendre, pour le jour où", explique M. Maire, arrivé fin 2015 dans le cadre du réseau mondial des "100 villes résilientes".
Peu à peu, l'idée de "résilience urbaine" se diffuse. New York est en pointe, comme La Nouvelle-Orléans, ou des villes de Nouvelle-Zélande et des Pays-Bas pour l'eau. "On avait délaissé cette approche ancienne du développement urbain, dans l'euphorie du XXe siècle", commente le responsable français. "Ce n'est pas du catastrophisme, c'est au contraire se préparer sereinement".
M. Maire liste ses chantiers : zones naturelles d'expansion de crue, qualité de l'eau, implication des citoyens, éducation à la culture du risque... Le tout avec le concours de scientifiques, insiste-t-il.
En quelques années, la "résilience des villes" est devenue un important sujet de recherche. À Vienne, un chercheur a détaillé ses recherches sur sa ville de Moscou, agglomération la plus peuplée d'Europe (17 millions d'habitants), hérissée d'immeubles, où les "îlots de chaleur", ces concentrations de chaleur liées à l'absence de nature, sont plus forts qu'ailleurs.
L'université Nanyang de Singapour œuvre à un "index du risque" pour les villes d'Asie du Sud-Est, où les précipitations devraient croître de 20% au cours du siècle. Parfois, des solutions simples sont redécouvertes. Comme cette technique "uchimizu", utilisée dès le XVIIe siècle au Japon, consistant à garder l'eau de pluie pour arroser les sols et rafraîchir.
"Cette méthode peut réduire considérablement des températures extrêmes sur des sols pavés imperméables", selon Anna Solverova, de l'université de Delft (Pays-Bas), qui en a quantifié l'effet. "C'est aussi une solution que chacun peut mettre en place".